Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2006, présentée pour la SOCIETE MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT), dont le siège est 66, rue de Sotteville à Rouen (76030), représentée par ses représentants légaux, par Me Thouroude, avocat au barreau de Caen ; la MATMUT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1702 du 9 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui verser une somme de 112 521 euros en remboursement des indemnités qu'elle a versées à Mme Annie X qui a été victime d'un accident de la circulation le 5 octobre 1991 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui verser une somme de 112 251 euros en remboursement des indemnités versées ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2007 :
- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;
- les observations de Me Demailly, substituant Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Saint-Brieuc ;
- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X a été victime d'un accident de la circulation le 5 octobre 1991 et a été hospitalisée au centre hospitalier de Saint-Brieuc ; que la SOCIETE MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT), assureur du conducteur qui a causé l'accident, qui a indemnisé Mme X et deux autres membres de sa famille, a estimé qu'une part des séquelles subies par la victime était liée à l'insuffisance des diagnostics et des soins dispensés à Mme X par le centre hospitalier de Saint-Brieuc ; que la MATMUT, subrogée dans les droits de la victime, a demandé au Tribunal administratif de Rennes la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc à lui rembourser ses débours ; que, par jugement du 9 février 2006, le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif que la créance dont elle se prévalait à l'égard du centre hospitalier de Saint-Brieuc était atteinte par la prescription quadriennale ; que la MATMUT relève appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (…) ; que l'article 3 de cette loi dispose : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui ne peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de l'article 98 de la loi susvisée du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ; qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 101 de la même loi : Les dispositions de la section 6 du chapitre 11 du titre IV du livre 1er de la première partie du même code sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique que le législateur a entendu instituer une prescription décennale se substituant à la prescription quadriennale instaurée par la loi du 31 décembre 1968 pour ce qui est des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale ; qu'il s'ensuit que ces créances sont prescrites à l'issue d'un délai de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage ; qu'en prévoyant, par l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, que les dispositions nouvelles de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique relatives à la prescription décennale en matière de responsabilité médicale sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi et qui n'avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait été engagée, à une décision irrévocable ; que l'article 101 de cette loi n'a cependant pas eu pour effet, en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;
Considérant qu'il est constant que les blessures de Mme X ont été considérées par le pré-rapport déposé par l'expert comme consolidées au 23 octobre 1994 ; qu'il n'est pas contesté par la MATMUT que le rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Rennes à la demande de la victime a été communiqué à cette dernière le 17 avril 1997 ; qu'au 1er janvier 1998, Mme X avait ainsi connaissance de l'existence et du montant de la créance qu'elle détenait à l'égard du centre hospitalier de Saint-Brieuc ; que la prescription quadriennale instituée par les dispositions précitées a commencé à courir à compter de cette dernière date ;
Considérant que le pré-rapport remis par l'expert doit être regardé, en l'espèce, comme suffisamment complet pour informer Mme X de l'existence et de l'étendue de sa créance ; que la circonstance que le rapport définitif annoncé par l'expert n'ait pas été déposé ne saurait être constitutive d'une cause d'interruption du délai de la prescription quadriennale ;
Considérant que la procédure judiciaire ayant abouti au jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Brieuc du 26 avril 1999 statuant sur intérêts civils, réformé partiellement par arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 14 avril 2000 ne mettait en cause que, d'une part, l'auteur de l'accident, d'autre part, la victime et des membres de sa famille ; qu'elle n'était dirigée ni directement, ni expressément contre le centre hospitalier de Saint-Brieuc ou son personnel médical ou soignant ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la MATMUT, cette procédure n'était pas davantage susceptible d'interrompre le délai de prescription de sa créance à l'encontre de cet établissement hospitalier ;
Considérant que la lettre en date du 29 juin 1998 adressée par la MATMUT au centre hospitalier de Saint-Brieuc ne constituait pas une réclamation indemnitaire préalable de nature à interrompre le délai de la prescription quadriennale ;
Considérant que, compte tenu des éléments qui précèdent, le centre hospitalier de Saint-Brieuc pouvait valablement opposer la prescription quadriennale à la créance que prétendait détenir la MATMUT à son encontre à compter du 1er janvier 2002 ; qu'à la date du 11 juin 2002 à laquelle la MATMUT a demandé au centre hospitalier le remboursement de ses débours, le délai de prescription était expiré ; que, dès lors, le Tribunal administratif de Rennes a fait une exacte application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 en vigueur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MATMUT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Brieuc ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier de Saint-Brieuc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la MATMUT la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MATMUT est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la MATMUT, au centre hospitalier de Saint-Brieuc, à la CPAM des Côtes-d'Armor et au ministre de la santé et des solidarités.
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N° 06NT00747
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