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07/05/2008 | FRANCE | N°06NT01930

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 mai 2008, 06NT01930


Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2006, présentée pour :

- M. et Mme Y, demeurant Le Breil à Vernoil le Fourrier (49390) ;

- et la SOCIETE PACIFICA, leur assureur, dont le siège est 91-93, boulevard Pasteur à Paris (75015), par M. Dubreil, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme Y et la SOCIETE PACIFICA demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-2650 du 26 juillet 2006 par lequel Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à ce que la ville de Saumur soit condamnée à leur verser la somme de 26 528,09 euros à M. et Mme Y

et la somme de 115 052,66 euros à la SOCIETE PACIFICA, en réparation des conséq...

Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2006, présentée pour :

- M. et Mme Y, demeurant Le Breil à Vernoil le Fourrier (49390) ;

- et la SOCIETE PACIFICA, leur assureur, dont le siège est 91-93, boulevard Pasteur à Paris (75015), par M. Dubreil, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme Y et la SOCIETE PACIFICA demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-2650 du 26 juillet 2006 par lequel Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à ce que la ville de Saumur soit condamnée à leur verser la somme de 26 528,09 euros à M. et Mme Y et la somme de 115 052,66 euros à la SOCIETE PACIFICA, en réparation des conséquences dommageables de l'effondrement d'une partie du rempart nord du château de la ville de Saumur ;

2°) de condamner la ville de Saumur à leur verser lesdites sommes majorées des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête pour M. et Mme Y, du 29 mars 2002 pour la SOCIETE PACIFICA ;

3°) de condamner la ville de Saumur à verser à M. et Mme Y et à la SOCIETE PACIFICA une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le décret n° 80-911 du 20 novembre 1980 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2008 :

- le rapport de Mme Chauvet, rapporteur ;

- les observations de Me Scheffer, substituant Me Dubreil, avocat de M. et Mme Y et de la SOCIETE PACIFICA ;

- les observations de Me Gerald, substituant Me Quinchon, avocat de la ville de Saumur ;

- les observations de Me Ecuyer, substituant Me Viaud, avocat de la société Léotot Géologie Environnement ;

- les observations de Me Pierre, substituant Me Carrière, avocat de la société Arcadis Esg ;

- les observations de Me Bédon, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, le 22 avril 2001, vers deux heures du matin, la partie nord-ouest du mur du rempart du château de Saumur s'est effondrée, endommageant, de façon importante, dans sa chute, différents immeubles au nombre desquels la maison dont sont propriétaires M. et Mme Y située au 102, de la rue Jean Jaurès ; que M. et Mme Y et la SOCIETE PACIFICA, leur assureur, font appel du jugement du 26 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la ville de Saumur à réparer les préjudices subis consécutifs à l'effondrement du mur du château ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant que par une ordonnance du 7 octobre 2002, le président du Tribunal administratif de Nantes a condamné la ville de Saumur à verser, à titre de provisions, la somme de 20 000 euros à M. et Mme Y et la somme de 100 000 euros à la SOCIETE PACIFICA ; que par arrêt du 3 février 2005, la Cour administrative d'appel de Nantes a ramené à 10 900,10 euros la somme de 20 000 euros que la ville avait été condamnée à verser à M. et Mme Y et a porté à 105 905,75 euros la somme de 100 000 euros que la ville avait été condamnée à verser à la SOCIETE PACIFICA ; que ces décisions n'ont pas prononcé de condamnations définitives ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur la demande au fond des requérants, tendant à la condamnation de la ville de Saumur ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), que la chute d'une partie importante du rempart nord du château de Saumur dans la nuit du 22 avril 2001 trouve son origine dans l'effondrement du coteau sur lequel il a été construit, chute elle-même provoquée par l'écrasement du tuffeau à la base du coteau au niveau d'une zone fragilisée par une fracture existante, cette rupture s'étant elle même propagée dans le tuffeau le long d'une diaclase sub-verticale qui a entraîné un effacement du tuffeau sous le rempart et, par suite, sa ruine puis sa chute ; que le coteau formant fonctionnellement le support nécessaire et indispensable du rempart qui en épouse les formes et y prend appui est ainsi un accessoire de l'ouvrage public constitué par le rempart ; que ce caractère d'ouvrage public résulte encore de l'aménagement en 1965 du coteau lui-même par la mise en place d'un massif de béton ancré par tirants dans le tuffeau à la suite d'un effondrement du rempart à son angle nord-est ; que, dans ces conditions, M. et Mme Y et la SOCIETE PACIFICA, qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public litigieux, qui appartient à la ville de Saumur sont fondés, ainsi que leurs assureurs à demander à la ville, même en l'absence de faute de sa part, réparation du préjudice qu'ils ont subi ;

