Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2009, présentée pour M. Roland X, demeurant, ..., par Me Bineteau, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-2279 du 23 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière ;
2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser une somme de 92 495,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 modifié portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des services de la distribution et du transport des dépêches des postes, télégraphes et téléphones ;
Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2011 :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
- les observations de Me Menceur, substituant Me Bineteau, avocat de M. X ;
- et les observations de Me Cros, substituant Me Bellanger, avocat de La Poste ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 janvier 2011, présentée pour M. X ;
Considérant que M. X, fonctionnaire de La Poste depuis le 4 juillet 1991, titularisé le 4 juillet 1992 dans le grade de préposé (PRE) puis promu le 14 juin 1993 dans le grade de conducteur automobile 1ère catégorie (CDAU1) a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son grade ; que par courriers du 30 décembre 2005, il a demandé à La Poste et à l'Etat le versement d'une somme de 80 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du blocage de sa carrière depuis 1993 ; que M. X relève appel du jugement du 23 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de La Poste à lui verser la somme de 80 000 euros à titre d'indemnité, somme portée en appel à 92 495,14 euros ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X par courriers du 30 décembre 2005 reçus les 2 janvier 2006 a demandé au ministre délégué à l'industrie et au président du conseil d'administration de La Poste le versement d'une indemnité de 80 000 euros correspondant à l'ensemble de ses préjudices et notamment au préjudice de carrière résultant pour lui des fautes commises par La Poste et l'Etat faute d'avoir organisé des voies de promotion interne pour les fonctionnaires ayant refusé leur intégration dans des corps de reclassification ; qu'ainsi, le contentieux ayant été valablement lié par M. X, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par La Poste à sa demande indemnitaire ;
Au fond :
En ce qui concerne l'exception de prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 2277 du code civil alors applicable : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : des salaires ; des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; des loyers, des fermages et des charges locatives ; des intérêts des sommes prêtées ; et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts (...) ; que les indemnités réclamées par le requérant, à raison des fautes commises par La Poste et par l'Etat, ne sont pas au nombre des créances qui s'éteignent par la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil, lesquelles, au demeurant, ne sont atteintes par ladite prescription que lorsqu'elles sont déterminées ; que, par suite, et en tout état de cause, l'exception de prescription qu'oppose La Poste sur le fondement de cet article, ainsi que l'avaient estimé à bon droit les premiers juges, ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions règlementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;
Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification, ne dispensait pas le président de La Poste, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;
Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement, en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, commis une illégalité fautive ; que La Poste, pour s'exonérer de sa responsabilité, ne saurait ainsi utilement se prévaloir ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de reclassement auraient interdit ces promotions, ni du fait qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que de même l'Etat a commis une faute en attendant le 14 décembre 2009 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de La Poste ; que ces fautes sont de nature à entraîner la responsabilité solidaire de l'Etat et de La Poste à l'égard de M. X ; qu'elles n'ouvrent cependant droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'elles soient à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;
En ce qui concerne le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des éléments versés en appel, que M. X, chauffeur poids lourds, fonctions auxquelles s'est ajoutée, à partir de 1999, celle d'agent polyvalent, noté B en 1993, 1994, 1995, 1996, 1999, et 2000, année où le total des critères d'appréciation excellent est de 9 sur 14, puis noté E pour les années 2002 à 2010 au titre desquelles sont relevées son efficacité, sa très grande disponibilité, notamment dans l'aménagement de ses horaires, et sa forte implication permettant de maintenir la qualité de service, aurait disposé de chances sérieuses d'accéder au grade hiérarchiquement supérieur de conducteur de travaux du service distribution acheminement (CDTX-DA) si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X en raison tant de son préjudice professionnel et financier qu'au titre des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral en l'évaluant à la somme globale de 17 000 euros tous intérêts confondus, laquelle doit être supportée solidairement par l'Etat et par La Poste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de La Poste et de l'Etat le versement à M. X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par La Poste, partie perdante dans la présente instance, sur le fondement de ces mêmes dispositions, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 06-2279 du tribunal administratif de Rennes du 23 avril 2009 est annulé.
Article 2 : La Poste et l'Etat sont solidairement condamnés à verser à M. X la somme globale de 17 000 euros (dix-sept mille euros) tous intérêts confondus au jour du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : La Poste et l'Etat verseront solidairement à M. X la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de La Poste présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roland X, à La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 09NT01551 5
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