Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, respectivement enregistrés les 28 juin, 18 octobre et 20 décembre 2010, présentés pour la SAS EUROCEL, dont le siège est 15, rue de Vignerie à Dives-sur-Mer (14160), par la SCP d'avocats Roger et Sevaux, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; la SAS EUROCEL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-1856 du 28 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. Yves X, la décision du 19 juin 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville annulant la décision du 20 janvier 2009 de l'inspecteur du travail qui avait refusé son licenciement, et autorisant ce licenciement pour motif économique ;
2°) de rejeter la demande de M. X ;
3°) de mettre à la charge de M. X la somme de 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi dans la métallurgie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2011 :
- le rapport de M. Quillévéré, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2011, présentée pour M. X ;
Considérant que par une décision du 20 janvier 2009 l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. X, salarié protégé de la SAS EUROCEL qui avait pour activité la fabrication de feuilles de cuivre pour les circuits imprimés et employait soixante-dix-sept salariés ; que, par une décision du 19 juin 2009, le ministre des affaires sociales, du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé ce refus et délivré l'autorisation de licenciement le concernant ; que la SAS EUROCEL relève appel du jugement du 28 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 19 juin 2009 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.2323-15 du code du travail : Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application (...) ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L.1233-28 et L.1233-30 du même code, dans les entreprises ou établissements employant cinquante salariés et plus, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur les projets de licenciement collectif pour motif économique de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, le cas échéant, en procédant à ces opérations concomitamment à la mise en oeuvre de la procédure de consultation prévue par l'article L.2323-15 du même code ; qu'en application de l'article L.2325-35 de ce code, le comité d'entreprise peut, dans un tel cas, se faire assister d'un expert-comptable de son choix ; qu'aux termes de l'article L.2325-36 du même code : La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L.2325-37 dudit code : Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ses missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, dans le cas où le comité d'entreprise décide de se faire assister d'un expert-comptable, l'intervention de cet expert-comptable est un élément substantiel de la procédure de consultation du comité d'entreprise et qu'il appartient à l'autorité administrative de vérifier que ledit expert-comptable a pu exercer normalement sa mission ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et des dires mêmes de l'expert-comptable mentionnés dans le rapport déposé par lui le 25 septembre 2008, que la production de l'acte du 23 février 2007 portant cession par le groupe Mitsui Mining Corporation à la société Green Recovery et aux trois actionnaires de celle-ci des titres de la SAS EUROCEL et portant bilan financier de cette acquisition par la société Green Recovery ne lui était pas nécessaire pour effectuer les vérifications et contrôles relevant de sa mission telle qu'elle est définie par les dispositions précitées des articles L.2325-36 et L.2325-37 du code du travail ; qu'ainsi, alors même que ladite convention était au nombre des documents auxquels le commissaire aux comptes pouvait avoir accès, la SAS EUROCEL a pu dans le cadre de la procédure de restructuration et de licenciement engagée par elle, en refuser la communication à l'expert- comptable désigné pour assister le comité d'entreprise sans que la procédure de licenciement ne soit viciée ; qu'il suit de là que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de l'absence de communication de ladite convention à l'expert-comptable près le comité d'entreprise de la SAS EUROCEL pour annuler, à la demande de M. X, la décision du 19 juin 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville autorisant son licenciement pour motif économique ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. X en première instance et en appel ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles qui ont leur siège social en France, ni aux établissements de ce groupe situés en France ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'à la date du 20 janvier 2009 à laquelle l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de M. X la société requérante connaissait une situation déficitaire structurelle importante et ne trouvait pas de repreneur ; qu'ainsi, les difficultés économiques de la société étaient avérées ; que si M. X fait valoir que la cessation d'activité à l'origine de la perte de son emploi a été motivée non par des difficultés économiques mais par des manoeuvres des dirigeants des deux sociétés Mitsui-Eurocel et Green Recovery, ces allégations, d'ailleurs non étayées, sont sans incidence sur la légalité de la décision du 19 juin 2009 par laquelle le ministre chargé du travail, après avoir fait porter son contrôle tant sur la situation personnelle du salarié que sur la situation économique de l'employeur, a estimé que la réalité du motif économique était, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, établie et a délivré, en conséquence, l'autorisation de licenciement sollicitée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la fermeture totale de l'entreprise exploitée par la SAS EUROCEL à Dives-sur-Mer emportait impossibilité de reclasser M. X tant dans cette entreprise que dans d'autres entreprises du groupe Green Recovery, ces autres entreprises ne relevant pas d'un secteur d'activité analogue à celui de l'entreprise sise à Dives-sur-Mer ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. X a fait valoir qu'il ressortait du procès- verbal de la séance extraordinaire tenue par le comité d'entreprise et d'un courrier de la société Green Recovery au secrétaire du comité d'entreprise d'EUROCEL tous deux datés du 30 janvier 2007 ainsi que d'une note d'information des membres du comité d'entreprise de la SAS EUROCEL du 31 janvier 2007, que le président de la société Green Recovery s'était engagé en cas de cession définitive de la SAS EUROCEL à sa société à ne pas mettre en oeuvre, sauf cas de force majeure, un plan de licenciement avant l'expiration d'un délai de vingt-quatre mois à compter du 30 janvier 2007, il ressort des pièces du dossier que les mentions portées dans ces trois documents, qui se bornent à rapporter des propos tenus par les dirigeants de la société Green Recovery à l'occasion de discussions avec le repreneur, n'ont pas le caractère d'un engagement qui serait opposable par ses salariés à la SAS EUROCEL ou à ses repreneurs ; que par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la procédure collective de licenciement des salariés de la SAS EUROCEL méconnaîtrait un quelconque engagement du cessionnaire ;
Considérant, en quatrième lieu, que les stipulations de l'article 28 de l'accord national du 12 juin 1987 susvisé sur les problèmes généraux de l'emploi dans la métallurgie, applicable à la SAS EUROCEL, imposent à l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement collectif pour motif économique de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries de métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi ; qu'elles étendent ainsi le périmètre de reclassement et prévoient une procédure destinée à favoriser un reclassement des salariés à l'extérieur de l'entreprise avant tout licenciement collectif pour motif économique ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la SAS EUROCEL, qui relevait des dispositions conventionnelles applicables dans la métallurgie, a, préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement collectif, par un courrier du 2 septembre 2008 signé de son directeur général, informé l'Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie de ce qu'elle envisageait de cesser toute activité et en conséquence de procéder au licenciement collectif des salariés et a fait appel au comité permanent du travail et de l'emploi pour rechercher les possibilités de reclassement existant à l'extérieur de l'entreprise pour l'ensemble des salariés dont elle lui a transmis le profil ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la SAS EUROCEL aurait méconnu les dispositions de l'accord national du 12 juin 1987 doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS EUROCEL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 09-1856 du tribunal administratif de Caen en date du 28 avril 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Caen et les conclusions présentées par lui en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la SAS EUROCEL et de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS EUROCEL, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à M. Yves X.
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N° 10NT01386 2
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