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07/04/2009 | FRANCE | N°08NT00594

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 avril 2009, 08NT00594


Vu la requête enregistrée le 3 mars 2008, présentée pour la VILLE DE CAEN, représentée par son maire en exercice, par Me Labrusse, avocat au barreau de Caen ; la VILLE DE CAEN demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 07-2895 du 11 février 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision limitée à 292 836 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007, en réparation du préjudice résult

ant pour elle de la mise en oeuvre des décrets n° 99-973 du 25 novembre 1999 et ...

Vu la requête enregistrée le 3 mars 2008, présentée pour la VILLE DE CAEN, représentée par son maire en exercice, par Me Labrusse, avocat au barreau de Caen ; la VILLE DE CAEN demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 07-2895 du 11 février 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision limitée à 292 836 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007, en réparation du préjudice résultant pour elle de la mise en oeuvre des décrets n° 99-973 du 25 novembre 1999 et n° 2001-185 du 26 février 2001 par lesquels l'Etat a confié aux maires une partie de la gestion de la délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports ;

2°) de porter la provision que l'Etat a été condamné à lui verser à la somme de 1 108 890,10 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu l'article 103 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, modifié notamment par le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2009 :

- le rapport de M. Lainé, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...)" ;

Considérant que par ordonnance du 11 février 2008, le juge des référés du Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la VILLE DE CAEN (Calvados) une provision de 292 836 euros à valoir sur l'indemnisation, au titre des années 2003 à 2006, des préjudices résultant de l'illégalité des dispositions de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 et de l'article 7 du décret du 26 février 2001 qui ont transféré aux maires de certaines communes, agissant au nom de l'Etat, la charge de recueillir et de transmettre aux autorités compétentes les demandes de passeports et de cartes nationales d'identité et de remettre les titres établis aux pétitionnaires ; que la VILLE DE CAEN interjette appel de cette ordonnance en tant qu'elle limite le montant de la provision sollicitée à la somme précitée de 292 836 euros, et demande que cette somme soit portée à celle de 1 108 890,10 euros au titre de la période comprenant, outre les années 2003 à 2006, les années 1999 à 2002 ; que pour sa part, dans le dernier état de ses écritures, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour d'annuler l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Caen en se prévalant des dispositions de l'article 103 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 103 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 : "II. - Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 25 novembre 1999, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de cartes nationales d'identité ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. / Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 26 février 2001, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de passeports ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, d'un préjudice correspondant à ces dépenses" ;

Considérant que l'ordonnance attaquée ne constitue pas une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ; que, dès lors, il résulte des dispositions précitées du paragraphe II de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008 susvisée que la VILLE DE CAEN ne peut se prévaloir des préjudices résultant de l'illégalité des dispositions de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 et de l'article 7 du décret du 26 février 2001, qui ont transféré aux maires de certaines communes, agissant au nom de l'Etat, la charge de recueillir et de transmettre aux autorités compétentes les demandes de passeports et de cartes nationales d'identité et de remettre les titres établis aux pétitionnaires, au motif que ces dispositions ont eu pour conséquence d'imposer indirectement aux communes les dépenses à la charge de l'Etat relatives à ces attributions alors qu'en vertu de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales le législateur était seul compétent pour ce faire ;

Considérant, en second lieu, que la VILLE DE CAEN soutient que les dispositions précitées du II de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008 seraient contraires aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle invoque également la responsabilité de l'Etat du fait des lois, en tant que celle-ci est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés, d'autre part, en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France ; que, toutefois l'existence de l'obligation qui incombe selon la ville à l'Etat au titre des dépenses en cause, doit, eu égard à l'office du juge du référé-provision, être regardée comme sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Caen du 11 février 2008 condamnant l'Etat à verser à la VILLE DE CAEN une provision de 292 836 euros, et d'autre part, que la VILLE DE CAEN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif a refusé de lui accorder une provision supérieure à 292 836 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la VILLE DE CAEN doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 11 février 2008 du juge des référés du Tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : La requête de la VILLE DE CAEN est rejetée.

Article 3 : La demande de provision présentée par la VILLE DE CAEN devant le Tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE CAEN (Calvados) et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT00594
Date de la décision : 07/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-04-07;08nt00594 ?
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