Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2010, présentée pour M. et Mme Alain X, demeurant ..., par Me Pontruché, avocat au barreau d'Orléans ; M. et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-1970 du 17 mai 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté certains chefs des préjudices invoqués par eux au titre des dommages résultant de la construction par la société Cofiroute de l'autoroute A 85 reliant Vierzon à Tours et a limité dans cette mesure les missions de la mesure d'expertise qu'il a ordonnée aux fins de déterminer le montant des réparations qui leur sont dues ;
2°) d'étendre la mission confiée à l'expert aux chefs de préjudice écartés à tort par le tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à la charge de la société Cofiroute la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Granier, substituant Me Ramdenie, avocat de la société Cofiroute ;
Considérant que, dans le cadre de la construction de l'autoroute A 85 reliant Vierzon à Tours, des protocoles d'accord ont été conclus avec la société Cofiroute, en sa qualité de concessionnaire de cet ouvrage, en vue d'indemniser les préjudices subis par les riverains ; que M. et Mme X, qui exploitent la ferme de Beaumont située sur le territoire de la commune de Faverolles-sur-Cher, ont refusé l'indemnisation proposée, qui ne leur semblait pas suffisante et ont fait une contre-proposition, laquelle n'a pas été acceptée par la société Cofiroute ; que leur demande indemnitaire préalable étant restée sans réponse, les intéressés ont saisi le tribunal administratif d'Orléans, le 18 mai 2009, de conclusions tendant à la condamnation de cette société à leur verser la somme de 1 431 532 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la construction de l'ouvrage public en litige ; que, par un jugement du 17 mai 2010, les premiers juges ont rejeté certains des chefs de préjudice invoqués par M. et Mme X et ordonné avant dire droit une expertise aux fins de déterminer l'existence et le montant des autres préjudices dont ils sollicitent la réparation ; que les intéressés contestent ce jugement en tant qu'il a rejeté certaines de leurs conclusions ; que la société Cofiroute sollicite par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas écarté l'ensemble des conclusions des époux X et a ordonné une expertise sur certains des chefs de préjudices invoqués par eux ;
Considérant que, lorsqu'un remembrement est effectué en vue de la réalisation d'un grand ouvrage public et qu'il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l'article 19 du code rural, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement, sont fondés à demander au maître de l'ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l'issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics ; que les commissions communales et départementales d'aménagement foncier, qui sont dépourvues de compétence pour allouer des indemnités portant réparation de ces préjudices, ne peuvent connaître de demandes tendant à l'attribution de telles indemnités ; que, toutefois, la nature et l'étendue des dommages, dans la mesure où ils résultent de dérogations apportées aux règles qui s'appliquent aux opérations de remembrement, ne peuvent être constatées qu'une fois que la procédure administrative de remembrement a été menée à son terme ; qu'il suit de là que le juge administratif ne peut être éventuellement saisi d'une demande de réparation des dommages pouvant subsister, à titre de dommages de travaux publics, qu'après que les opérations de remembrement ont été préalablement contestées devant la commission départementale d'aménagement foncier aux fins de supprimer ou, à tout le moins de réduire, les dommages subis ; qu'il résulte de l'instruction que les consorts X ont saisi la commission communale, puis la commission départementale d'aménagement foncier d'une réclamation portant sur l'aggravation de leurs conditions d'exploitation ; que les autres chefs de préjudice qu'ils invoquent ne relevaient pas de la compétence de ces commissions ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société Cofiroute et tirée du défaut de saisine préalable de ces commissions, à l'exception toutefois des conclusions relatives aux pertes d'arriérés de fumure qui, relevant de la compétence de ces commissions, ont été déclarées irrecevables par le tribunal ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont expressément indiqué, ainsi qu'il vient d'être dit, que les conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité pour pertes d'arriérés de fumures étaient irrecevables au motif qu'elles n'avaient pas été au préalable soumises aux commissions communale et départementale d'aménagement foncier ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif d'Orléans aurait omis de statuer sur ces conclusions ; qu'en revanche, les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les conclusions des intéressés tendant à ce qu'une indemnité d'éviction leur soit versée au titre des parcelles devenues inaccessibles ; que dès lors, il y a lieu dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande de M. et Mme X tendant à l'octroi d'une indemnité d'éviction au titre des parcelles devenues inaccessibles et de statuer sur les autres conclusions de la requête des intéressés par la voie de l'effet dévolutif de l'appel ;
Considérant que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. et Mme X relatives aux pertes d'arriérés de fumure au motif que les commissions communale et départementale d'aménagement foncier n'avaient pas au préalable été saisies d'une réclamation à ce titre ; que les intéressés ne contestent pas le motif d'irrecevabilité qui leur a été ainsi opposé ; que, dès lors, leurs conclusions relatives à ce chef de préjudice ne peuvent qu'être rejetées ; que, par ailleurs, M. et Mme X sollicitent la réparation des troubles qu'ils ont subis durant la réalisation des travaux ; qu'il est toutefois constant que les intéressés ont perçu des indemnités qui couvraient non seulement les allongements de parcours auxquels ils ont dû faire face durant la réalisation de l'autoroute mais également les troubles de jouissance occasionnés au titre des années 2003 à 2008 ; que les consorts X ont également perçu une indemnité d'éviction du bail en cours ; qu'il n'est