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18/03/2010 | FRANCE | N°09NT02377

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 18 mars 2010, 09NT02377


Vu la requête enregistrée le 13 octobre 2009, présentée pour la COMMUNE DE SARZEAU, représentée par son maire en exercice, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la COMMUNE DE SARZEAU demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-2707 du 24 septembre 2009 par laquelle le président du Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. et Mme X une indemnité provisionnelle de 108 201,20 euros à valoir sur la réparation des préjudices résultant de la délivrance le 14 juin 2004 par le maire d'un certificat d'urbanisme positif illégal ;

2°)

de rejeter la demande présentée par les époux X devant le juge des référés du T...

Vu la requête enregistrée le 13 octobre 2009, présentée pour la COMMUNE DE SARZEAU, représentée par son maire en exercice, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la COMMUNE DE SARZEAU demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-2707 du 24 septembre 2009 par laquelle le président du Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. et Mme X une indemnité provisionnelle de 108 201,20 euros à valoir sur la réparation des préjudices résultant de la délivrance le 14 juin 2004 par le maire d'un certificat d'urbanisme positif illégal ;

2°) de rejeter la demande présentée par les époux X devant le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge des époux X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2010 :

- le rapport de M. Lainé, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Lahalle, avocat de la COMMUNE DE SARZEAU ;

- et les observations de Me Gourdin, substituant Me Maire, avocat de M. et Mme X ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ;

Considérant que M. et Mme X ont conclu le 4 mai 2004 avec Mme Y, propriétaire, une promesse de vente sous condition suspensive d'obtention d'un certificat d'urbanisme positif, portant sur une parcelle cadastrée section A n° 984, d'une superficie de 724 m², située route de Ker Maillard à Sarzeau (Morbihan) et constituant le lot B issu de la division foncière de la parcelle anciennement cadastrée section A n° 904, en zone UBa du plan d'occupation des sols de la commune ; que le maire de Sarzeau ayant délivré le 14 juin 2004 un certificat d'urbanisme positif pour la réalisation d'une maison d'habitation, les époux X ont acquis ce bien en qualité de terrain à bâtir par acte notarié du 19 août 2004, pour un prix de 102 500 euros, et ont demandé un permis de construire, qui leur a été tacitement accordé à l'expiration du délai d'instruction le 9 juillet 2005 et confirmé par une attestation du 16 novembre 2005 ; que ce permis de construire a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2008, devenu définitif, notamment aux motifs qu'il avait été délivré sans être soumis à l'avis de la commission départementale des sites et à l'accord du préfet comme l'exigeaient le II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, qu'il méconnaissait le I de ce même article dès lors que le projet n'était pas en continuité avec un village existant ou une partie agglomérée de la commune, ainsi que le III dudit article car le terrain d'assiette est inclus dans la bande littorale des cent mètres en dehors d'un espace urbanisé ; que par lettre reçue le 10 octobre 2008, M. et Mme X ont saisi le maire de Sarzeau d'une demande préalable d'indemnité en réparation des préjudices résultant de la faute constituée par la délivrance du certificat d'urbanisme erroné du 14 juin 2004 et en invoquant la délivrance du permis de construire illégal ; qu'après le rejet de cette demande, ils ont présenté une requête à fin d'indemnisation, et ont également sollicité en référé le versement d'une provision de 144 000 euros ; que par une ordonnance du 24 septembre 2009, le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant comme juge des référés, a condamné la collectivité à leur verser la somme provisionnelle de 108 201,20 euros ; que la COMMUNE DE SARZEAU relève régulièrement appel de cette ordonnance, et par la voie de l'appel incident M. et Mme X demandent que la provision soit portée à 144 000 euros ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'en indiquant que ne pouvait être utilement invoqué un manquement commis par la direction départementale de l'équipement du Morbihan dès lors que cette dernière n'était chargée que de l'instruction de la demande de certificat pour le compte de la commune, l'ordonnance attaquée a suffisamment répondu au moyen tiré par la COMMUNE DE SARZEAU de ce qu'elle devait être exonérée de toute responsabilité eu égard à la faute commise par les services de l'Etat ;

Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Les communes intéressées peuvent également faire connaître leur avis dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la demande d'accord. Le plan local d'urbanisme doit respecter les dispositions de cet accord. / III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée (...) ;

