La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2011 | FRANCE | N°10NT00124

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 octobre 2011, 10NT00124


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 19 janvier et 8 mars 2010, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU) DE BREST, dont le siège est 2, avenue Foch à Brest (29609), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le CHU DE BREST demande à la cour d'annuler le jugement n° 05-2300 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère les sommes de 2 385,01 euros et 955 euros au titre des débours qu'elle

a exposés et de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

.................

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 19 janvier et 8 mars 2010, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU) DE BREST, dont le siège est 2, avenue Foch à Brest (29609), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Le CHU DE BREST demande à la cour d'annuler le jugement n° 05-2300 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère les sommes de 2 385,01 euros et 955 euros au titre des débours qu'elle a exposés et de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2011 :

- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Migot, substituant Me Cartron, avocat des consorts Y ;

Considérant que, le 30 avril 1998, Mlle X, alors âgée de 25 ans, a été conduite au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU) DE BREST vers 5 heures du matin en raison de violents maux de tête ; qu'examinée par deux praticiens de ce service, elle a été invitée à regagner son domicile avec l'indication de consulter son médecin traitant ; que, dans l'après-midi, ce médecin a demandé à sa patiente de se rendre de nouveau au service des urgences, munie d'une lettre à l'attention de ses confrères, leur suggérant que le mal dont elle souffrait était d'ordre psychiatrique ; qu'après avoir été à nouveau auscultée, Mlle X a été transportée vers le service des urgences psychiatriques de l'Hôpital de Bohars, dépendant du CHU de Brest, où a été diagnostiqué un syndrome dépressif sévère avec une personnalité abandonnique ; que, le 1er mai, le service des urgences vers lequel elle avait été transportée a, suite à un arrêt cardio-respiratoire, diagnostiqué une hydrocéphalie aiguë nécessitant en urgence une intervention chirurgicale, à l'issue de laquelle Mlle X a été plongée dans le coma, et est décédée le 4 mai 2005 ; que M. Y, concubin de Mlle X, a, le 2 juin 2005, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation du CHU DE BREST à réparer le préjudice moral qu'il a subi en raison du décès de sa concubine ; que, par un jugement avant dire droit en date du 2 avril 2009, confirmé par la cour, le tribunal administratif de Rennes, saisi par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère, a ordonné une nouvelle expertise et rejeté la demande indemnitaire de M. Y comme irrecevable en l'absence de réclamation préalable ; que l'expert, le docteur C, a déposé son rapport le 2 juin 2009 ; que le CHU DE BREST relève appel du jugement du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à la CPAM du Finistère les sommes de 2 385,01 euros et 955 euros au titre de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Sur l'intervention de M. Mickaël et M. Allan Y :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ; que l'intervention de MM. Mickaël et Allan Y, qui n'étaient pas parties en première instance, n'a pas été présentée par mémoire distinct, mais dans le mémoire de M. René Z ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;

Sur les conclusions de la requête :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale, les organismes de sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime d'un accident peuvent exercer un recours subrogatoire à l'encontre du tiers responsable alors même que la victime s'est pour sa part abstenue d'introduire un recours indemnitaire ; que, dès lors, la circonstance que la demande d'indemnité présentée par M. Y, en sa qualité de concubin de la victime a été rejetée par le tribunal administratif de Rennes en raison de son irrecevabilité, faute de réclamation préalable, est sans incidence sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère tendant au remboursement par le CHU DE BREST des dépenses qu'elle avait exposées ; que les premiers juges n'ont, par suite, pas commis d'erreur de droit en accueillant les conclusions présentées par la CPAM du Finistère ;

Considérant, en deuxième lieu, que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise des professeurs A, B et C, experts désignés par le tribunal de grande instance de Nantes et la cour d'appel de Rennes, que le retard pris pour le diagnostic et la réalisation de l'intervention du 1er mai 1998 au CHU DE BREST a fait perdre, de façon certaine, une chance de survie à Mlle X ; que, compte tenu de l'insuffisance de l'évaluation initiale, de l'absence de prise en compte des symptômes cliniques qui devaient orienter vers la suspicion d'une hypertension intracrânienne et justifier un examen IRM, mais aussi de la gravité et de la rareté de la pathologie, de diagnostic difficile, ainsi que du caractère incertain de l'issue d'une intervention plus prompte, la fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance de guerison perdue par Mlle X doit être fixée à 80 % ; que, par suite, le CHU DE BREST est fondé à soutenir que les débours qu'il doit être condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie doivent être limités à 1 908,01 euros, somme qui doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2010, date de la réception de la demande de cette dernière par la cour ;

Sur les conclusions de la CPAM :

Considérant que la CPAM du Finistère soutient avoir pris en charge la somme de 2.962,73 euros au titre des frais d'hospitalisation ; que, toutefois, il est constant que, compte tenu de son état de santé lorsqu'elle s'est présentée au service des urgences, l'hospitalisation de Mlle X ne pouvait pas être évitée ; que, par suite, sa demande doit être rejetée sur ce point ; qu'en revanche, il y a lieu de maintenir la condamnation du CHU DE BREST à lui verser la somme de 955 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 840 euros TTC, doivent être laissés à la charge du CHU DE BREST ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le CHU DE BREST à payer à la CPAM du Finistère la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux seules conclusions de M. René Y tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de MM. Mickaël et Allan Y n'est pas admise.

Article 2 : La somme de 2 385 euros (deux mille trois cent quatre-vingt-cinq euros) que le CHU DE BREST a été condamné à verser à la CPAM du Finistère au titre de ses débours est ramenée à 1 908,01 euros (mille neuf cent huit euros et un centime). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2010.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2009 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CHU DE BREST est rejeté.

Article 5 : Les conclusions incidentes de la CPAM du Finistère sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions de M. René Y tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BREST, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, à M. René Y, à M. Mickaël Y et à M. Allan Y.

''

''

''

''

1

N° 10NT00124 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00124
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Christophe HERVOUET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-06;10nt00124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award