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27/09/2012 | FRANCE | N°12NT00666

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 septembre 2012, 12NT00666


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour Mme Caroline-Noëlle Y épouse X, élisant domicile au ..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201234 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 7 février 2012 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique en date du 1er février 2012 portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence pour une durée de 45 jours ;


2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un ti...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour Mme Caroline-Noëlle Y épouse X, élisant domicile au ..., par Me Bourgeois, avocat au barreau de Nantes ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201234 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 7 février 2012 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique en date du 1er février 2012 portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence pour une durée de 45 jours ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Bourgeois, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 le rapport de M. Monlaü, premier conseiller ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique en date du 1er février 2012 portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 21 décembre 2011 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à Mme Netolicka-Lemaire, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du service de l'immigration et de l'intégration, délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Boulogne, directeur de la réglementation et des libertés publiques, les décisions portant obligation de quitter le territoire, les décisions fixant le pays de renvoi et les arrêtés portant assignation à résidence ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la réglementation et des libertés publiques n'aurait pas été absent ou empêché ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les arrêtés contestés ont été signés par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il sera renvoyé ; que, dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a fait obligation de quitter le territoire français à Mme X, ressortissante camerounaise, et fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office ;

Considérant, en troisième lieu, que les arrêtés contestés, qui comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, sont, contrairement à ce que soutient Mme X, suffisamment motivés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme X, laquelle, déclarant être entrée en France en juillet 2011, n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ni que, se croyant lié par le fait que l'intéressée n'avait pas sollicité la reconnaissance du statut de réfugié, le préfet n'aurait pas lui-même apprécié si elle encourait des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que la circonstance que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français ne fait pas état des violences conjugales dont la requérante prétend avoir été l'objet ne suffit pas à établir le défaut d'un tel examen ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder. /Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. / En outre, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". " ; et qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces produites par Mme X devant le premier juge que son état de santé présenterait les caractéristiques définies au 10° de l'article L. 511-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prescrire une telle obligation à l'égard d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

Considérant que Mme X soutient avoir subi des violences physiques et psychologiques de la part de son conjoint, de nationalité gabonaise, qu'elle a épousé le 11 septembre 2010 à Nantes ; que cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X aurait obtenu le bénéfice du regroupement familial pour son épouse, de nature à faire bénéficier de plein droit Mme X, qui ne soutient pas avoir obtenu l'autorisation d'entrer en France prévue à l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 431-2 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, dès lors qu'elle devait se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" en application de ces dispositions, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant Mme X, qui a vécu au Cameroun, où résident toujours ses enfants nés d'une précédente union, jusqu'à l'âge de 43 ans, et ne vit plus avec son époux, lequel a déposé une requête en divorce le 5 décembre 2011, à quitter le territoire français, le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en sixième lieu, que si Mme X soutient qu'elle a besoin de

rester en France pour organiser sa défense dans le cadre de l'instance en divorce engagée par son époux, son éloignement n'a pas pour effet d'interdire qu'elle puisse se faire représenter devant le juge des affaires familiales ; qu'à supposer par hypothèse qu'elle se trouve dans le cas prévu par les dispositions de l'article 252 du code civil et de l'article 1108 du code de procédure civile aux termes desquels les époux doivent être présents personnellement à la tentative de conciliation, il lui sera loisible de faire état de cette circonstance de droit auprès du consulat de France pour solliciter la délivrance d'un visa de court séjour qui ne pourra légalement pas lui être refusé ; que Mme X n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations des paragraphes 1 ou 3 de l'articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

Considérant, en dernier lieu, que si Mme X soutient comme en première instance, sans apporter de pièces ou d'argumentation nouvelles, qu'il n'existe aucun risque qu'elle se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, de sorte que le préfet ne pouvait l'assigner à résidence pendant 45 jours sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme le principe de proportionnalité reconnu par la directive retour et la jurisprudence communautaire ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par le premier juge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours sous astreinte de 75 euros par jour de retard, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au profit de l'avocat de Mme X, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Caroline-Noëlle Y épouse X et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

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N° 12NT006662

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00666
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Xavier MONLAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-09-27;12nt00666 ?
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