La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2011 | FRANCE | N°10NT01176

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 04 février 2011, 10NT01176


Vu la requête enregistrée le 7 juin 2010, présentée pour la SOCIETE du CHAMP DE MARS, dont le siège est 4 bis, rue Saint Martin à Rennes (35700), par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la SOCIETE DU CHAMP DE MARS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-2808 du 6 avril 2010 par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2008 du maire de Rennes (Ille-et-Vilaine) lui retirant, à compter du 2 mars 2009, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places

de stationnement dans le parking d'Isly, ensemble la décision implic...

Vu la requête enregistrée le 7 juin 2010, présentée pour la SOCIETE du CHAMP DE MARS, dont le siège est 4 bis, rue Saint Martin à Rennes (35700), par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la SOCIETE DU CHAMP DE MARS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-2808 du 6 avril 2010 par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2008 du maire de Rennes (Ille-et-Vilaine) lui retirant, à compter du 2 mars 2009, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement dans le parking d'Isly, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé, le 2 février 2009, par l'intéressée ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à la ville de Rennes, en application des dispositions de l'article L. 900-1 du code de justice administrative dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de tirer les conséquences financières de la décision illégale du 3 décembre 2008 ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Rennes la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me ROUHAUD, substituant Me Lahalle, avocat de la SOCIETE DU CHAMP DE MARS ;

- et les observations de Me Olive, avocat de la ville de Rennes ;

Considérant que par ordonnance du 6 avril 2010, le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Rennes a rejeté, comme irrecevable, la demande de la SOCIETE DU CHAMP DE MARS tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2008 du maire de Rennes (Ille-et-Vilaine) lui retirant, à compter du 2 mars 2009, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement dans le parking d'Isly, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé, le 2 février 2009, par l'intéressée ; que la SOCIETE DU CHAMP DE MARS interjette appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Rennes a rejeté, comme irrecevable, la demande de la SOCIETE DU CHAMP DE MARS au motif que la décision du 3 décembre 2008 du maire de Rennes portant retrait de l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement dans le parking d'Isly présentait le caractère d'une décision superfétatoire ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 12-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : En cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale ; qu'aux termes de l'article R. 12-5-1 du code précité : dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 12-5 l'exproprié qui entend faire constater par le juge le manque de base légale de l'ordonnance portant transfert de sa propriété transmet aux greffes de la juridiction qui a prononcé l'expropriation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité, un dossier (...) ;

