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27/09/2012 | FRANCE | N°10NT00291

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 septembre 2012, 10NT00291


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2010, présentée pour la société d'économie mixte (SEM) CENTRE D'ETUDE ET DE VALORISATION DES ALGUES (CEVA), dont le siège est rue de Pen Lan à Pleubian (22610), par la SCP d'avocats au barreau de Rennes Bondiguel, Poirrier-Jouan, Plumerault, Bondiguel-Schindler ; La SEM CEVA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703761 du 10 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution, à concurrence des montants de 19 688 euros, 33 727 euros, 61 046 euros et 56 222 euros, d

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Vu la requête, enregistrée le 10 février 2010, présentée pour la société d'économie mixte (SEM) CENTRE D'ETUDE ET DE VALORISATION DES ALGUES (CEVA), dont le siège est rue de Pen Lan à Pleubian (22610), par la SCP d'avocats au barreau de Rennes Bondiguel, Poirrier-Jouan, Plumerault, Bondiguel-Schindler ; La SEM CEVA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703761 du 10 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution, à concurrence des montants de 19 688 euros, 33 727 euros, 61 046 euros et 56 222 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé diverses subventions qu'elle a perçues au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004 ;

2°) de lui accorder la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005

Commission c/ Royaume d'Espagne (C- 204/03) et Commission c/ République française (C- 243/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de M. Monlaü, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Poirier-Jouan, avocat de la SEM CEVA ;

Considérant que la SEM CEVA, qui a pour objet la recherche sur la connaissance des algues et leur valorisation et facture à ce titre des prestations de services assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à des industriels ou des laboratoires, a perçu au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004 des subventions publiques qu'elle n'a pas soumises à la taxe mais incluses au dénominateur du prorata de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que par une réclamation du 30 mai 2007, elle a sollicité la restitution de la taxe non déduite en application de ce prorata ; que l'administration fiscale, qui a fait droit à cette demande à concurrence de la taxe supportée à raison d'acquisitions d'immobilisations, a opposé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du surplus de la réclamation ; que la société interjette appel du jugement par lequel tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite au titre des acquisitions de biens et services au cours de ladite période comme irrecevable ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révélerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

Considérant que par deux arrêts du 6 octobre 2005 Commission c/ République française et Commission c/ Royaume d'Espagne, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que des dérogations au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Considérant, d'autre part, que l'instruction 3 CA-94 du 8 septembre 1994 prévoyait l'application de la règle du prorata de déduction prévue à l'article 212 de l'annexe II au même code en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008, non seulement aux entreprises qui ne réalisaient pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction mais également aux entreprises dont la totalité du chiffre d'affaires était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qui par ailleurs, percevaient des subventions placées hors du champ d'application de cette taxe ; que selon cette doctrine, ces subventions devaient être incluses au dénominateur du prorata, ce qui limitait ainsi le droit de déduction de ces entreprises ; que toutefois, il était admis que, s'agissant des subventions versées par une collectivité territoriale à un de ses établissements publics, il était possible, aux fins d'éviter la limitation des droits de déduction, d'opter pour l'assujettissement de ces subventions à la taxe ; que de telles dérogations au droit à déduction n'étaient pas permises par la directive ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le droit de déduction de la SEM CEVA au cours de la période litigieuse a été limité en application de la doctrine administrative ci-dessus mentionnée du fait de l'inclusion au dénominateur du prorata de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts des subventions, placées hors du champ d'application de la taxe, qu'elle a perçues de diverses collectivités publiques ; que les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ci-dessus mentionnés qui condamnent, à titre général, tout mécanisme, direct ou indirect, de limitation des droits à déduction non prévus par la sixième directive doivent ainsi que le soutient la SEM CEVA être regardées comme des décisions juridictionnelles de nature à révéler la non-conformité des dispositifs français litigieux qu'elle a appliqués à une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 précité du livre des procédures fiscales et comme constituant un événement nouveau au sens du c) de l'article R. 196-1 précité du même livre ; que la SEM CEVA est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté de sa réclamation tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite à tort au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004 présentée le 30 mai 2007, opposée par le directeur des services fiscaux des Côtes d'Armor et rejeté en conséquence sa demande comme irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SEM CEVA devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte, comme il vient d'être dit, des arrêts susmentionnés de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 6 octobre 2005 que les dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts en tant qu'elles limitaient, ainsi que le prévoyait également l'instruction 3 CA-94 du 8 septembre 1994, le droit de déduction des entreprises dont la totalité du chiffre d'affaires était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qui par ailleurs, percevaient des subventions placées hors du champ d'application de cette taxe, n'étaient pas conformes à la sixième directive ; qu'il s'ensuit que la SEM CEVA est en droit de prétendre à la restitution de la somme de 170 683 euros correspondant au montant non contesté de la taxe litigieuse indûment versée au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SEM CEVA, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 10 décembre 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat restituera à la SEM CEVA la somme de 170 683 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée indûment versée au Trésor public pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004.

Article 3 : L'Etat versera à la SEM CEVA la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SEM CENTRE D'ETUDE ET DE VALORISATION DES ALGUES et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10NT002912

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00291
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Xavier MONLAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : BONDIGUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-09-27;10nt00291 ?
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