Considérant que, si l'effondrement du coteau s'est produit à la suite d'une période de fortes pluies, qui a justifié l'intervention d'un arrêté interministériel du 6 juillet 2001 constatant l'état de catastrophe naturelle du mouvement de terrain du 22 avril 2001 dans la ville de Saumur, cette seule circonstance n'établit pas que les faits de l'espèce aient présenté un caractère de soudaineté, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité permettant de les regarder comme un événement de force majeure de nature à exonérer ou réduire la responsabilité de la ville de Saumur ; que, d'ailleurs, la ville reconnaît elle-même, dans ses écritures, que ces précipitations n'avaient pas un tel caractère ;

Considérant que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la ville de Saumur n'était pas engagée à leur égard ;

Sur la réparation :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE PACIFICA justifie avoir versé à M. et Mme Y une somme de 115 052,66 euros correspondant, d'une part, à la valeur vénale de l'immeuble appartenant à ses assurés, telle qu'estimée par l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saumur majorée d'une indemnité de site, soit un total de 102 445,74 euros, d'autre part, à des pertes de loyers pour un montant de 12 805,72 euros, enfin, à la prise en charge d'une facture se rapportant à des mesures conservatoires pour un montant de 182,33 euros dont il a été justifié ; que la nature et l'étendue des réparations incombant à la ville de Saumur doivent être déterminées indépendamment des sommes que cette société a pu exposer à titre d'indemnités en application du contrat la liant à ses assurés ; que, compte tenu du délai écoulé entre la date du sinistre et la date à laquelle l'étendue exacte du dommage a été connue, soit au cours du mois de novembre 2001, suite au dépôt du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saumur qui a exigé la destruction de l'immeuble, la créance dont se prévaut la SOCIETE PACIFICA au titre des pertes de loyers n'est justifiée que dans la limite d'une somme de 3 658,80 euros ; que, dans ces conditions, la SOCIETE PACIFICA, qui justifie ainsi d'une créance d'un montant de 105 905,75 euros, déduction faite de la franchise d'un montant de 381,12 euros laissée à la charge de M. et Mme Y, est fondée à demander la condamnation de la ville de Saumur à lui verser cette somme ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise susmentionnée que la valeur vénale de l'immeuble dont M. et Mme Y étaient propriétaires doit être fixée, compte tenu tant d'une indemnité de site que de la valeur de réemploi, à la somme de 112 964,72 euros et non pas à la valeur de reconstruction affectée d'un abattement de vétusté ; que M. et Mme Y ayant perçu de leur assureur une somme de 102 445,74 euros à ce titre, justifient d'une créance d'un montant de 10 518,98 euros, correspondant à l'indemnité de réemploi telle qu'évaluée par l'expert ; qu'ils justifient, en outre, avoir gardé à leur charge une franchise d'un montant de 381,12 euros ; qu'en revanche, il résulte de ce qui précède qu'ils ont été intégralement indemnisés des pertes de loyers auxquelles ils pouvaient prétendre ; que, dans ces conditions, ils sont fondés à solliciter la condamnation de la ville de Saumur à leur verser la somme de 10 900,10 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. et Mme Y ont droit, comme ils le demandent, aux intérêts au taux légal de la somme précitée de 10 900,10 euros, à compter du 13 novembre 2006, date d'enregistrement de leur requête au greffe de la cour ;

Considérant que la SOCIETE PACIFICA a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal de la somme précitée de 105 905,75 euros, à compter du 29 mars 2002, date de délivrance par M. et Mme Y de la quittance subrogatoire ;

Sur les conclusions d'appel en garantie :