Considérant que par arrêté du 3 décembre 2001, le préfet d'Ille-et-Vilaine a déclaré d'utilité publique l'acquisition, par la ville de Rennes, de terrains en vue de la réalisation du parc de stationnement d'Isly Colombier ; que par arrêtés des 13 janvier et 13 octobre 2003, le préfet a déclaré cessibles, au profit de la ville de Rennes, en vue de la réalisation de cette opération, les droits réels immobiliers détenus par des propriétaires riverains du parking d'Isly Colombier, au nombre desquels figure la SOCIETE DU CHAMP DE MARS ; que par ordonnance du 11 juin 2004, le juge de l'expropriation a procédé au transfert de propriété des droits réels immobiliers détenus par la SOCIETE DU CHAMP DE MARS et dont l'acquisition était nécessaire à la réalisation du parc de stationnement d'Isly Colombier ; que par arrêt du 4 décembre 2007, la présente Cour administrative d'appel a annulé les arrêtés de cessibilité des 13 janvier et 13 octobre 2003 au motif que les droits déclarés cessibles consistaient, en réalité, en des droits d'accès à des places de stationnement dans le parking d'Isly Colombier dont la ville de Rennes avait déjà l'entière propriété, qui ne présentaient pas le caractère de droits réels immobiliers et ne pouvaient donc faire l'objet d'une expropriation à son profit ; qu'à la suite de cet arrêt de la Cour, le maire de Rennes, estimant alors que les droits d'accès en cause s'analysaient comme des autorisations d'occupation temporaire du domaine public communal, a retiré, par la décision du 3 décembre 2008 litigieuse, à la SOCIETE DU CHAMP DE MARS, à compter du 2 mars 2009, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement dans le parking d'Isly ; que la circonstance que l'ordonnance du 11 juin 2004 susmentionnée soit devenue définitive et que la SOCIETE DU CHAMP DE MARS n'ait pas mis en oeuvre la procédure prévue par les dispositions précitées des articles L. 12-5 et R 12-5-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour faire constater par le juge de l'expropriation le manque de base légale de ladite ordonnance, n'est pas de nature, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, à faire regarder comme superfétatoire la décision du 3 décembre 2008 litigieuse prise par le maire en vue de mettre fin aux droits d'accès à des places de stationnement, non constitutifs de droits réels immobiliers, détenus par la SOCIETE DU CHAMP DE MARS ; que, dans ces conditions, la SOCIETE DU CHAMP DE MARS était recevable à contester ladite décision ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, ladite ordonnance rejetant comme irrecevable la demande de première instance de la SOCIETE DU CHAMP DE MARS est entachée d'irrégularité et doit, dès lors, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE DU CHAMP DE MARS Xdevant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant que par conventions d'aménagement des 20 janvier et 20 février 1960, plusieurs fois modifiées, la ville de Rennes a confié à la société d'économie mixte d'aménagement et d'équipement de la Bretagne (SEMAEB), la réalisation de l'opération d'aménagement urbain portant sur la rénovation du quartier Colombier - rue de Nantes ; que, dans le cadre de ces conventions d'aménagement, la SEMAEB a fait construire, notamment, des immeubles comprenant des locaux à usage de bureau et des locaux commerciaux ainsi que le parc de stationnement d'Isly Colombier ; que la SOCIETE DU CHAMP DE MARS a acquis des lots immobiliers riverains du parking d'Isly Colombier ; que les actes de vente stipulent que l'acquéreur souscrit des places de parking individualisées et banalisées, qu'il déclare adhérer à l'Association syndicale libre (ASL) des propriétaires riverains du parking Isly Colombier et accepter toutes les obligations résultant de ses statuts, notamment la prise à bail pour soixante-dix ans du garage parking d'Isly, qu'il s'oblige à effectuer, en l'acquit de l'ASL des propriétaires riverains du parking Isly Colombier, à la SEMAEB, le versement d'une redevance correspondant aux parkings par lui souscrits, que le versement de la redevance par emplacement unitaire individualisé donne droit à l'acquéreur ou à ses ayants droit à l'accès d'une place individualisée au parking d'Isly, le numéro de cette place étant indiqué à l'acquéreur et que le versement de la redevance par emplacement banalisé donne droit à l'acquéreur ou à ses ayants droit à l'accès d'une place banalisée au parking public dans la limite des places disponibles, sans qu'une réservation quelconque de ces places puisse être garantie ; que les statuts de l'ASL des propriétaires riverains du parking Isly Colombier, régie par la loi du 21 juin 1865, et le règlement de copropriété du 20 décembre 1969 modifié le 4 mai 1970, prévoient que l'ensemble des emplacements banalisés susmentionnés est ouvert au public, constituant ainsi le parc de stationnement d'Isly Colombier, et que cet ouvrage est loué par la SEMAEB, qui en est la propriétaire, à l'ASL des propriétaires riverains du parking Isly Colombier, par un bail d'une durée de soixante-dix ans ; que les statuts de l'ASL des propriétaires riverains du parking Isly Colombier précisent que cette association syndicale libre a pour objet la prise à bail emphytéotique, la gestion, l'administration, la police et l'entretien du parc de stationnement et que le solde bénéficiaire ou déficitaire de l'exploitation du parking est réparti entre les seuls propriétaires de surfaces commerciales ou de bureaux proportionnellement au nombre de places non affectées financées par chacun d'eux ; que si aucun contrat n'a été signé, le juge judiciaire a constaté que la SEMAEB et l'association syndicale libre avaient conclu un bail verbal entre elles; que par acte notarié du 15 décembre 2000, la SEMAEB a cédé gratuitement à la ville de Rennes l'ensemble du parc de stationnement d'Isly Colombier; que la convention d'aménagement passée par la SEMAEB avec la ville de Rennes a pris fin en 2002 ; qu'il est constant et n'est pas contesté que le parc de stationnement d'Isly Colombier, demeuré affecté à l'usage du public, a été incorporé au domaine public communal et que son exploitation a été confiée par la ville à la société Citédia ; que par la décision litigieuse du 3 décembre 2008, le maire de Rennes a retiré, à compter du 2 mars 2009, à la SOCIETE DU CHAMP DE MARS, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement sur le parking d'Isly ;

