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07/06/2012 | FRANCE | N°10NT01946

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 juin 2012, 10NT01946


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 27 août 2010, la décision du 16 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la SAS SOPROPECHE, a annulé l'arrêt n° 05NT1910 du 14 juin 2007 de la cour en tant seulement qu'il s'est prononcé sur la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables, pour cette société, de l'arrêté interministériel du 14 novembre 2000 modifiant l'arrêté du 24 juillet 1990 portant interdiction de l'emploi de certaines protéines d'origine animale dans l'alimentation et la

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Vu, enregistrée au greffe de la cour le 27 août 2010, la décision du 16 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la SAS SOPROPECHE, a annulé l'arrêt n° 05NT1910 du 14 juin 2007 de la cour en tant seulement qu'il s'est prononcé sur la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables, pour cette société, de l'arrêté interministériel du 14 novembre 2000 modifiant l'arrêté du 24 juillet 1990 portant interdiction de l'emploi de certaines protéines d'origine animale dans l'alimentation et la fabrication d'aliments destinés aux animaux de l'espèce bovine et étendant cette interdiction à certaines graisses animales et pour l'alimentation d'autres animaux ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 90/425/CEE du 26 juin 1990 du Conseil des Communautés européennes relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur ;

Vu la décision 2000/766/CE du 4 décembre 2000 du Conseil de l'Union européenne relative à certaines mesures de protection à l'égard des encéphalopathies spongiformes transmissibles et à l'utilisation de protéines animales dans l'alimentation des animaux ;

Vu la décision 2001/9/CE du 29 décembre 2000 de la Commission des Communautés européennes relative aux mesures de contrôle requises pour la mise en oeuvre de la décision 2000/766/CE du Conseil ;

Vu le code de la consommation ;

Vu la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne la commercialisation des produits ou de services ;

Vu le décret n° 86-1037 du 15 septembre 1986 modifié portant application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne la commercialisation des produits ou de services ;

Vu l'arrêté interministériel du 24 juillet 1990 portant interdiction de l'emploi de certaines protéines d'origine animale dans l'alimentation et la fabrication d'aliments destinés aux animaux de l'espèce bovine ;

Vu l'arrêté interministériel du 14 novembre 2000 modifiant l'arrêté du 24 juillet 1990 susvisé ;

Vu l'arrêté interministériel du 13 février 2001 modifiant l'arrêté du 24 juillet 1990 susvisé et fixant des conditions supplémentaires à la commercialisation, aux échanges, aux importations et aux exportations de certains produits d'origine animale destinés à l'alimentation animale et à la fabrication d'aliments des animaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2012 :

- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gourvennec, avocat de la SAS SOPROPECHE ;

Considérant que, par un arrêté du 14 novembre 2000 modifiant celui du 24 juillet 1990 portant interdiction de l'emploi de certaines protéines d'origine animale dans l'alimentation et la fabrication d'aliments destinés aux bovins, le ministre de l'agriculture et de la pêche a étendu cette interdiction à certaines graisses animales destinées à l'alimentation d'autres animaux et a, notamment, suspendu l'emploi des farines de poissons dans l'alimentation et la fabrication d'aliments destinés aux animaux des espèces dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine, à l'exclusion des poissons d'élevage ; qu'un second arrêté en date du 13 février 2001 a levé, en ce qui concerne les farines de poissons, la mesure de suspension édictée par l'arrêté du 14 novembre 2000, sous réserve du respect des conditions posées par les dispositions de la décision 2001/9/CE en date du 29 décembre 2000 de la Commission des Communautés européennes ; que la SAS SOPROPECHE, principal importateur et distributeur français de farines de poissons, a relevé appel du jugement du 13 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 385 995,84 euros en réparation des conséquences dommageables de la mesure de suspension susévoquée, en vigueur du 14 novembre 2000 au 13 février 2001 ; que, par un arrêt du 14 juin 2007, la cour a confirmé ce jugement ; que, par une décision du 16 juillet 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant seulement qu'il s'est prononcé sur la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables, pour cette société, de l'arrêté du 14 novembre 2000, et a renvoyé l'affaire devant la cour pour qu'il soit à nouveau statué dans cette seule mesure ;

