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06/10/2011 | FRANCE | N°09NT03111

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 octobre 2011, 09NT03111


Vu la requête, enregistrée le 31 décembre 2009, présentée pour Mme Marie-Odile X, M. Jean-Luc X, Mlle Gaëlle X et Mlle Armelle X, demeurant tous ..., par Me Cartron, avocat au barreau de Rennes ; les CONSORTS X et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-908 du 5 novembre 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a condamné le centre hospitalier (CH) des pays de Morlaix à verser à Mme Marie-Odile X que la somme de 18 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2004, capitalisés au 11 août 2006, en réparati

on des préjudices subis par cette dernière du fait d'un retard de diagnos...

Vu la requête, enregistrée le 31 décembre 2009, présentée pour Mme Marie-Odile X, M. Jean-Luc X, Mlle Gaëlle X et Mlle Armelle X, demeurant tous ..., par Me Cartron, avocat au barreau de Rennes ; les CONSORTS X et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-908 du 5 novembre 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a condamné le centre hospitalier (CH) des pays de Morlaix à verser à Mme Marie-Odile X que la somme de 18 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2004, capitalisés au 11 août 2006, en réparation des préjudices subis par cette dernière du fait d'un retard de diagnostic de l'oligodendrogliome dont elle souffrait ;

2°) de condamner le CH des pays de Morlaix à verser à Mme Marie-Odile-X la somme de 37 538,47 euros, à M. Jean-Luc X la somme de 2 000 euros, à Mlle Gaëlle X la somme de 1 500 euros et à Mlle Armelle X la somme de 2 000 euros, en réparation des préjudices subis, assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2004, les intérêts étant eux mêmes capitalisés au 8 décembre 2005 ;

3°) de mettre à la charge du CH des pays de Morlaix, outre les dépens, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2011 :

- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Migot, substituant Me Cartron, avocat des CONSORTS X ;

Considérant que Mme X, née le 8 avril 1953, a été prise en charge le 9 juin 1995 par le centre hospitalier des pays de Morlaix pour des crises d'épilepsie accompagnées de perte de conscience ; que deux scanners ont été réalisés les 10 et 16 juin 1995 et qu'aucune anomalie n'a été relevée à cette occasion ; que Mme X a continué à souffrir de malaises en août et en décembre 1996 ; qu'un électroencéphalogramme réalisé le 11 décembre 1996 a révélé un foyer de souffrance cérébrale sur l'hémisphère droit ; qu'une IRM réalisée le 17 mars 1997 a permis d'identifier une lésion dans la région temporale droite ; que Mme X a été opérée le 6 mai 1997 à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris pour l'exérèse de cette lésion qui s'est avérée être une tumeur cérébrale de type oligodendrogliome et qui a nécessité une radiothérapie ; que Mme X a continué à souffrir de crises comitiales ; qu'elle a été placée en arrêt de travail du 21 avril 1997 au 23 novembre 1998 ; qu'après avoir essayé de reprendre son travail à mi-temps du 23 novembre 1998 au 23 juin 1999, elle a été mise en congé de longue durée jusqu'au 8 novembre 2000 ; qu'elle a repris son activité à mi-temps thérapeutique jusqu'au 15 janvier 2001 et a ensuite changé de poste de travail ; que Mme X et ses proches ont sollicité l'indemnisation de leurs préjudices par réclamation préalable adressée au centre hospitalier des pays de Morlaix le 8 décembre 2004 ; que, par le jugement du 18 décembre 2008, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a déclaré le centre hospitalier des pays de Morlaix responsable des conséquences dommageables du retard de diagnostic de l'oligodendrogliome dont souffrait Mme X ; que l'intéressée, son époux, M. Jean-Luc X, et ses filles, Gaëlle et Armelle, interjettent appel du jugement du 5 novembre 2009 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a condamné le centre hospitalier des pays de Morlaix à verser à Mme X que la somme de 18 000 euros, en réparation des préjudices subis par elle-même du fait d'un retard de diagnostic de l'oligodendrogliome dont elle souffrait, et a rejeté les autres conclusions indemnitaires dont il était saisi ;

