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27/05/2004 | FRANCE | N°02NT01100

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 27 mai 2004, 02NT01100


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 juillet 2002, présentée pour l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire (A.M.U.E.L.), dont le siège est 3, rue des Naïades, 44210 Pornic, représentée par son président en exercice, par Me André SALAÜN, avocat au barreau de Nantes ;

L'association demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-3543 du 23 mai 2002 du Tribunal administratif de Nantes en ce que, par son article 6, ce jugement l'a condamnée à garantir le centre hospitalier général (C.H.G.) de Saint-Nazaire, d'une part, de

s condamnations à verser des indemnités à Mme Myriam X, en son nom propre et e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 juillet 2002, présentée pour l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire (A.M.U.E.L.), dont le siège est 3, rue des Naïades, 44210 Pornic, représentée par son président en exercice, par Me André SALAÜN, avocat au barreau de Nantes ;

L'association demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-3543 du 23 mai 2002 du Tribunal administratif de Nantes en ce que, par son article 6, ce jugement l'a condamnée à garantir le centre hospitalier général (C.H.G.) de Saint-Nazaire, d'une part, des condamnations à verser des indemnités à Mme Myriam X, en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, à M. Damien X, M. Jordan X, Mlle Amanda X, M. Roger X, Mme Mélanie X, Mme Elyane Y, Mme Mireille X, M. Francis X, Mme Sylviane Z, Mme Fabienne X, M. Fabrice X et à Mme Christiane A, en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. Alain X, ainsi que de sa condamnation à verser aux mêmes une somme

C

de 760 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, de sa condamnation à verser une somme de 2 597,71 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie formées à son encontre par le C.H.G. de Saint-Nazaire devant le Tribunal administratif de Nantes ;

3°) de condamner le C.H.G. de Saint-Nazaire à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 modifiée, notamment, par la loi n° 86-11 du 6 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 ;

Vu le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2004 :

- le rapport de M. MARGUERON, président,

- les observations de Me DORA, substituant Me SALAÜN, avocat de l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire,

- les observations de Me LIMOUZIN, avocat des consorts X,

- les observations de Me de LESPINAY, substituant Me BASCOULERGUE, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire,

- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Sur la requête de l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1970, susvisée, applicable en l'espèce, dans sa rédaction issue de la loi n° 86-11 du 6 janvier 1986, les établissements d'hospitalisation publics comportent : e) Eventuellement, des unités participant au service d'aide médicale urgente appelées S.A.M.U., dont les missions et l'organisation sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces unités comportent un centre de réception et de régulation des appels. Le fonctionnement de ces centres est assuré avec les praticiens représentés dans les instances départementales des organisations représentatives nationales, ou les organisations ou associations représentatives au plan départemental, dans la mesure où elles en font la demande, et conformément à des conventions approuvées par le représentant de l'Etat dans le département... ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 16 décembre 1987 susvisé, relatif aux missions et à l'organisation des S.A.M.U : Les centres de réception et de régulation des appels permettent, grâce notamment au numéro d'appel unique dont ils sont dotés, de garantir en permanence l'accès immédiat de la population aux soins d'urgence et la participation des médecins d'exercice libéral au dispositif d'aide médicale urgente. La participation de ceux-ci, comme celle des autres intervenants, au dispositif d'aide médicale urgente, est déterminée par convention ; qu'aux termes de l'article 13 du même décret : La convention détermine notamment : - le plan de financement détaillé du centre de réception et de régulation des appels médicaux ; - les moyens apportés respectivement par chacune des parties contractantes ; - les modalités selon lesquelles la réception et la régulation des appels sont organisées conjointement ; - les modalités de gestion du centre de réception et de régulation des appels médicaux ; - la durée, les modalités de dénonciation, de révision et de reconduction de l'accord ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, une convention relative à l'organisation et au fonctionnement du centre de réception et de régulation des appels de l'estuaire de la Loire a été signée le 16 mai 1989 entre le centre hospitalier général de Saint-Nazaire et le collège des médecins libéraux de l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, laquelle a pour objet statutaire de développer la collaboration en matière d'urgences médicales entre médecins libéraux et médecins du secteur public, ainsi que la confédération des syndicats médicaux français de la région nazairienne ; qu'en vertu de cette convention, les appels reçus au 15 par le permanencier, affecté par le centre hospitalier, sont transmis soit au médecin-régulateur d'exercice libéral affecté selon un tableau de garde établi par l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, pour ceux émanant de particuliers, soit au médecin-régulateur affecté par le centre hospitalier, pour ceux émanant des médecins, sapeurs-pompiers, ambulanciers ou services de police et de gendarmerie ; qu'à cette fin, le centre hospitalier général de Saint-Nazaire met à disposition ses moyens de communication avec les services de secours, de police et de gendarmerie, ainsi que les locaux et le mobilier, l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire fournissant, notamment, au médecin-régulateur affecté par elle les équipements téléphoniques et radio-téléphoniques nécessaires à son activité de régulation ;

