La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2007 | FRANCE | N°04NT00735

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 31 octobre 2007, 04NT00735


Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2004, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE, dont le siège est 6, avenue Ile de France à Pontoise (95300), par Me Hascoët, avocat au barreau de Paris ; le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-2860 du 22 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser, d'une part, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vendée une somme principale de 5 993,39 euros, d'autre part, à M. Roland X et à Mme Claudine Y, pris en leur q

ualité d'ayants droit de Mme Jeanine X, une somme de 77 000 euros, en...

Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2004, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE, dont le siège est 6, avenue Ile de France à Pontoise (95300), par Me Hascoët, avocat au barreau de Paris ; le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-2860 du 22 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser, d'une part, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vendée une somme principale de 5 993,39 euros, d'autre part, à M. Roland X et à Mme Claudine Y, pris en leur qualité d'ayants droit de Mme Jeanine X, une somme de 77 000 euros, enfin, à M. X et à Mme Y, les sommes, respectivement, de 18 500 euros et 8 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. X, Mme et la CPAM de la Vendée devant le Tribunal administratif de Nantes ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnisation de M. X et Mme Y, en leur qualité d'ayants droit de Mme X, à la somme de 46 000 euros, et celle de M. X et Mme aux sommes, respectivement, de 5 000 euros et 3 000 euros ;

4°) de condamner la partie succombante à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 98-531 du 1er juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2007 :

- le rapport de Mme Chauvet, rapporteur ;

- les observations de Me Audoux, substituant Me Houdart, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE relève appel du jugement du 22 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à indemniser M. X et Mme Y, respectivement époux et fille de Mme X, décédée le 12 mars 1997, des suites de sa contamination par le virus de l'hépatite C, tandis que, par la voie du recours incident, M. X et Mme Y demandent à la cour de réformer ce jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, alors âgée de cinquante et un ans, a fait l'objet de deux intervention chirurgicales, à la clinique d'Orgémont à Argenteuil (Val d'Oise), pour une prothèse totale de la hanche droite le 3 mars 1982 puis de la hanche gauche le 7 octobre suivant ; qu'elle a été à nouveau hospitalisée dans cet établissement le 7 décembre 1983 pour une reprise de prothèse de la hanche droite ; qu'à l'occasion de ces interventions, elle a subi au total la transfusion de seize culots globulaires et d'un plasma frais congelé ; que ces produits sanguins ont été fournis par le centre de transfusion sanguine du Val d'Oise dont le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE était gestionnaire ; qu'au cours des mois de septembre 1987 et d'octobre 1989, Mme X a été à nouveau opérée de la hanche droite à la clinique du Val d'Olonne (Vendée) ; qu'à cette occasion, dix-neuf culots globulaires, quatre plasmas frais congelés et un flacon de sérum albumine lui ont été administrés ; que, toutefois, l'expert désigné en première instance, se fondant sur la constatation, dès le 28 janvier 1987, soit avant les interventions pratiquées à la clinique du Val d'Olonne, d'un taux de transaminases chez Mme X très au-dessus des normes admises, a estimé que la contamination de celle-ci avait déjà eu lieu avant ces interventions ; que si Mme X a subi une hystérectomie à une date non déterminée puis une intervention pour une hernie inguinale en 1954, il n'est pas établi par l'instruction qu'elle ait fait l'objet de transfusions sanguines à cette occasion ; qu'il résulte encore de l'expertise décidée par les premiers juges que si Mme X a eu des contacts réguliers avec le milieu médical en raison de maladies chroniques, l'analyse de l'histoire clinique de celle-ci conduit à écarter l'existence d'un autre mode de contamination par le virus de l'hépatite C qui lui aurait été propre compte tenu du risque de contamination transfusionnelle à la date à laquelle les transfusions ont été pratiquées ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE, la mise en évidence d'une hépatite C avec une cirrhose micro-nodulaire compliquée d'une ascite à l'occasion d'un prélèvement effectué au cours de l'année 1991 est compatible, compte tenu du délai moyen d'apparition d'une telle complication, avec une contamination par des transfusions pratiquées en 1982 ; qu'ainsi, les requérants apportent un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de la contamination de Mme X par les transfusions qu'elle a subies en 1982 et 1983, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que, faute pour le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE d'avoir pu apporter la preuve de l'innocuité des produits administrés, dès lors que l'un des donneurs n'a pu être contrôlé, le lien de causalité entre ces transfusions et la contamination de l'intéressée doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme établi ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C ;

Sur le montant du préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise susmentionnée que Mme X dont la contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée le 31 janvier 1992, est décédée le 12 mars 1997 d'une défaillance hépatique sévère survenue dans les suites d'une intervention chirurgicale justifiée par l'étranglement d'une hernie inguinale elle-même attribuée à l'ascite dont a été compliquée la cirrhose mise en évidence lors du diagnostic de l'hépatite C ; qu'eu égard aux souffrances tant physiques que morales et des troubles dans ses conditions d'existence du fait de la complication de la cirrhose, de la dégradation de son état de santé, des perspectives laissées par l'évolution de la maladie et des conséquences de sa contamination sur sa vie familiale, le Tribunal administratif de Nantes a fait une juste appréciation, des circonstances de l'espèce, en évaluant à la somme de 77 000 euros les préjudices subis par Mme X ; qu'il s'ensuit que tant les conclusions de M. X et de Mme Y tendant à la majoration de l'indemnité ainsi allouée que les conclusions du CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE tendant à sa minoration ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en second lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du délai écoulé entre le diagnostic de la cirrhose en 1991 et le décès de Mme X, le centre hospitalier est fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une évaluation excessive du préjudice causé à M. X, né en 1925, par l'état de son épouse jusqu'à son décès ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à la somme de 15 000 euros l'indemnité due par le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE en réparation de ce préjudice ; qu'en revanche, le tribunal n'a pas fait une évaluation excessive du préjudice moral de Mme Y, causé par l'état de sa mère, en le fixant à la somme de 8 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE est seulement fondé à demander que l'indemnité accordée à M. X au titre de son préjudice moral soit ramenée à 15 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X et Mme Y, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser au CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE à verser à M. X et à Mme Y une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de condamner le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE à verser la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers la somme qu'elle demande à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 18 500 euros (dix-huit mille cinq cents euros) que le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE a été condamné à verser par jugement du 22 avril 2004 du Tribunal administratif de Nantes à M. X est ramenée à 15 000 euros (quinze mille euros).

Article 2 : L'article 6 du jugement du 22 avril 2004 du Tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE et les recours incidents de M. X et de Mme Y, ainsi que de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée sont rejetés.

Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE versera à M. X et Mme Y une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER RENE DUBOS DE PONTOISE, à M. Roland X, à Mme Claudine Y, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

1

N° 04NT00735

2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 04NT00735
Date de la décision : 31/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : MALECOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-10-31;04nt00735 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award