Sur les préjudices de Mme X :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Considérant, en premier lieu, qu'eu égard aux pièces produites par Mme X, il y a lieu de retenir, en ce qui concerne les frais d'assistance à expertise médicale laissés à sa charge, la somme de 460 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme X ne justifie pas, par la production d'un simple relevé de dépenses payées par une carte bancaire, de la réalité des frais de déplacement exposés pour se rendre à des consultations, notamment à Paris et à Rennes, auprès de son avocat et de son médecin-conseil ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme X a, durant les arrêts de travail imputables au retard de diagnostic de sa maladie, soit 15 jours en juin 1995 et pendant les mois de décembre 1995 et décembre 1996, été privée du bénéfice de l'indemnité forfaitaire de sujétions spéciales attribuée aux personnels des corps de conseillers techniques de service social et des corps d'assistant de service social, dont l'allocation ne compense pas des sujétions particulières de service ; que, par suite, et eu égard à la durée des arrêts de travail imputables au seul retard de diagnostic et au taux réglementaire de l'indemnité considérée alors applicable, elle est fondée à demander la réparation du préjudice en résultant à concurrence de 133 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert, que Mme X a subi du fait du retard de diagnostic une incapacité temporaire totale couvrant les trois périodes rappelées ci-dessus, soit 15 jours en juin 1995, et les mois de décembre 1995 et décembre 1996 ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles subis dans ses conditions d'existence durant ces périodes en les évaluant à la somme de 750 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que les souffrances endurées par Mme X du fait du retard de diagnostic ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à ce titre la somme totale de 3 250 euros à la requérante ;

Considérant, en troisième lieu, que la date de la consolidation de son état a été fixée le 3 juin 2002, alors que l'intéressée était âgée de 49 ans ; que l'expert a chiffré à 20 % l'incapacité permanente partielle globale de Mme X, le retard de diagnostic comptant pour moitié, soit 10 % ; que, dans ces conditions, les troubles dans les conditions d'existence subies par Mme X en raison de l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier de Morlaix doivent être évalués à la somme de 12 000 euros ;

Considérant, enfin, que la requérante n'établit pas le lien entre le retard de diagnostic et la prise de poids dont elle fait état ; que, par suite, sa demande d'indemnité au titre du préjudice esthétique ne peut qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et contrairement à ce que Mme X soutient, qu'en lui accordant la somme de 18 000 euros, le tribunal administratif de Rennes n'a pas fait une insuffisante appréciation de l'ensemble de ses préjudices ;

Sur les préjudices des proches de Mme X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la maladie de Mme X a été péniblement ressentie par son mari et ses filles ; que la durée pendant laquelle la famille a souffert sur le plan psychologique de la dégradation de son état de santé s'en est trouvée prolongée de la durée du retard de diagnostic ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi en condamnant le CH des pays de Morlaix à verser la somme de 1 000 euros à M. X et 500 euros à chacune de ses deux filles ; que le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts afférents aux sommes dues aux CONSORTS X X :

Considérant que les CONSORTS X ont droit aux intérêts des sommes qui leur sont dues à compter du 8 décembre 2004, date de leur demande préalable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;

Considérant que les CONSORTS X ont demandé pour la première fois la capitalisation des intérêts le 11 août 2006 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 310,67 euros TTC, doivent être mis à la charge du centre hospitalier des pays de Morlaix ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier des pays de Morlaix le versement aux CONSORTS X d'une somme de 2 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier des pays de Morlaix est condamné à verser à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) et à Mlles Gaëlle et Armelle X la somme de 500 euros (cinq cents euros) à chacune. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2004. Les intérêts dus au 11 août 2006 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 novembre 2009 est réformé en tant qu'il est contraire aux dispositions de l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des CONSORTS X est rejeté.

Article 4 : Le centre hospitalier des pays de Morlaix versera aux CONSORTS X une somme globale de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Odile X, à M. Jean-Luc X, à Mlle Gaëlle X, à Mlle Armelle X, au centre hospitalier des pays de Morlaix, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et à la mutuelle nationale des hospitaliers du Finistère.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NT03111
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Christophe HERVOUET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-10-06;09nt03111 ?
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