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29/06/2006 | FRANCE | N°05NT01607

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 juin 2006, 05NT01607


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2005, présentée pour Mme Maria Y, demeurant ..., par Me Baron ; Mme Maria Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1641 du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 14 mars 2003 autorisant son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.76

1-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2005, présentée pour Mme Maria Y, demeurant ..., par Me Baron ; Mme Maria Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1641 du 7 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 14 mars 2003 autorisant son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :

- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;

- les observations de Me Descamps, avocat de la société Haworth France ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.425-1 et L.436-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

Considérant que, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France, ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

Considérant que, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail de la Vendée en date du 29 octobre 2002 refusant d'accorder à la société Haworth France l'autorisation de licencier, pour motif économique, Mme Y, déléguée du personnel, et pour autoriser le licenciement de celle-ci, le ministre de l'emploi et de la solidarité s'est fondé sur la dégradation générale de la situation du groupe auquel appartient cette société, sur les pourcentages de diminution de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis et en Europe et de la baisse des commandes passées en France ; que compte tenu de ce que les chiffres d'affaires en Amérique et en Europe représentent 90,56 % du chiffre d'affaires mondial du groupe, le ministre de l'emploi et de la solidarité a suffisamment motivé sa décision en date du 14 mars 2003 même s'il s'est abstenu de faire référence à l'activité des autres sociétés du groupe dans les autres continents ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise comptable réalisé à la demande du comité d'entreprise, que, depuis 1995, la société Haworth France est largement déficitaire ; que la baisse de l'activité mondiale du groupe, en chiffre d'affaires, était de 19 % entre 2000 et 2001, et de 22 % entre 2001 et 2002, avec une baisse de 22 % pour les sociétés situées aux Etats-Unis et de 18 % pour les sociétés situées en Europe ; qu'en admettant même que la société Haworth France ait donné sur sa situation financière et sur celle du groupe auquel elle appartient des informations incomplètes en ne faisant pas mention, dans sa demande d'autorisation de licenciement, des résultats des exercices comptables de 2000-2001 et des années suivantes, il demeure que l'ensemble des résultats financiers étaient très déficitaires et que, à la date de la décision ministérielle attaquée, la situation économique d'ensemble du groupe Haworth et celle de la société Haworth France, sa filiale française, s'étaient nettement dégradées ; que cette dernière apporte ainsi la preuve que la fermeture du site de production de Tours, prévue pour réduire les charges financières et rationaliser la production en le transférant vers le siège social en Vendée, était le seul moyen pour sauvegarder sa compétitivité ; que, dès lors, c'est à bon droit que le ministre de l'emploi et de la solidarité a accordé l'autorisation de licenciement de Mme Y ;

Considérant que, pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté, à sa demande, leur intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de ce que Mme Y n'a pas fait part de son intérêt pour un reclassement à l'étranger, la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité qui a jugé sérieuse l'offre de reclassement adressée à Mme Y sur le site du siège social, devenu la seule unité de production encore en activité en France, n'est pas intervenue en méconnaissance des principes de reclassement qui viennent d'être rappelés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 juillet 2005, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 14 mars 2003 autorisant son licenciement pour motif économique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme Y la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Y est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Maria Y, à la société Haworth France et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

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N° 05NT01607

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01607
Date de la décision : 29/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CADENAT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : BARON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-06-29;05nt01607 ?
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