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05/02/2009 | FRANCE | N°08NT01585

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 février 2009, 08NT01585


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 7 août 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE (CHRU) DE TOURS, dont le siège est 2, boulevard Tonnelé à Tours Cedex (37044), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CHRU DE TOURS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-1928 du 10 avril 2008 par lequel Tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser à M. Pierre X une somme de 9 900 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale co

ntractée par lui lors de l'intervention pratiquée le 28 août 2003 et de l...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 7 août 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE (CHRU) DE TOURS, dont le siège est 2, boulevard Tonnelé à Tours Cedex (37044), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le CHRU DE TOURS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-1928 du 10 avril 2008 par lequel Tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser à M. Pierre X une somme de 9 900 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par lui lors de l'intervention pratiquée le 28 août 2003 et de l'arrêt de tout traitement antibiotique à compter du 19 septembre 2003 pour une durée de six semaines et une somme de 22 474,44 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Indre-et-Loire en réparation des débours exposés pour le compte de M. X ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. X et la CPAM d'Indre-et-Loire devant le Tribunal administratif d'Orléans ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2009 :

- le rapport de Mme Chauvet, rapporteur ;

- les observations de Me Alric, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 4 août 2003, à la suite d'une fracture ouverte de l'extrémité inférieure du radius gauche, M. X, alors âgé de soixante-neuf ans, a été opéré au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE (CHRU) DE TOURS où une ostéosynthèse a été réalisée ; que le 28 août suivant, à la suite d'un déplacement secondaire de l'ostéosynthèse, une ablation des broches a été effectuée et un fixateur externe mis en place ; que dans la nuit du 3 au 4 septembre 2003, alors qu'il séjournait au centre de convalescence Le Coteau de Villandry, un aspect très inflammatoire du poignet a été noté et une antibiothérapie mise en oeuvre dès le lendemain ; que le tableau clinique s'améliorant, le traitement a été arrêté le 12 septembre 2003 puis repris trois jours plus tard en raison d'une nouvelle dégradation de cet état ; que M. X a de nouveau été examiné au CHRU DE TOURS le 17 septembre puis, le 19 septembre suivant, hospitalisé dans cet établissement, où un geste de drainage d'abcès accompagné de l'ablation du fixateur externe a été effectué ; que la prescription des antibiotiques a été stoppée le jour même de l'intervention ; que le CHRU DE TOURS interjette appel du jugement du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à verser à M. X une somme de 9 900 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par lui lors de l'intervention pratiquée le 28 août 2003 et de l'arrêt de tout traitement antibiotique à compter du 19 septembre 2003 pour une durée de six semaines, et une somme de 22 474,44 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Indre-et-Loire en réparation des débours exposés pour le compte de M. X ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ; que ces dispositions sont applicables, en vertu de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, et de l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002, aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 ; qu'au cas où une telle infection survient, l'établissement hospitalier concerné ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en prouvant la cause étrangère ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par les premiers juges, que l'infection nosocomiale dont a été victime M. X a été contractée, non pas au centre de convalescence Le Coteau de Villandry, qui s'est borné à mettre en oeuvre un traitement antibiotique adapté à l'inflammation du poignet qu'il a présentée le 3 septembre 2003, mais au CHRU DE TOURS, lors de l'implantation du matériel d'ostéosynthèse réalisée le 28 août 2003 ; que l'expert a souligné, à cet égard, que le fait générateur du dommage avait très probablement pour origine la survenue d'une infection sur une fiche du fixateur externe ; que si le CHRU DE TOURS, qui ne précise pas la nature aérobie ou anaérobie du ou des staphylocoques en cause, soutient que l'infection contractée par M. X n'aurait pas un caractère nosocomial au motif que le germe en cause présenterait un caractère endogène, cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à elle seule à démontrer l'existence d'une cause étrangère alors notamment que le centre hospitalier n'établit pas que l'intéressé aurait été porteur d'un foyer infectieux lors de son admission et qu'il lui appartient de prendre toutes précautions en matière d'asepsie de nature à prévenir ce risque d'infection ; qu'ainsi, le CHRU DE TOURS, ne rapportant pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une cause étrangère à l'origine de l'infection nosocomiale dont a été victime M. X, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de cette infection ;

Sur le préjudice indemnisable :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudices, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Considérant, en premier lieu, qu'au titre du poste dépenses de santé, la CPAM d'Indre-et-Loire, qui a fait état en première instance de frais médicaux et pharmaceutiques et de frais de transport pour des montants respectifs de 2 531,52 euros et de 231,18 euros, n'a fourni aucune précision permettant de déterminer la partie de ces débours exclusivement imputables à la complication survenue après l'intervention du 28 août 2003 ; que les dépenses d'hospitalisation, exposées entre les 2 janvier et 15 janvier 2004, d'un montant de 9 470,50 euros, dont elle a demandé le remboursement, correspondent à l'intervention nécessaire pour changer le fixateur mis en place le 28 août 2003 et sont, par voie de conséquence, sans lien avec la complication infectieuse dont a été victime M. X ; qu'ainsi, la CPAM d'Indre-et-Loire ne pouvait prétendre à aucun remboursement à ces titres ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X reste atteint d'une incapacité permanente partielle de 3 % au titre de la complication imputable à la chirurgie pratiquée le 28 août 2003 ; que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier requérant, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation excessive des troubles de toute nature qu'il subit dans ses conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires, en les évaluant à la somme de 5 400 euros, qui inclut la réparation du préjudice d'agrément ; qu'en fixant à 4 500 euros l'indemnité réparant les souffrances physiques de M. X, évaluées à 3,5 sur une échelle de 7, et son préjudice esthétique, évalué à 1 sur la même échelle, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de la cause ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a réparé les préjudices personnels de M. X à hauteur de la somme de 9 900 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CHRU DE TOURS est seulement fondé à demander que la somme de 22 474,44 euros qu'il a été condamné à payer à la CPAM d'Indre-et-loire, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucune irrégularité, soit ramenée à la somme de 10 241,24 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU DE TOURS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du CHRU DE TOURS la somme demandée par la CPAM d'Indre-et-Loire au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 22 474,44 euros (vingt-deux mille quatre cent soixante-quatorze euros et quarante-quatre centimes) que le CHRU DE TOURS a été condamné à verser à la CPAM d'Indre-et-Loire par le jugement attaqué est ramenée à la somme de 10 241,24 euros (dix mille deux cent quarante et un euros et vingt-quatre centimes).

Article 2 : L'article 2 du jugement du 10 avril 2008 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé, en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CHRU DE TOURS est rejeté.

Article 4 : Le CHRU DE TOURS versera à M. X une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la CPAM d'Indre-et-Loire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CHRU DE TOURS, à M. Pierre X, à la CPAM d'Indre-et-Loire et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT01585
Date de la décision : 05/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : PESME

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-02-05;08nt01585 ?
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