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02/12/2005 | FRANCE | N°03NT01509

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 02 décembre 2005, 03NT01509


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 10 septembre et 8 décembre 2003, présentés pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest, dont le siège est Hôpital Augustin Morvan à Brest Cedex (29609), représenté par son directeur général en exercice, par Me Le Prado ; Le CHU de Brest demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-4428 du 2 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme Yvette X une somme de 85 364,75 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgic

ale oculaire qu'elle y a subie les 23 avril et 8 juin 1993 ;

2°) de rejet...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 10 septembre et 8 décembre 2003, présentés pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest, dont le siège est Hôpital Augustin Morvan à Brest Cedex (29609), représenté par son directeur général en exercice, par Me Le Prado ; Le CHU de Brest demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-4428 du 2 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme Yvette X une somme de 85 364,75 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale oculaire qu'elle y a subie les 23 avril et 8 juin 1993 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2005 :

- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;

- les observations de Me Lavolé, avocat de Mme X ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, gênée depuis son enfance par une forte myopie, a, en suivant les conseils de son médecin ophtalmologiste, subi deux interventions de cataracte, la première à l'oeil gauche le 23 avril 1993 et la seconde à l'oeil droit le 8 juin 1993, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest ; qu'à la suite de cette double intervention, Mme X, qui se plaint d'une vision floue et d'un champ de vision rétréci, et dont l'incapacité permanente partielle a été évaluée à 7 %, a recherché la responsabilité du CHU de Brest ; que le Tribunal administratif de Rennes, pour engager la responsabilité du CHU de Brest, a retenu deux fautes médicales, d'une part, pour ne pas avoir préalablement diagnostiqué un glaucome, d'autre part, pour avoir commis une erreur de calcul de biométrie ayant entraîné une hypermétropie ; que, par son jugement du 2 juillet 2003, le Tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Brest à verser à Mme X une somme de 85 364,75 euros en réparation du préjudice ; que le CHU de Brest, qui conteste sa responsabilité, fait appel de ce jugement tandis que, d'une part, Mme X, par recours incident, estimant cette somme insuffisante, demande à la Cour la réformation du jugement, d'autre part, la mutualité sociale agricole des Côtes-d'Armor demande le remboursement de ses débours ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes que la pression oculaire de Mme X avant la double opération de cataracte en 1993 était de 18 millimètres de mercure ; que même si l'atteinte neuro-sensorielle aurait pu faire croire, selon le rapport d'expertise du docteur Y, médecin conseil de la Sham, assureur du CHU de Brest, à la présence d'un glaucome depuis 1989, cette mesure était inférieure au seuil de 21 millimètres, généralement admis par la littérature médicale pour confirmer la présence du glaucome à angle ouvert ou large ou chronique dont souffrait Mme X ; que, dans ces conditions, le diagnostic de ce glaucome était difficile ; que, d'ailleurs, ni le praticien libéral à Lannion, ni celui du CHU de Brest, ni les praticiens ophtalmologistes à Nantes et Guingamp n'ont pu diagnostiquer, ni traiter ce glaucome ; que, compte tenu de la difficulté de diagnostic, Mme X ne saurait reprocher au CHU de Brest de ne pas avoir procédé, avant de subir les opérations de cataracte, à un examen gonioscopique et à un examen de son champ visuel et de la papille ;

Considérant, d'autre part, que si l'expert médical désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a constaté que les services du CHU de Brest ont commis une erreur de calcul de biométrie entraînant une hypermétropie, l'expert médical mandaté par la compagnie d'assurances Groupama, assureur de Mme X, a conclu à une faute mineure lorsqu'elle survient dans le cadre d'une double intervention de cataracte chez un myope ; que même si les erreurs de biométrie, au demeurant rares selon la littérature médicale, sont mal supportées chez les sujets atteints d'une forte myopie, selon le docteur LE MEUR, praticien ophtalmologiste, et si Mme X se plaint d'un rétrécissement de son champ de vision, l'hypermétropie légère que présente l'intéressée et qui résulte d'une telle erreur de biométrie apparaît comme une complication, non fautive, de l'intervention ;

Considérant que, dès lors, c'est par une mauvaise appréciation des circonstances de l'espèce que le Tribunal administratif de Rennes a retenu le défaut de diagnostic du glaucome et l'erreur de calcul de biométrie comme des fautes médicales pour engager la responsabilité du CHU de Brest ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour condamner le CHU de Brest, sur de telles erreurs ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant que Mme X fait valoir qu'elle a été victime d'un défaut d'information sur les risques encourus ; que, selon les rapports des experts versés au dossier, le CHU de Brest aurait dû attirer l'attention de Mme X sur les conséquences de la double opération de cataracte, notamment, la limitation de son champ visuel à gauche et les modifications de la perception de l'espace et de son champ visuel ; que, toutefois, ces limitations et modifications résultaient non de la double intervention chirurgicale mais de son état antérieur ; que si l'information sur cet état lui avait été donnée par le CHU de Brest, Mme X n'aurait pas, en tout état de cause, renoncé à subir des opérations de cataracte qui avaient pour objet d'améliorer son acuité visuelle ; que ce type d'opération était, selon tous les experts, absolument nécessaire pour éviter la cécité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CHU de Brest est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes l'a condamné à indemniser à Mme X en réparation des conséquences de deux interventions de cataracte subies en 1993 ; qu'en revanche, ni Mme X, par recours incident, ni la mutualité sociale agricole des Côtes-d'Armor ne sont fondées à demander, respectivement, la réformation du jugement et le remboursement de ses débours ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais des expertises ordonnées tant par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes que par un jugement avant dire droit de ce Tribunal sont mis à la charge de Mme X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CHU de Brest, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 2 juillet 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes, ses conclusions devant la Cour et les conclusions de la mutualité sociale agricole des Côtes- d'Armor devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge de Mme X.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Brest, à Mme Yvette X, à la mutualité sociale agricole des Côtes-d'Armor, à l'association des assureurs Aaexa et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 03NT01509

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT01509
Date de la décision : 02/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-12-02;03nt01509 ?
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