pas établi que ces indemnités auraient été insuffisamment évaluées et qu'elles n'auraient pas pris en compte les angles et tournières occasionnés par les travaux ; que si M. et Mme X invoquent en outre un enrichissement sans cause de la société Cofiroute, qui aurait utilisé des matériaux prélevés dans le sous-sol des terres concernées pour la réalisation des travaux de terrassement, ils n'établissent pas que ces matériaux auraient été extraits de terrains dont cette société n'aurait pas été propriétaire ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à la réparation des préjudices énoncés ci-dessus ; que les préjudices résultant du temps passé par les requérants pour assurer leur défense ne peuvent davantage être indemnisés dès lors qu'un protocole d'accord et des négociations ont été proposés à l'amiable par la société Cofiroute et que M. et Mme X, qui ont sollicité par ailleurs le remboursement des frais engagés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ont engagé de leur propre initiative les contentieux en cours ; qu'enfin, la circonstance que les indemnités susceptibles de leur être versées seront soumises à des prélèvements fiscaux et sociaux ne constitue pas un préjudice susceptible d'ouvrir droit à réparation ; que le jugement attaqué sera dans cette mesure confirmé ;
Considérant, en revanche, qu'en produisant devant la cour une attestation précise établie par un notaire, M. et Mme X doivent être regardés comme apportant un commencement de preuve de la dépréciation de leur habitation en raison de l'implantation de l'autoroute à environ 400 mètres de distance ; que, par ailleurs, ils soutiennent sans être contredits que l'ouvrage public a scindé en deux leur exploitation agricole et qu'ils n'ont pas été indemnisés après la réalisation des travaux pour les parcelles devenues inaccessibles, notamment par des engins agricoles ; que le préjudice cynégétique ainsi que la perte des aides communautaires et notamment des droits à paiement unique qu'ils invoquent ne paraissent pas en l'état de l'instruction dépourvus de fondement compte tenu de la nouvelle répartition parcellaire des terres dont ils sont propriétaires ou qu'ils exploitent ; que, dans ces conditions, et sans préjuger de l'estimation de leur réalité et de leur montant, l'examen de ces divers chefs de préjudices doit être inclus dans les missions confiées par les premiers juges à l'expert ;
Considérant enfin, qu'ainsi qu'il a été dit le jugement attaqué a ordonné une expertise avant dire droit afin de permettre au juge de se prononcer sur la consistance des apports et des attributions des comptes de remembrement de M. et Mme X ainsi que sur l'étendue des dérogations apportées aux principes posés par l'article L. 123-1 du code rural en décrivant la situation d'ensemble avant et après remembrement au regard de la distance pondérée au centre d'exploitation, de la configuration et de la forme des parcelles, de la rupture de l'unité d'exploitation, pour chaque compte détenu par les requérants ; que l'expert a également pour mission d'indiquer si les intéressés ont déjà été indemnisés par la société Cofiroute pour ces préjudices et de dire si la forme des parcelles reçues implique une perte de valeur vénale cumulée des terrains et si la nécessité d'emprunter le réseau routier pour se rendre sur les lieux d'exploitation résulte de la localisation des parcelles d'attribution, en chiffrant, le cas échéant, le surcoût engendré ; qu'en l'état de l'instruction, il n'apparaît pas que ces chefs de préjudices seraient manifestement infondés ; que, par suite, les conclusions d'appel incident présentées par la société Cofiroute, qui n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'utilité de l'expertise sur ces chefs de préjudice, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en ce qui concerne les seuls préjudices évoqués ci-dessus, M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs conclusions indemnitaires sans procéder au préalable à une mesure d'expertise ; qu'il y a lieu d'ordonner une extension de l'expertise prescrite par les premiers juges dans les conditions qui seront définies ci-dessous ; qu'en revanche il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la société Cofiroute ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 09-1970 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de M. et Mme X tendant à l'octroi d'une indemnité d'éviction au titre des parcelles devenues inaccessibles.
Article 2 : Le jugement ci-dessus est annulé en tant qu'il a rejeté, sans ordonner d'expertise préalable, les conclusions des époux X tendant à l'indemnisation de leurs préjudices résultant de la dépréciation de leur habitation et de leur exploitation agricole, de la scission de cette exploitation en deux parties, du caractère inaccessible de certaines parcelles, d'un préjudice cynégétique et de celui qui résulterait de la perte d'aides communautaires.
Article 3 : L'article 2 du même jugement est complété ainsi qu'il suit :
L'expert aura, en outre, pour mission :
- de préciser si la propriété des consorts X a subi une dépréciation de sa valeur vénale en raison de la réalisation de l'autoroute A 85 à proximité de leur habitation et si le fait que cet ouvrage scinde en deux leur exploitation agricole leur a occasionné un préjudice particulier et d'évaluer ces deux préjudices ;
- d'indiquer si les requérants ont subi un préjudice résultant du caractère inaccessible de certaines parcelles après la réalisation des travaux et s'ils ont été indemnisés à ce titre et, le cas échéant, de chiffrer ce préjudice ;
- d'évaluer, s'il y a lieu, le préjudice cynégétique ainsi que celui qui résulterait de la perte des aides communautaires liées aux parcelles concernées dont les intéressés n'auraient pas déjà été indemnisés.
Article 4 : Les conclusions de la demande et de la requête présentées par M. et Mme X, à l'exclusion de celles pour lesquelles un complément d'expertise est ordonné, sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Cofiroute sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Alain X, à la société Cofiroute ainsi qu'à l'expert désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans.
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N° 10NT01568 2
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