Considérant qu'en indiquant dans le certificat d'urbanisme du 14 juin 2004 que le terrain en cause pouvait accueillir l'opération envisagée par M. et Mme X, alors que les dispositions précitées de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme s'opposaient à ce qu'une construction pût y être autorisée, le maire de Sarzeau a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que les intéressés n'étant pas des professionnels de l'immobilier, il n'est pas établi qu'ils auraient commis une imprudence fautive en accordant crédit au certificat erroné délivré par la commune, attestant de la faisabilité de leur projet, sur la base duquel ils ont acquis la parcelle susmentionnée en vue d'y construire une maison d'habitation ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune, lors de l'élaboration du plan d'occupation des sols applicable ou à l'occasion de la délivrance du permis de construire illégal tacitement accordé aux époux X en juillet 2005, ait suivi la procédure prévue par le II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, impliquant une demande de sa part et la possibilité pour le préfet de donner ou non son accord, pour ouvrir à l'urbanisation le secteur du lieudit Ker Maillard ; que, d'autre part, la seule circonstance que le service compétent de la direction départementale de l'équipement a instruit la demande de certificat d'urbanisme et la demande de permis de construire ne peut être utilement invoquée, dès lors qu'il n'est pas établi que ce service aurait commis une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; qu'enfin, la circonstance que le préfet du Morbihan se soit abstenu de déférer au tribunal administratif le certificat d'urbanisme du 14 juin 2004 ne revêt pas le caractère d'une faute lourde, seule de nature à engager, en pareil cas, la responsabilité de l'Etat envers la commune ; que dans ces conditions, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait être exonérée de sa responsabilité en raison d'une faute des services de l'Etat ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que M. et Mme X auraient pu exercer une action en nullité devant le juge judiciaire, pour erreur substantielle sur les qualités de l'objet de la vente, n'est pas exclusive d'une action en responsabilité dirigée contre la commune, devant la juridiction administrative, en raison de la faute consistant à avoir délivré un certificat d'urbanisme positif erroné et un permis de construire illégal ; que dès lors qu'il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet de construction a été acquis sur le fondement du certificat d'urbanisme erroné concluant à la faisabilité de l'opération envisagée, un lien de causalité direct et certain est établi entre ce certificat fautif et le dommage subi par les époux X du fait de l'achat de la parcelle qu'ils ont cru à tort constructible ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenu l'achat par les époux X du terrain susmentionné, le préjudice correspondant à la différence entre la valeur réelle de cette propriété et les coûts exposés pour son acquisition en vue d'y construire, y compris les frais d'acquisition et les frais financiers y afférents, doit être regardé comme directement lié à l'illégalité fautive commise par la COMMUNE DE SARZEAU ;

Considérant que l'acte de vente authentique stipule un prix de 102 500 euros, et que les intéressés produisent une attestation de leur notaire, non sérieusement contestée par l'appelante, d'où il ressort que le terrain non constructible peut être évalué à 10 euros par mètre carré, soit au total 7 240 euros ; que, par suite, la perte de valeur vénale de ce bien doit être évaluée à 95 260 euros ; que les frais d'acquisition exposés en sus de ceux correspondant à l'achat d'un terrain inconstructible dont les intimés demeurent propriétaires, résultant de la prise en compte des 6 876,20 euros de frais d'acte et 7 500 euros de frais d'agence, ressortant respectivement du décompte du notaire et d'un reçu, et de l'évaluation à 2 681 euros des seuls frais qui auraient dû être normalement exposés, peuvent être évalués à la somme de 11 695,20 euros ; qu'il résulte de l'instruction que les époux X ont contracté le 13 août 2004 un emprunt de 110 000 euros affecté uniquement à l'achat d'un terrain à bâtir à Sarzeau, qu'ils n'auraient pas eu besoin de contracter ce prêt pour la seule acquisition d'un terrain non constructible, et qu'ils peuvent donc prétendre à l'indemnisation des frais financiers directement liés au certificat d'urbanisme illégal ; que toutefois, en l'état du dossier, les seuls frais de ce type pouvant être regardés comme incontestablement justifiés sont ceux apparaissant à la fin du tableau d'amortissement initial, indiquant un total des intérêts à payer de 6 942,18 euros, auxquels doivent être ajoutés 300 euros de frais de dossier ;

Considérant, en deuxième lieu, que les frais d'architecte directement liés au projet affecté par le caractère inconstructible du terrain acheté doivent également être inclus dans le montant du préjudice indemnisable ; qu'eu égard à la facture d'honoraires produite, d'où il ressort clairement que la prestation payée porte sur un projet de construction d'une habitation principale au lieudit Ker Maillard à Sarzeau, ce chef de préjudice doit être fixé à 5 259,49 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que les frais de bornage exposés en raison de la division foncière d'où est issu le terrain acquis, et les frais d'huissier exposés pour attester de l'affichage du permis de construire, ne sont pas la conséquence directe de la faute qu'a commise le maire en délivrant le certificat d'urbanisme illégal et ne sauraient, dès lors, donner lieu à indemnisation ;

Considérant, en dernier lieu, que le préjudice moral invoqué doit, contrairement aux prétentions de l'appelante, être regardé comme établi dès lors qu'il résulte de l'instruction que les époux X ont acquis ce qu'ils pensaient être un terrain constructible en vue d'y édifier une maison d'habitation devant constituer à moyen terme leur résidence principale ; que toutefois, l'évaluation de ce chef de préjudice au-delà de la somme de 1 500 euros accordée à ce titre par le juge des référés du tribunal administratif est susceptible d'être sérieusement contestée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la COMMUNE DE SARZEAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, l'a condamnée à verser une provision à M. et Mme X, et d'autre part que ces derniers sont fondés à se prévaloir d'une créance non sérieusement contestable à hauteur de 120 956,87 euros ; que dès lors, il y a lieu de porter à cette somme le montant de la provision qui doit être mise à la charge de la COMMUNE DE SARZEAU, et de rejeter le surplus de l'appel incident des époux X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la COMMUNE DE SARZEAU demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE SARZEAU le versement à M. et Mme X d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux à l'occasion de la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme provisionnelle que la COMMUNE DE SARZEAU a été condamnée à verser à M. et Mme X est portée à 120 956,87 euros (cent vingt mille neuf cent cinquante six euros et quatre-vingt sept centimes).

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes du 24 septembre 2009 est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La COMMUNE DE SARZEAU versera à M. et Mme X une somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de la COMMUNE DE SARZEAU et le surplus de l'appel incident de M. et Mme X sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SARZEAU (Morbihan) et à M. et Mme X.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NT02377
Date de la décision : 18/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2010-03-18;09nt02377 ?
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