Vu, I, sous le n° 11NT01069, la requête, enregistrée le 19 mai 2010, présentée pour M. Christophe X, demeurant ..., par
Me Taraud, avocat au barreau de Versailles, et l'intervention de la fédération nationale CGT des travailleurs de l'Etat ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-2933 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis par lui du fait de la discrimination syndicale dont il affirme avoir été victime dans le déroulement de sa carrière d'ouvrier d'Etat affecté au sein de l'établissement de Cherbourg de la société DCNS ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, sous le n° 11NT01070, la requête, enregistrée le 19 mai 2010, présentée pour la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT, dont le siège est 263, rue de Paris à Montreuil (93515 cedex), représentée par son secrétaire général en exercice, par Me Taraud, avocat au barreau de Versailles ; la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-2933 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. X, à l'appui de laquelle elle est intervenue, tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis par lui du fait de la discrimination syndicale dont celui-ci affirme avoir été victime dans le déroulement de sa carrière d'ouvrier d'Etat affecté au sein de l'établissement de Cherbourg de la société DCNS ;
2°) de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. X et la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT des sommes de, respectivement, 3 000 euros et 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au défenseur des droits, notamment son article 33 ;
Vu le décret du 26 février 1897 relatif à la situation du personnel civil d'exploitation des établissements militaires, ensemble le décret du 1er avril 1920 relatif au statut du personnel ouvrier des arsenaux et établissements de la marine et le décret du 8 janvier 1936 fixant le statut du personnel ouvrier des établissements et services extérieurs du ministère de l'air ;
Vu le décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2012 :
- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller,
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,
- les observations de Me Taraud, avocat de M. X,
- et les observations de Me Viegas, avocat du défenseur des droits ;
Considérant que M. X, recruté le 4 septembre 1989 à la direction des constructions navales (DCN) de Cherbourg en qualité d'ouvrier de l'Etat au groupe V, 1er échelon, interjette appel du jugement du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis par lui du fait de la discrimination syndicale dont il affirme avoir été victime dans le déroulement de sa carrière d'ouvrier d'Etat affecté au sein de l'établissement de la DCN de Cherbourg jusqu'au 31 décembre 2002, puis mis à disposition de la société DCNS à compter du 1er janvier 2003 ; que la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT intervient à l'appui de cette requête et conclut, par une requête distincte, aux mêmes fins que la requête de M. X ;
Considérant que les requêtes n° 10NT01069 et n° 10NT01070 sont dirigées contre un même jugement ; qu'elles présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 10NT01070 et l'intervention de la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT :
Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT se borne à intervenir au soutien des conclusions présentées pour M. X et ne se prévaut pas d'un droit propre auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que, dès lors, sa requête et son intervention ne sont pas recevables ;
Sur la requête n° 10NT01069 de M. X :
Considérant, en premier lieu, que si l'Etat a opposé la prescription à la demande d'indemnisation de M. X, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice dont ce dernier se prévaut était connu par lui dans toute son étendue depuis plus de cinq ans à la date à laquelle il a présenté sa réclamation ;
Considérant, en deuxième lieu, que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cet office doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision en litige repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des listes nominatives que M. X a produites à l'instance, qu'à la date du 31 janvier 2005, sur les 43 ouvriers recrutés au cours de l'année 1989 et encore en activité, 6 étaient classés dans un groupe supérieur (groupe VII) et 37 étaient classés au même groupe que le requérant (groupe VI depuis le 1er janvier 2002), mais que quatre d'entre ces derniers seulement avaient une ancienneté égale ou inférieure à la sienne ; que M. X, qui ainsi avait à cette date un retard de carrière de trois ans par rapport à la moyenne, n'a été promu au groupe VII qu'en 2010, soit après les autres ouvriers exerçant la même profession ; que ces éléments sont susceptibles de faire présumer l'existence d'une discrimination syndicale se matérialisant par la mise à l'écart de l'intéressé, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001, de l'avancement au groupe VI auquel il pouvait prétendre ;
Considérant, toutefois, que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir de façon certaine si le ralentissement de la carrière de M. X repose sur des motifs tenant à ses capacités, aptitudes et mérites ou, au contraire, sur des motifs entachés de discrimination et, par conséquent, si la direction des constructions navales a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, il y a lieu, avant dire droit sur les conclusions de la requête de M. X, d'inviter le ministre de la défense à produire tous éléments, et notamment les documents de notation ou d'évaluation, de nature à établir, ainsi qu'il en a la charge, l'existence de motifs autres que discriminatoires justifiant le retard de carrière de M. X entre 1999 et 2002 ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT au soutien de la requête n° 10NT01069 de M. X n'est pas admise.
Article 2 : La requête n° 10NT01070 de la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT est rejetée.
Article 3 : Il est demandé au ministre de la défense de produire, dans le délai de deux mois, tous éléments, et notamment les documents de notation ou d'évaluation, de nature à établir les motifs justifiant le retard de carrière de M. X entre 1999 et 2002.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe X, à la FEDERATION NATIONALE CGT DES TRAVAILLEURS DE L'ETAT, au ministre de la défense et à la société DCNS.
Une copie en sera adressée au défenseur des droits.
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Nos 10NT01069, 10NT01070 2
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