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18/05/2006 | FRANCE | N°05NT01422

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 18 mai 2006, 05NT01422


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2005, présentée pour Mlle Esmanur X, demeurant ..., par Me Labrusse ; Mlle Esmanur X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 05-332 et 05-333 du 7 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 20 septembre 2004 par laquelle le proviseur du lycée ... l'a exclue des cours de la classe de seconde et, d'autre part, de la décision en date du 6 décembre 2004 par laquelle le recteur de l'académie de Caen l'a exclue définitivement du lycée ;<

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2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisions ;

3°) d'en...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2005, présentée pour Mlle Esmanur X, demeurant ..., par Me Labrusse ; Mlle Esmanur X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 05-332 et 05-333 du 7 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 20 septembre 2004 par laquelle le proviseur du lycée ... l'a exclue des cours de la classe de seconde et, d'autre part, de la décision en date du 6 décembre 2004 par laquelle le recteur de l'académie de Caen l'a exclue définitivement du lycée ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sa réintégration dans le lycée ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en déniant le caractère de sanction à la décision du proviseur du lycée ... en date du 20 septembre 2004 excluant des cours Mlle Esmanur X tout en l'autorisant à travailler au centre de documentation de l'établissement, le recteur de l'académie de Caen a implicitement mais nécessairement invoqué, en première instance, les dispositions du décret du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement ; que, par suite, contrairement à ce qu'allègue la requérante, le Tribunal administratif n'a pas, en s'appuyant sur les dispositions dudit décret pour qualifier cette décision de mesure d'ordre, relevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, ni méconnu le principe du contradictoire ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur la légalité des décisions attaquées ;

En ce qui concerne la décision du proviseur du lycée ... du 20 septembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.141-5-1 du code de l'éducation : Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ; qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 30 août 1985 : …2° En qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, le chef d'établissement : …d) Est responsable de l'ordre dans l'établissement. Il veille au respect des droits et des devoirs de tous les membres de la communauté scolaire et assure l'application du règlement intérieur… ;

Considérant que Mlle X était inscrite en classe de seconde au lycée ... ; qu'elle s'est présentée dans l'établissement, le 2 septembre 2004, jour de la rentrée scolaire, en portant un voile couvrant sa chevelure ; qu'à compter du 20 septembre 2004, le proviseur du lycée lui a refusé l'accès aux cours correspondant à sa classe, l'a autorisée à travailler au centre de documentation de l'établissement et a prescrit un suivi pédagogique avec une aide personnalisée, une mise à disposition d'assistants d'éducation, l'usage d'un appareil informatique et la transmission de documents pédagogiques ;

Considérant que la décision ainsi prise par le proviseur de refuser l'accès aux cours de Mlle X et d'organiser au sein de l'établissement son suivi pédagogique doit être regardée comme une mesure conservatoire tendant à concilier l'interdiction du port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, qui s'applique dès le jour de la rentrée scolaire 2004-2005, et, d'autre part, l'obligation de mettre en oeuvre la procédure de dialogue prévue par les dispositions précitées de l'article L.141-5-1 du code de l'éducation ; que, compte tenu de la nature de cette décision, tous les moyens invoqués par Mlle X et relatifs à la procédure disciplinaire et à l'erreur manifeste d'appréciation relative à la gravité de la prétendue sanction infligée à Mlle X sont inopérants ;

Considérant que la mesure contestée étant une mesure d'application de dispositions législatives et non du règlement intérieur du lycée qui impose à chaque élève de garder la tête nue, Mlle X ne peut pas utilement invoquer l'illégalité de cette dernière disposition à l'encontre de la décision attaquée ;

Considérant qu'en application des dispositions précitées du décret du 30 août 1985, la décision attaquée relevait de la compétence du proviseur du lycée ;

Considérant que Mlle X a bénéficié les 3 et 9 septembre 2004 de la procédure de dialogue préalable prévue par les dispositions de l'article L.141-5-1 du code de l'éducation ; que le moyen tiré de l'absence de dialogue manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en annulation de la décision l'excluant des cours ;

En ce qui concerne la décision du recteur de l'académie de Caen en date du 6 décembre 2004 :

Considérant que, compte tenu de l'absence de caractère disciplinaire de l'exclusion des cours de Mlle X par la décision susvisée du 20 septembre 2004, celle-ci ne saurait invoquer la circonstance qu'ayant fait l'objet d'une exclusion définitive de l'établissement scolaire, l'administration a infligé deux sanctions disciplinaires à raison des mêmes faits ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été précédemment dit, Mlle X s'est présentée lors de la rentrée scolaire 2004 au lycée ... avec une jupe et une tunique longues, de couleur sombre, et un voile couvrant sa chevelure ; que cette tenue ne peut être qualifiée de signe discret ; qu'en la portant dans une enceinte scolaire, l'intéressée a manifesté ostensiblement son appartenance à la religion musulmane, alors même que son intention n'aurait pas été d'extérioriser sa foi ; qu'elle a ainsi adopté une attitude contraire aux dispositions législatives précitées ; qu'à elle seule cette violation de l'interdiction légale, jointe au refus réitéré d'y renoncer, rendait son auteur passible d'une sanction disciplinaire, même si elle ne s'accompagnait d'aucun acte de prosélytisme ; qu'il suit de là qu'en confirmant la sanction disciplinaire contestée, le recteur de l'académie de Caen a légalement tiré les conséquences de la violation par Mlle X des dispositions de l'article L.141-5-1 du code de l'éducation ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de la qualification juridique des faits reprochés à Mlle X doit être écarté comme non fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2004 par laquelle le recteur de l'académie de Caen a confirmé la décision de son exclusion définitive du lycée ..., prononcée le 20 octobre 2004 par le conseil de discipline du lycée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mlle X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de Mlle X tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'administration de la réintégrer dans son lycée, sur le fondement des dispositions de l'article L.911-1 du code de justice administrative, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mlle X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 05NT01422

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01422
Date de la décision : 18/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CADENAT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-05-18;05nt01422 ?
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