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22/12/2011 | FRANCE | N°11NT01193

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 22 décembre 2011, 11NT01193


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée pour M. Marc X, demeurant ..., par Me Martin-Mahieu, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 08-882 du 31 décembre 2010 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat et La Poste ont été condamnés solidairement à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 311 087 euros avec intérêts au taux légal à co

mpter de sa demande préalable, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) d'en...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée pour M. Marc X, demeurant ..., par Me Martin-Mahieu, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 08-882 du 31 décembre 2010 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat et La Poste ont été condamnés solidairement à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 311 087 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) d'enjoindre à l'Etat et à La Poste de reconstituer sa carrière avec tous les droits y afférent au regard des procédures d'avancement d'échelon et de grade dont il aurait dû continuer à bénéficier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des

fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et à France télécom ;

Vu le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 modifié portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des services de la distribution et de l'acheminement des postes, télégraphes, téléphones ;

Vu le décret n° 72-500 du 23 juin 1972 modifié portant statut particulier du corps des agents d'exploitation des postes et télécommunication ;

Vu le décret n° 90-1224 du 30 décembre 1990 modifié relatif au statut particulier du corps du service de la distribution et de l'acheminement de La Poste ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2011 :

- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,

- les observations de Me Martin-Mahieu, avocat de M. X ;

- et les observations de Me Bellanger, avocat de La Poste ;

Considérant que M. X, fonctionnaire de La Poste depuis le 5 mai 1983, titularisé le 9 octobre 1985 dans le grade de préposé (PRE), a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son grade ; que par courriers du 9 octobre 2007, il a demandé à La Poste et à l'Etat la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du blocage de sa carrière depuis 1993 ; que M. X relève appel du jugement du 31 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat et La Poste ont été condamnés à lui verser à titre d'indemnité ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a, par courriers du 9 octobre 2007 reçus le 15 octobre 2007, demandé au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et au président du conseil d'administration de La Poste le versement d'une indemnité visant à réparer l'ensemble de ses préjudices, et notamment le préjudice de carrière résultant pour lui des fautes commises par La Poste et par L'Etat en n'organisant pas de voies de promotion interne pour les fonctionnaires ayant refusé leur intégration dans des corps de reclassification ; qu'ainsi, le contentieux ayant été valablement lié par M. X, alors même que sa réclamation aurait été stéréotypée, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir opposée par La Poste à la demande indemnitaire présentée par celui-ci ;

Au fond :

En ce qui concerne l'exception de prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article 2277 du code civil alors applicable : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : des salaires ; des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; des loyers, des fermages et des charges locatives ; des intérêts des sommes prêtées ; et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts, (...) ; que les indemnités réclamées par le requérant, à raison des fautes commises par La Poste et par l'Etat, ne sont pas au nombre des créances qui s'éteignent par la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil, lesquelles, au demeurant, ne sont atteintes par ladite prescription que lorsqu'elles sont déterminées ; que par suite, et en tout état de cause, l'exception de prescription qu'oppose La Poste sur le fondement de cet article, ainsi que l'avaient estimé à bon droit les premiers juges, ne peut être accueillie ;

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions règlementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;

Considérant d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de La Poste, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, commis une illégalité fautive ; que La Poste, pour s'exonérer de sa responsabilité, ne saurait ainsi utilement se prévaloir ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni du fait qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, de même, l'Etat a commis une faute en attendant le 14 décembre 2009 pour prendre le décret organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de la Poste ; que ces fautes sont de nature à entraîner la responsabilité solidaire de l'Etat et de La Poste à l'égard de M. X ; qu'elles n'ouvrent cependant droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret n° 72-500 du 23 juin 1972, dans sa version alors en vigueur, que le recrutement au choix dans la branche services de la distribution et de l'acheminement de ce corps, doté du même échelonnement indiciaire que celui des préposés, est ouvert, pour le sixième des emplois à pourvoir, notamment aux préposés âgés de quarante ans au moins, comptant au moins cinq ans de services effectifs et un an au huitième échelon de ce grade ; que, par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 18 du décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 susvisé, dans sa rédaction alors en vigueur, que le recrutement au choix dans le corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement est ouvert, dans la limite du sixième des titularisations prononcées dans le corps par la voie des concours externe et interne, aux seuls fonctionnaires du corps des agents d'exploitation des branches service de la distribution et de l'acheminement et recettes-distribution , âgés de quarante ans au moins, ayant atteint le septième échelon depuis au moins deux ans et comptant cinq ans au moins de services effectifs dans ce corps ; qu'il résulte de l'instruction que M. X n'a rempli les conditions d'accès au choix dans le corps des agents d'exploitation qu'à compter du 25 mai 2005 ; que, par suite, il n'a pas rempli, avant le 14 décembre 2009, les conditions d'accès par la voie de la promotion interne au corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement ; qu'il n'est en conséquence pas fondé à soutenir qu'il a subi, à raison de l'absence de recrutement par la voie des concours externe et interne dans le corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement, un préjudice du fait du blocage de sa carrière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, dont La Poste n'a pas demandé l'annulation, le tribunal administratif de Rennes a limité à 1 500 euros la somme que l'Etat et La Poste ont été condamnés à lui verser en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que l'article L. 911-3 du même code dispose que : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant que le présent arrêt, qui statue sur les conclusions indemnitaires de M. X tendant à la condamnation de l'Etat et de La Poste à réparer son préjudice, n'implique pas la reconstitution de sa carrière ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ces conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de La Poste, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, le paiement à M. X de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. X le versement à La Poste de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc X, à La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT01193
Date de la décision : 22/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Christophe HERVOUET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MARTIN-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-22;11nt01193 ?
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