Considérant que la SOCIETE DU CHAMP DE MARS soutient qu'aucun emplacement de stationnement ne lui est matériellement réservé dans le parking d'Isly Colombier et qu'elle a seulement accès au parking d'Isly dans la limite des places disponibles ; qu'il ressort, également, des pièces du dossier et n'est nullement contesté par la ville de Rennes que tous les emplacements du parc de stationnement sont affectés à l'usage du public ; qu'ainsi, la SOCIETE DU CHAMP DE MARS doit être regardée comme disposant d'un droit d'accès à des places banalisées; que le simple accès à un emplacement banalisé du parking public, dans la limite des places disponibles, sans qu'une réservation quelconque de ces places puisse être garantie, ne peut être regardé comme donnant lieu à une occupation privative du domaine public ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la ville de Rennes, les droits d'accès en cause ne constituent pas des autorisations d'occupation temporaire du domaine public ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, la décision litigieuse du 3 décembre 2008 par laquelle le maire a retiré à la SOCIETE DU CHAMP DE MARS l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement sur le parking d'Isly, est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, par l'arrêt du 4 décembre 2007 susmentionné, la Cour a annulé les arrêtés des 13 janvier et 13 octobre 2003 du préfet d'Ille-et-Vilaine déclarant cessibles, au profit de la ville de Rennes, différents droits réels immobiliers dans le parking d'Isly, au motif que l'opération d'expropriation portait, en réalité, sur des droits d'accès à des places de stationnement soit banalisées soit privatisées qui ne présentaient pas le caractère de droits réels immobiliers, lesquels ne pouvaient, dès lors, faire l'objet d'une telle procédure d'expropriation ; que cet arrêt, s'agissant des droits d'accès à des places de stationnement privatisées, qui ne se confondent pas avec les places en cause dans la présente instance, ajoute qu'il appartenait seulement à l'autorité chargée de la gestion et de la conservation du domaine, si elle s'y croyait fondée, de retirer les autorisations d'occupation en cours ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par la ville de Rennes de ce que l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 4 décembre 2007 de la Cour serait méconnue, ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du 3 décembre 2008 du maire de Rennes retirant, à compter du 2 mars 2009, à la SOCIETE DU CHAMP DE MARS, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement dans le parking d'Isly, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé, le 2 février 2009, par cette dernière, doivent être annulées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas que la ville de Rennes tire les conséquences financières de l'illégalité de la décision du 3 décembre 2008 ; que, par suite, les conclusions que présente, à cette fin, la SOCIETE DU CHAMP DE MARS, sur le fondement de l'article L. 900-1 du code de justice administrative, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la ville de Rennes la somme que la SOCIETE DU CHAMP DE MARS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOCIETE DU CHAMP DE MARS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la ville de Rennes demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 6 avril 2010 du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La décision du 3 décembre 2008 du maire de Rennes retirant, à compter du 2 mars 2009, à la SOCIETE DU CHAMP DE MARS, l'autorisation d'occuper une ou plusieurs places de stationnement dans le parking d'Isly et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 2 février 2009, sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE DU CHAMP DE MARS est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la ville de Rennes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DU CHAMP DE MARS et à la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine).

''

''

''

''

2

N° 10NT01176

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01176
Date de la décision : 04/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LAHALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-02-04;10nt01176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award