En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par la ville de Saumur :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle disposait depuis 1989 d'une étude réalisée par le cabinet d'études Cherchar qui mettait en évidence les risques d'effondrement au niveau du coteau et formulait diverses préconisations destinées à en assurer la consolidation, la ville de Saumur s'est abstenue de mettre en oeuvre lesdites préconisations ; qu'il résulte également de l'instruction que la société Léotot Géologie Environnement à qui, en 1998, une étude sur la stabilité du coteau litigieux avait été confiée dans la perspective de la réalisation d'une aire de stationnement destinée à la maison de l'artisanat n'a proposé aucune mesure de sauvegarde ; qu'en outre, si M. X, architecte des monuments historiques s'est vu confier par convention du 9 avril 1996 une étude préalable relative à la restauration des remparts, il n'a cependant pas alerté la ville sur les risques tenant à l'instabilité du support géologique de ces derniers et tenant à l'absence d'exécution des préconisations du cabinet d'étude Cherchar, se bornant à programmer à long terme l'assainissement de la plate-forme du château et à accepter un financement annuel des travaux sur une période de dix-huit ans ; qu'il sera fait une juste appréciation des responsabilités de la ville de Saumur, de M. X et de la société Léotot Géologie Environnement en les fixant, respectivement, à 50, 30 et 20 % ; qu'il y a lieu, en conséquence de condamner la société Léotot Géologie Environnement et M. X à garantir conjointement et solidairement la ville de Saumur à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Considérant, en revanche, que le bureau d'études Eeg Simecsol, devenu société Arcadis, consulté en mars 2000 pour la réalisation d'une étude géotechnique a, selon l'expert désigné, clairement identifié les problèmes présentés par le pied de la périphérie de la falaise mais n'a pu contraindre le maître de l'ouvrage, à entreprendre les travaux de sauvegarde ; qu'aucune faute ne peut ainsi lui être reprochée pas plus qu'à M. Devillier, métreur vérificateur des monuments historiques ; qu'en outre, si la ville de Saumur soutient que la responsabilité de l'Etat serait engagée du fait de l'existence d'une convention conclue avec celui-ci en octobre 1987, cette convention portait sur la réalisation d'une étude documentaire et de sondages dont l'Etat assurait le financement, la charge financière des travaux sur un monument historique appartenant à la ville incombant, en revanche, à cette dernière ; que la ville n'est pas davantage fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée faute de délimitation d'une zone à risque et d'un plan de prévention, les préjudices subis ne résultant pas de l'inaction de l'Etat ; que, dès lors, les conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société Eeg Simecsol, devenue société Arcadis, M. Devillier et l'Etat doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par M. X, la société Eeg Simecsol, devenue société Arcadis et la société Léotot Géologie Environnement :

Considérant ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, que l'Etat n'a pas concouru à la réalisation des dommages à l'origine des préjudices subis par les requérants ; que, dès lors, les conclusions de M. X, architecte des monuments historiques, qui intervenait dans le cadre de son activité libérale de maître d'oeuvre, de la société Léotot Géologie Environnement et de la société Eeg Simecsol, devenue société Arcadis tendant à ce que l'Etat les garantisse des condamnations prononcées à leur encontre ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'eu égard à la part prise par M. X dans la formation des désordres, il y a lieu de le condamner à garantir la société Léotot Géologie Environnement à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la ville de Saumur, par M. X et la société Léotot Géologie Environnement doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de condamner la ville de Saumur à verser la somme de 1 500 euros à M. et Mme Y et la même somme à la SOCIETE PACIFICA, ainsi qu'à la société Eeg Simecsol, devenue société Arcadis ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 26 juillet 2006 est annulé.

Article 2 : La ville de Saumur est condamnée à verser une somme de 10 900,10 euros (dix mille neuf cent euros et dix centimes) à M. et Mme Y, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2006 et une somme de 105 905,75 euros (cent cinq mille neuf cent cinq euros et soixante-quinze centimes) à la SOCIETE PACIFICA, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2002.

Article 3 : La société Léotot Géologie Environnement et M. X garantiront conjointement et solidairement la ville de Saumur à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre.

Article 4 : M. X garantira la société Léotot Géologie Environnement à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre.

Article 5 : Les appels en garantie dirigés contre l'Etat par M. X, la société Léotot Géologie Environnement et de la société Eeg Simecsol, devenue société Arcadis sont rejetés.

Article 6 : La ville de Saumur versera à M. et Mme Y, une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros), à la SOCIETE PACIFICA et à la société Arcadis Esg, venant aux droits de la société Eeg Simecsol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la ville de Saumur, de M. X et de la société Léotot Géologie Environnement tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions de M. et Mme Y et de la SOCIETE PACIFICA est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y, à la SOCIETE PACIFICA, à la ville de Saumur, à la société Léotot Géologie Environnement, à la société Arcadis Esg, à M. Gabor X et au ministre de la culture et de la communication.

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N° 06NT01930

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT01930
Date de la décision : 07/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : DUBREIL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-05-07;06nt01930 ?
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