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16/12/2011 | FRANCE | N°11NT00639

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 16 décembre 2011, 11NT00639


Vu le recours, enregistré le 22 février 2011, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-4431 du 10 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. X, sa décision du 6 mai 2009 constatant l'irrecevabilité de la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par

M. X devant le tribunal administratif de Nantes ;

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Vu le recours, enregistré le 22 février 2011, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-4431 du 10 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. X, sa décision du 6 mai 2009 constatant l'irrecevabilité de la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nantes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011:

- le rapport de M. Millet, président-rapporteur ;

- les conclusions de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur public ;

- et les observations de Mme Piltant, représentante du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Considérant que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION interjette appel du jugement du 10 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. X, sa décision du 6 mai 2009 constatant l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de l'intéressé ;

Sur les fins de non recevoir opposées par M. X au recours du ministre :

Considérant, en premier lieu, que le jugement entrepris a été notifié au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION le 23 décembre 2010, ainsi qu'en atteste l'avis de réception joint au dossier ; que, par suite, le recours introduit par le ministre le 22 février 2011 n'était pas entaché de tardiveté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-3 du livre IV du code de justice administrative : Les requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées de copies, en nombre égal à celui des autres parties en cause, augmenté de deux. et qu'aux termes de l'article R. 412-2 du même livre dudit code : Lorsque des parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées de copies en nombre égal à celui des autres parties augmenté de deux. ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 412-2 du code de justice administrative, qui ne sont assorties d'aucune sanction particulière, ont pour seul effet d'obliger les juridictions à ne se fonder que sur les pièces ayant fait l'objet d'un débat contradictoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la copie des deux courriels relatifs à la réhabilitation de M. X, échangés entre les services du ministère de l'intérieur et ceux du casier judiciaire national, laquelle a été annexée, avec la copie du jugement attaqué, à chacun des exemplaires du recours du ministre, conformément aux dispositions précitées des articles R. 411-3 et R. 412-2, n'aurait pas fait l'objet d'une communication à l'intimé ; que, de ce fait, la circonstance que le ministre n'a pas accompagné son recours d'un inventaire détaillé des pièces jointes prévu par les dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative, est sans influence sur la recevabilité dudit recours ;

Sur la légalité de la décision du 6 mai 2009 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 21-23 du code civil : Nul ne peut être naturalisé s'il n'est pas de bonnes vie et moeurs ou s'il a fait l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 21-27 du présent code. (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 21-27 du code civil : Nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a été l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis. (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables (...) au condamné ayant bénéficié d'une réhabilitation de plein droit ou d'une réhabilitation judiciaire conformément aux dispositions de l'article 133-12 du code pénal, ou dont la mention de la condamnation a été exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire, conformément aux dispositions des articles 775-1 et 775-2 du code de procédure pénale. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 6 mai 2009 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a constaté l'irrecevabilité de la demande de naturalisation présentée par M. X était, nonobstant le visa de l'article 21-23, exclusivement motivée par le fait que l'intéressé avait subi l'une des condamnations visées par l'article 21-27 précité ; que cette condamnation était, à la date de la décision litigieuse, effacée par la réhabilitation, en application des dispositions des articles 133-3, 133-13 et 133-17 du code pénal ; que, dans ces conditions, le ministre ne pouvait légalement, ainsi qu'il en convient désormais, se fonder sur ce motif pour constater par la décision contestée l'irrecevabilité de la demande de naturalisation présentée par M. X ;

Considérant toutefois que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 28 septembre 2000, à une peine de six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis, pour avoir commis des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de 21 jours, et des dégradations de biens appartenant à autrui ; que, nonobstant l'ancienneté de cette condamnation, ces faits, dont la matérialité a été établie par le juge pénal, n'étaient pas, eu égard à leur gravité, ainsi que le souligne le ministre dans son recours, de nature à faire regarder M. X comme étant, à la date de la décision contestée, de bonnes vie et moeurs, au sens des dispositions de l'article 21-23 du code civil ; que le ministre pouvait légalement se fonder sur les éléments défavorables recueillis sur le comportement de M. X pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation de l'intéressé ; qu'en outre, le ministre aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le seul motif tiré de la non réalisation par M. X de la condition de bonnes vie et moeurs prévue à l'article précité ; qu'il y a, dès lors, lieu de faire droit à la demande du ministre, telle qu'exprimée dans son recours, en substituant ce dernier motif à celui qu'il avait retenu à l'origine, dès lors qu'une telle substitution ne prive M. X d'aucune garantie de procédure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'erreur de droit dont le motif initial était entaché pour annuler la décision en litige, laquelle n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif de Nantes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) ; que l'article 3 du même décret prévoit que Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) ; qu'en l'espèce, l'administration produit, d'une part, le décret du 24 janvier 2008, publié au Journal officiel du 25, nommant M. Bay en qualité de directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au ministère de l'immigration, et d'autre part, la décision du 5 novembre 2008, publiée au Journal officiel du 14, par laquelle M. Bay a accordé une délégation de signature notamment à Mlle Wang, adjointe au chef du premier bureau des naturalisations ; que l'incompétence alléguée de cette dernière pour signer la décision contestée du 6 mai 2009 manque ainsi en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 6 mai 2009 et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. X dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

Sur le recours incident de M. X :

Considérant que par l'effet du présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2010, M. X doit être regardé comme la partie perdante en première instance ; que, par suite, l'intéressé n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 3 dudit jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil de M. X demande au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. M'Barek X.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00639
Date de la décision : 16/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. D IZARN de VILLEFORT
Avocat(s) : URIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-16;11nt00639 ?
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