Vu la requête enregistrée le 7 septembre 2009, présentée pour M. Emmanuel X, demeurant ... et M. Jean-Loup X, demeurant ..., par Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les consorts X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-807 du 19 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 25 janvier 2008 par laquelle le conseil municipal de Granville (Manche) a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe en zone N1, la parcelle cadastrée AE 1 dite le Pré Rabot leur appartenant ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Granville une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :
- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- les observations de Me Pilorge, substituant Me Foussard, avocat des consorts X ;
- et les observations de Me Donias, substituant Me Martin, avocat de la commune de Granville ;
Considérant que par jugement du 19 juin 2009, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande des consorts X tendant à l'annulation de la délibération du 25 janvier 2008 par laquelle le conseil municipal de Granville (Manche) a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe en zone 1N, la parcelle cadastrée AE 1 dite le Pré Rabot leur appartenant ; que les consorts X interjettent appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que pour écarter le moyen tiré par les consorts X de ce que le classement, en zone 1N, de la parcelle susmentionnée serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, le Tribunal administratif de Caen a précisé que les intéressés n'avaient produit aucune pièce de nature à démontrer qu'en procédant au classement litigieux de leur parcelle identifiée, à l'intérieur du tissu urbain, selon le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, comme une petite prairie humide qu'il convient de préserver, les auteurs de ce plan auraient commis une telle erreur ; que, ce faisant, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisante motivation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur la légalité externe :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : Le rapport de présentation : (...) 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 (...) ;
Considérant que le rapport de présentation joint au projet de plan local d'urbanisme précise qu'une zone humide a été localisée à l'intérieur de la zone d'activité de la Parfonterie, dans laquelle se situe la parcelle en cause, et que cette zone humide fait l'objet d'une protection particulière via un classement en zone naturelle qui préserve aussi le ruisseau qui la traverse et qui se prolonge vers le bassin de rétention programmé ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le rapport de présentation expose les raisons du classement en zone naturelle de ladite parcelle et n'est donc pas entaché d'insuffisance sur ce point ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme : Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à l'enquête publique par le maire (...) ; qu'aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'environnement : (...) Le commissaire-enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. (...) ;
Considérant que le registre d'enquête mentionne que M Emmanuel X a remis au commissaire-enquêteur, le 22 octobre 2007, à 14 heures 15, deux lettres, datées du 20 octobre 2007, accompagnées de planches graphiques et photographiques relatives à la parcelle AE 1 ; que dans son rapport, le commissaire-enquêteur précise que les observations du public se rapportent, notamment, au quartier du couvent Saint Nicolas où se situe ladite parcelle ; que la seule circonstance que, dans ce rapport, le commissaire-enquêteur, qui n'est pas tenu de s'exprimer sur chacune des observations qui lui sont soumises, ait répondu aux remarques faites par les requérants relativement à d'autres parcelles et non aux observations formulées dans les lettres susmentionnées du 20 octobre 2007 ne suffit pas à établir qu'il n'en aurait pas pris connaissance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'enquête serait entachée d'irrégularité doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme : Les zones naturelles et forestières sont dites zones N. Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ;
Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; qu'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ; que leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait ou entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ou d'un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle en cause non bâtie, d'une surface de 3 210 m², jouxte, plusieurs parcelles elles-mêmes dépourvues de toute construction ; que les requérants qui soutiennent que la commune est à l'origine par la réalisation de travaux faits ou autorisés par elle de l'humidité partielle de ce terrain, n'apportent pas d'éléments de nature à démontrer que cette parcelle, traversée en son milieu par un ruisseau, et dont ils admettent le caractère partiellement humide, ne constituerait pas une petite zone humide en accompagnement du cours d'eau dénommé Le Boscq, au titre duquel la commune a, d'ailleurs, mis en place un dispositif de lutte contre les inondations, ainsi qu'il résulte des énonciations du rapport de présentation joint au projet de plan local d'urbanisme ; que le moyen tiré de ce que le classement litigieux serait totalement disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis par la commune, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'arrêté ministériel du 24 juin 2008, postérieur à la délibération contestée, précisant, notamment, les conditions de délimitation des zones humides ; que, par suite, et alors même qu'elle ne présenterait pas de qualité paysagère particulière et que le projet de bassin de rétention envisagé par la commune dans ce secteur aurait été abandonné, le classement de la totalité de cette parcelle en zone 1N, définie comme une zone naturelle de protection, motivée par la qualité des sites, espaces et milieux naturels et les paysages, ainsi que la protection du risque d'inondation, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, cette stipulation ne porte pas atteinte au droit que détient chaque Etat, conformément aux termes mêmes du second alinéa de cet article, de mettre en oeuvre les dispositions qu'il juge nécessaires pour réglementer l'usage des biens dans l'intérêt général ; que le classement litigieux, fondé sur des considérations d'urbanisme, répond à un motif d'intérêt général ; qu'il suit de là qu'en faisant application, en l'espèce, des dispositions précitées de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas méconnu lesdites stipulations ;
Considérant, en dernier lieu, que pour la même raison que celle qui vient d'être d'évoquée tenant à ce que le classement en cause est justifié par un motif d'intérêt général, le moyen tiré de ce que ce classement serait entaché d'un détournement de pouvoir, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Granville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que les consorts X demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge des consorts X le versement de la somme de 2 000 euros que la commune de Granville demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts X est rejetée.
Article 2 : Les consorts X verseront à la commune de Granville une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Emmanuel X, à M. Jean-Loup X et à la commune de Granville (Manche).
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N° 09NT02172
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