Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010, présentée pour la SA SELVI, dont le siège est rue Nicolas Appert, BP 307, à Alençon (61009), par Me Abensour-Gibert, avocat au barreau de Paris ; la SA SELVI demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-2446 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recette n° 2008007 d'un montant de 24 929,63 euros émis à son encontre par le directeur de l'office de l'élevage et notifié le 8 septembre 2008 ;
2°) d'annuler ce titre de recette ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement CE n° 2456/93 de la Commission du 1er septembre 1993 portant modalités d'application du règlement CEE n° 805/68 du Conseil en ce qui concerne les mesures générales et les mesures spéciales d'intervention dans le secteur de la viande bovine ;
Vu le règlement CE n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2012 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Alibert, avocat de France Agrimer ;
Considérant que la SA SELVI, spécialisée dans l'abattage et la commercialisation de viande bovine, s'est portée adjudicataire au cours des années 1996 et 1997 auprès de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL), lequel a été remplacé à compter du 1er janvier 2006 par l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) puis par France Agrimer à compter du 1er avril 2009, pour la vente à l'intervention de carcasses de jeunes bovins mâles de catégorie A ; qu'à l'occasion d'un contrôle ultérieur, les services douaniers ont constaté que les conditions prévues à l'article 4 du règlement susvisé CE n° 2456/93 du 1er septembre 1993 n'étaient pas remplies ; qu'un titre de recettes émis le 27 août 2002 a été notifié à la société SELVI le 3 septembre 2002 pour un montant de 119 018,09 euros ; que, par un jugement du 16 décembre 2003, confirmé en appel le 16 février 2006, le tribunal administratif de Caen a annulé ce titre de recette pour non respect du principe du contradictoire ; qu'un nouveau titre de recettes portant le n° 2008007 a été notifié à la société le
4 septembre 2008 pour un montant de 24 929,63 euros ; que la SA SELVI interjette appel du jugement du 18 mars 2010, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de recette ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la SA SELVI soutient que le tribunal administratif devait écarter des débats les mémoires et pièces produites par France Agrimer, défendeur en première instance, au motif qu'ils n'avaient pas été présentés par un avocat en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-2 du code de justice administrative ; que, toutefois, et alors même qu'ils comprenaient des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les mémoires présentés en première instance par France Agrimer tendaient au rejet de la demande de la SA SELVI et non au paiement, à la réduction ou à la décharge d'une somme d'argent ; qu'ainsi, ils ne nécessitaient pas le ministère d'un avocat ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;
Sur le titre de recette :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le titre de recette litigieux n'est pas daté, il comporte un renvoi exprès au courrier d'envoi référencé ECAP/PV/ n° 00826 l'accompagnant ; que ce courrier, lui-même daté du 4 septembre 2008, indique que le titre de recette est joint en annexe ; qu'ainsi ce titre a nécessairement été émis au plus tard le 4 septembre 2008 ; que si l'arrêté de nomination du nouveau directeur de l'ONIEP a été pris le 3 septembre 2008 et n'est paru au Journal officiel que le 5 septembre suivant, l'intéressé n'a été installé dans ses fonctions qu'ultérieurement ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la société requérante, M. Yves Berger, directeur de l'office jusqu'à cette date, était compétent pour signer, le 4 septembre 2008, le titre de recette n° 2008007 contesté ; que la circonstance que la lettre de notification ne comporte pas le nom et le prénom de son signataire est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de ce titre de recette, lequel comporte d'ailleurs ces mentions et a été signé par la même personne ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : "1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)" ; que la SA SELVI ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision contestée, dont le retard est souligné, relève d'une procédure administrative et non d'une procédure contentieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement susvisé n° 2456/93 de la Commission du 1er septembre 1993 : "1. Peuvent faire l'objet d'achats à l'intervention les produits figurant à l'annexe III et relevant des catégories suivantes, définies à l'article 3 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 1208/81 du Conseil (...) 3. (...) ne peuvent être achetées que des carcasses ou demi-carcasses : a) présentées, le cas échéant, après découpe en quartiers aux frais de l'intéressé, conformément aux prescriptions de l'annexe V ; en particulier, la conformité aux exigences du point 2 de ladite annexe doit être appréciée au moyen d'un contrôle portant sur chaque partie de la carcasse ; le non-respect d'une seule de ces exigences entraîne le refus de la prise en charge ; en cas de refus d'un quartier pour non conformité avec lesdites conditions de présentation, en particulier lorsqu'une présentation déficiente ne peut pas être améliorée au cours de la procédure d'acceptation, le quartier correspondant de la même demi-carcasse doit également être refusé" ; que l'annexe V précitée vise les carcasses ou demi-carcasses, fraîches ou réfrigérées provenant d'animaux abattus depuis six jours au maximum et deux jours au minimum ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement précité n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 : "1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. 3. Les actes pour lesquels il est établi qu'ils ont pour but d'obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l'espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l'obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l'avantage, soit son retrait. 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de notification d'infraction établi le 3 juin 1999, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que les documents saisis dans les locaux de la SA SELVI ainsi que les auditions du contrôleur de gestion ont permis de constater la falsification de certains documents destinés à l'office de l'élevage dans le but de rendre éligibles à l'aide communautaire les carcasses des animaux abattus ; que les infractions ainsi relevées correspondent à cinq adjudications intervenues entre le 19 avril 1996 et le 27 août 1996 pour lesquelles les dates d'abattage des animaux reportées sur le bordereau de livraison ont été modifiées de manière à correspondre aux critères précités de l'annexe V du règlement
n° 2456/93 ; que les services douaniers ont ainsi constaté que la date réelle d'abattage des animaux portée dans les registres de tuerie de la société était différente de celles figurant sur le bordereau de livraison destiné à l'office ; que la société requérante ne peut utilement soutenir que l'office aurait dû refuser la marchandise lors de la livraison dès lors que la fraude ne pouvait être décelée au vu des seuls documents produits à cette occasion ; que, par suite, la SA SELVI n'est pas fondée à soutenir que le titre de recette litigieux serait dépourvu de base légale ; que le moyen tiré de l'enrichissement sans cause dont aurait bénéficié l'office en revendant les marchandises livrées est sans incidence sur la légalité du titre de recette, qui résulte de la seule application des dispositions communautaires citées ci-dessus ; qu'ainsi, la SA SELVI ne peut prétendre à une quelconque indemnisation des préjudices qu'elle invoque ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SELVI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de France Agrimer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SA SELVI de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA SELVI le versement de la somme de 2 000 euros à France Agrimer sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA SELVI est rejetée.
Article 2 : La SA SELVI versera à France Agrimer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SELVI et à France Agrimer.
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N° 10NT00979 2
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