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle affirme avoir subi du fait des mesures de suspension de l'utilisation des farines de poissons pour l'alimentation des animaux autres que les poissons d'élevage, édictées par l'arrêté du 14 novembre 2000, la SAS SOPROPECHE conteste tant l'appréciation que les auteurs de l'arrêté ont portée sur les risques que ferait courir l'utilisation de ces farines que le caractère approprié des mesures de police choisies ; qu'il appartenait en particulier au juge de vérifier si les mesures de suspension litigieuses étaient ou non excessives et disproportionnées au regard des risques auxquels elles avaient pour objet de faire face ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont bornés à estimer que l'arrêté interministériel du 14 novembre 2000 n'était pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des mesures de précaution qui s'imposent en matière de santé publique, sans procéder au contrôle de proportionnalité des mesures prises qui leur incombait par ailleurs ; que la SAS SOPROPECHE est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement du 13 octobre 2005 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il se prononce sur la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables, pour elle, de l'arrêté du 14 novembre 2000 ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les moyens soulevés en première instance et en appel par la SAS SOPROPECHE en ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du 14 novembre 2000 ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que l'article 10 de la directive 90/425/CEE du 26 juin 1990 du Conseil des Communautés européennes prévoit qu'un Etat peut, pour des motifs graves de protection de la santé publique ou de la santé animale, prendre les mesures conservatoires qui s'imposent dans l'attente de la confirmation ou de l'infirmation de leur bien-fondé par les instances communautaires ; qu'il résulte de l'instruction que la mesure litigieuse de suspension de l'emploi de farines de poissons dans l'alimentation et la fabrication d'aliments destinés aux animaux des espèces dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine a été prise par l'Etat français à la suite de la survenue de cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) sur des bovins nés après l'interdiction de l'emploi de farines carnées dans l'alimentation de ces animaux, faisant craindre l'hypothèse d'une contamination croisée accidentelle ou frauduleuse, lorsque certains produits ne sont autorisés que pour certaines espèces ; que la SAS SOPROPECHE soutient qu'en l'état des connaissances scientifiques de l'époque, les poissons ne constituaient pas des espèces chez lesquelles avait pu être mis en évidence le prion pathologique ; que, toutefois, en suspendant, par l'arrêté contesté du 14 novembre 2000, l'emploi de toutes les farines d'origine animale dans l'alimentation des animaux de toutes espèces dans l'attente d'un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), les autorités administratives n'ont ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des risques présentés par l'utilisation de ces farines, ni porté à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte disproportionnée et excessive au regard de ces risques, compte tenu d'une part de la marge de doute subsistant alors quant à une possibilité de contamination croisée et, d'autre part, des précautions qui s'imposent en matière de santé publique ;

Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient la société requérante, la suspension de l'emploi des farines de poissons dans l'alimentation animale décidée par la France a été confirmée par la décision 2000/766 en date du 4 décembre 2000 du Conseil de l'Union Européenne, qui n'a autorisé l'emploi de ces farines que dans l'alimentation d'animaux autres que les ruminants et sous réserve de la mise en place de mesures de contrôle, lesquelles ont été fixées par la décision déjà citée du 29 décembre 2000 de la Commission des Communautés européennes prévoyant, notamment, la séparation des circuits de production de farines de poissons et des autres farines d'origine animale ; que, d'ailleurs, la mesure de suspension litigieuse n'a été levée par l'arrêté du 13 février 2001 mentionné ci-dessus que sous réserve du respect des conditions fixées par cette décision de la Commission des Communautés européennes ; que la société requérante, qui ne soutient pas ni même n'allègue avoir sollicité l'abrogation de l'arrêté du 14 novembre 2000 dès l'édiction des deux mesures européennes des 4 et 29 décembre 2000 précitées, n'est pas davantage fondée à soutenir que cet arrêté, dont la légalité doit être appréciée à la date à laquelle il a été pris, serait contraire à ces mesures ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre, en cas de danger grave ou immédiat, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché d'un produit ou faire procéder à son retrait ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger, tandis qu'en application des dispositions de l'article 4-1 du décret susvisé du 15 septembre 1986 des arrêtés du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation fixent, pour des raisons de santé humaine ou animale la liste des ingrédients (matières premières) dont l'incorporation dans les aliments composés est interdite ; qu'ainsi, et en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les mesures adoptées par l'arrêté susvisé ne pouvaient être légalement prises que par un décret ; que, par ailleurs, compte tenu de l'urgence à prendre des mesures de précaution au regard de la survenue de cas d'ESB sur des bovins nés après l'interdiction de l'emploi de farines carnées dans l'alimentation de ces animaux, ledit arrêté a pu légalement être pris sans attendre l'avis de l'AFSSA qui avait été saisie parallèlement ;

Considérant que la SAS SOCIETE SOPROPECHE ne saurait se prévaloir utilement des désaccords qui auraient opposé différentes autorités de l'Etat sur l'urgence de la décision à prendre, en raison des conséquences techniques, sanitaires et économiques d'une interdiction totale des farines animales dans l'alimentation des animaux pour soutenir que l'arrêté contesté du 14 novembre 2000 serait entaché de détournement de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté contesté du 14 novembre 2000 n'est pas entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle au versement par l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente espèce, de la somme sollicitée par la SAS SOPROPECHE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 01-2494 du tribunal administratif de Rennes en date du 13 octobre 2005 est annulé en tant qu'il se prononce sur la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables, pour la SAS SOPROPECHE, de l'arrêté interministériel du 14 novembre 2000.

Article 2 : La demande de la SAS SOPROPECHE présentée dans cette mesure devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par elle en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SOPROPECHE et au ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01946
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-06-07;10nt01946 ?
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