Vu la requête, enregistrée le 4 août 2008, présentée pour M. Laurent X et Mme Sylvie X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Guillauma-Pesme, société d'avocats au barreau d'Orléans ; M. Laurent X et Mme Sylvie X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-46 du 5 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant la condamnation solidaire de la commune de Ballan-Miré et de l'Etat à leur verser la somme de 29 565,12 euros, indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction à la date du rapport d'expertise, au titre des travaux d'aménagement nécessaires pour mettre fin aux phénomènes d'inondation de leur propriété et la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
2°) de condamner in solidum la commune de Ballan-Miré et l'Etat à leur verser la somme de 29 565,12 euros, indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction à la date du rapport d'expertise, au titre des travaux d'aménagement nécessaires pour mettre fin aux phénomènes d'inondation de leur propriété et la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Ballan-Miré et de l'Etat, avec la même solidarité, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Geffray, rapporteur public
- et les observations de Me Dalibard, avocat de la commune de Ballan-Miré ;
Considérant que M. et Mme X relèvent appel du jugement du 5 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Ballan-Miré (Indre-et-Loire) et de l'Etat à leur verser la somme de 29 565,12 euros, indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction à la date du rapport d'expertise, au titre des travaux d'aménagement nécessaires pour mettre fin aux phénomènes d'inondation de leur propriété et la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de motivation de la requête :
Considérant que dans leur requête présentée à la Cour, M. et Mme X contestent les motifs pour lesquels les premiers juges n'ont pas fait droit à leur demande ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de l'insuffisance de motivation de la requête d'appel, à défaut de critique du jugement attaqué, doit, en conséquence, être écartée ;
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Ballan-Miré :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ; que, par suite, la commune de Ballan-Miré n'est pas recevable à opposer la prescription quadriennale pour la première fois en appel ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement ; qu'il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
Considérant M. et Mme X ont acquis en novembre 1997 une maison ... ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations de l'expert désigné en première instance par le juge des référés, que si le caractère inondable du terrain des époux X est incontestable du fait de la présence d'un ruisseau le traversant, l'importance et la fréquence des inondations subies par les requérants, qui affectent désormais régulièrement le sous-sol de leur habitation, se sont accrues depuis les années 1999-2000 ; que cette aggravation est imputable, selon l'expert, à la sous-estimation de l'évolution de l'urbanisation et à la prise en compte de critères pluviométriques à fréquence décennale en méconnaissance des normes européennes de 1996, lors de la création en mai-juin 1998 de deux bassins de retenue des eaux pluviales liés aux travaux de construction de l'autoroute A 85 entre Angers et Tours, ainsi qu'à l'absence de contrôle par la commune des dispositions de rétention d'eau préconisées dans l'attribution de nouveaux permis de construire ; que les ouvrages incriminés ont été rétrocédés à la commune de Ballan-Miré par une convention conclue le 29 janvier 1998 avec le préfet d'Indre-et-Loire ; que la commune de Ballan-Miré doit, par conséquent être déclarée responsable, en sa qualité de maître de l'ouvrage, des dommages subis par M. et Mme X du fait de l'aggravation de la fréquence et de l'intensité des inondations qu'ils subissent ;
Considérant toutefois qu'il résulte également de l'instruction que le permis de construire délivré le 29 octobre 1979 pour la construction de la maison acquise par les époux X a été accordé sous réserve de la réalisation d'un busage de 2 fois 1 000 de diamètre en raison du caractère très inondable de la propriété ; que cette condition n'ayant pas été remplie, le certificat de conformité n'a pas été délivré ; que si un permis modificatif du 1er avril 1985 a supprimé cette prescription, il n'en demeure pas moins que les travaux propres à éviter le débordement du ruisseau n'ont pas été réalisés par les propriétaires successifs, qui ne pouvaient ainsi ignorer le risque d'inondation auquel ils s'exposaient ; qu'en outre, la conception de la maison à une cote altimétrique proche de celle du fil de l'eau du ruisseau s'agissant du sous-sol, est de nature à favoriser les inondations subies par l'habitation ; que les fautes ainsi commises par les époux X ou leurs ayants cause sont de nature à exonérer la commune de Ballan-Miré de la moitié de sa responsabilité ;
Sur l'évaluation des préjudices :
Considérant que le coût des travaux de canalisation du ruisseau avec des éléments en béton peut être évalué, à dire d'expert, à 29 565 euros TTC ; que les dommages doivent être évalués à la date à laquelle, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, les travaux destinés à les réparer peuvent être entrepris ; qu'en l'espèce, cette date est, au plus tard, celle du dépôt du rapport d'expertise, le 2 août 2006, lequel définit avec une précision suffisante la nature et la consistance des travaux nécessaires ; que les requérants ne justifient pas avoir été dans l'impossibilité d'entreprendre ceux-ci à ladite date ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à demander l'indexation de cette indemnité sur l'indice du coût de la construction depuis le 31 juillet 2006 ; que les requérants ont, en revanche, subi un préjudice de jouissance dont il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, en l'évaluant à la somme de 3 000 euros ; qu'ainsi, compte tenu du partage de responsabilité, la somme au paiement de laquelle il convient de condamner la commune de Ballan-Miré s'élève à 16 282,50 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté intégralement leur demande ;
Sur l'appel en garantie formé par la commune de Ballan-Miré à l'encontre de l'Etat :
Considérant qu'en sous-estimant l'évolution de l'urbanisation, en ne prévoyant pas d'étanchéité du bassin n° 2 dit communal et en établissant ses préconisations hydrauliques sur des bases non conformes aux normes européennes les plus récentes, l'Etat, maître d'oeuvre des travaux de conception et de réalisation des ouvrages en cause, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de la commune de Ballan-Miré ; que celle-ci est, pour sa part, responsable du développement des zones urbanisées sur son territoire et du respect des prescriptions des permis de construire qu'elle accorde, relatives à la rétention d'eau; que, dans ces circonstances, la commune de Ballan-Miré est fondée à demander à être garantie par l'Etat à concurrence des trois-quarts des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en première instance par le juge des référés et confiée à M. Y, liquidés et taxés à la somme de 6 445,34 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif d'Orléans du 28 août 2006, doivent être mis à la charge définitive, chacun pour moitié, de M. et Mme X et de la commune de Ballan-Miré, cette dernière étant garantie par l'Etat à concurrence de 75 % de la somme mise à sa charge ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Ballan-Miré et de l'Etat la somme que M. et Mme X demandent au titre des frais qu'ils ont exposés non compris dans les dépens, ni de mettre à la charge des époux X la somme que la commune Ballan-Miré demande au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 5 juin 2008 est annulé.
Article 2 : La commune de Ballan-Miré est condamnée à verser à M. et Mme X la somme de 16 282,50 euros (seize mille deux cent quatre-vingt deux euros cinquante centimes).
Article 3 : L'Etat (ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer) garantira la commune de Ballan-Miré à concurrence des trois-quarts des condamnations prononcées à son encontre.
Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de M. et Mme X et de la commune de Ballan-Miré, chacun pour moitié, la commune de Ballan-Miré étant garantie par l'Etat à concurrence de 75 % de la somme mise à sa charge.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Ballan-Miré tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent X, à Mme Sylvie X, à la commune de Ballan-Miré et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
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N° 08NT02325