Considérant que, le 30 décembre 1996, à 1 heure 02, le docteur B, médecin d'exercice libéral qui, dans le cadre de cette convention, exerçait les fonctions de médecin-régulateur de permanence au centre de réception et de régulation des appels du centre hospitalier général de Saint-Nazaire, a reçu un appel de Mme X dont le mari, âgé de cinquante-deux ans, après une longue et vive altercation qui les avait opposés à des clients de l'hôtel dont il étaient gérants à Trignac, était victime d'un malaise accompagné de douleurs dans la poitrine et les bras ; que ce n'est qu'à la suite d'un nouvel appel, à 1 heure 14, émanant des gendarmes présents sur les lieux, qu'elle a décidé, à 1 heure 16, de déclencher l'intervention du S.A.M.U., dont l'équipe médicale, arrivée sur place quatorze minutes plus tard, n'a pu empêcher le décès de M. Alain X d'un infarctus du myocarde ; que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nantes condamne le centre hospitalier général de Saint-Nazaire à indemniser les consorts X, ayants-droit de la victime, des conséquences dommageables du décès de celui-ci, à raison d'une faute personnelle, non détachable du service public administratif, relevant de la mission de l'établisse-ment, constitué par le centre de réception et de régulation des appels, commise par le docteur B, mais condamne aussi l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, dont il estime que ce dernier était le préposé, à garantir le centre hospitalier de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ; que l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire forme appel de ce jugement dans cette dernière mesure ;

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que les dispositions ci-dessus rappelées de la loi du 31 décembre 1970 et du décret du 16 décembre 1987 ont rendu obligatoire la conclusion de conventions entre les établissements d'hospitalisation publics et les médecins d'exercice libéral pour déterminer les modalités de la participation de ces derniers au fonctionnement des centres de réception et de régulation des appels que comportent les services d'aide médicale urgente, préciser les stipulations que ces conventions doivent nécessairement contenir et prescrit leur approbation par le représentant de l'Etat dans le département ; que de telles conventions, ainsi soumises à un régime exorbitant du droit commun et qui définissent les conditions dans lesquelles les médecins d'exercice libéral volontaires pour ce faire sont associés à l'organisation et au fonctionnement du service de l'aide médicale urgente, qui est au nombre des missions des établissements publics d'hospitalisation, présentent le caractère de contrats administratifs ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle par le centre hospitalier général de Saint-Nazaire et fondées sur les stipulations de la convention du 16 mai 1989 ;

Au fond :

Considérant, d'une part, que ladite convention, qui a été signée et approuvée par le préfet de la Loire-Atlantique, renferme des stipulations dont il n'est aucunement établi qu'elles seraient contraires aux prescriptions du décret du 16 décembre 1987 ou bien, d'une façon générale, méconnaîtraient les objectifs poursuivis par les dispositions de ce texte et de la loi du 31 décembre 1970 ou, au regard de celui de ces objectifs tenant à la participation des médecins d'exercice libéral au dispositif d'aide médicale urgente, constitueraient une délégation illégale de service public ; qu'elle garantit, conformément aux dispositions du décret du 28 juin 1979 susvisé, portant code de déontologie médicale, l'indé-pendance de ces médecins libéraux dans leur activité de médecin-régulateur du centre de réception et de régulation des appels ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des stipulations du chapitre V de cette même convention, conformément sur ce point aussi aux dispositions du code de déontologie médicale, que le centre hospitalier général de Saint-Nazaire et le collège des médecins libéraux de l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire assument, chacun pour ce qui le concerne, alors même que le docteur B ne pouvait être regardé comme ayant agi en qualité de préposé de l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal administratif de Nantes, la responsabilité des actes et des décisions des personnels qu'ils mettent à la disposition du centre de réception et de régulation des appels, contractant chacun à cet effet une assurance responsabilité civile dans le cadre de leurs activités respectives ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale ordonnée au pénal, ainsi que de la retranscription des échanges téléphoniques entre le centre de réception et de régulation des appels d'urgence et l'hôtel géré par M. et Mme X, que ce n'est qu'au maximum qu'à 1 heure 17 que la situation hémodynamique présentée par M. X pouvait présenter des potentialités de réversibilité ; que, compte tenu du délai, qui a été en l'occurrence de dix-huit minutes, nécessaire à l'intervention sur place du S.A.M.U. à partir du moment où ce service était prévenu du cas dont il devait assurer la prise en charge, celle-ci, alors même que le docteur B aurait déclenché l'intervention du S.A.M.U. comme elle aurait dû le faire dès le premier appel de Mme X au vu des symptômes décris par cette dernière, ne pouvait être que tardive au regard de l'évolution de l'infarctus du myocarde dont était victime M. X ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'existence d'un lien de causalité entre une faute imputable au docteur B et la perte d'une chance de M. X de survivre à son accident cardiaque n'est pas établie ;

Considérant qu'il suit de ce qui vient d'être dit que la responsabilité du centre hospitalier général de Saint-Nazaire ne pouvait être engagée à l'égard des consorts X à raison du décès de M. Alain X ; que l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire est fondée, par la voie de son appel principal, à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes, après avoir admis l'existence de ce lien de causalité et condamné le centre hospitalier général de Saint-Nazaire à réparer les préjudices subis par les consorts X, l'a elle-même condamnée, par l'article 6 du jugement attaqué, sur le fondement de la convention du 16 mai 1989, à garantir entièrement l'établissement des condamnations prononcées à son encontre ;

Considérant que le centre hospitalier général de Saint-Nazaire, dont la situation se trouve ainsi aggravée, est recevable et fondé à demander, par la voie de son appel provoqué et en se prévalant de la même absence d'un lien de causalité entre une faute imputable au docteur B et la perte d'une chance de M. X de survivre à son accident cardiaque, l'annulation du même jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions des consorts X et de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire dirigées à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, qui n'a pas dirigé de conclusions contre les consorts X et n'est pas ainsi partie perdante à leur égard dans la présente instance, soit condamnée à leur verser la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'elles font également obstacle à ce que l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, qui n'est pas la partie perdante à l'égard du centre hospitalier général de Saint-Nazaire, soit condamnée à verser à celui-ci la somme qu'il demande au même titre ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner tant le centre hospitalier général de Saint-Nazaire que la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire à verser à l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire une somme de 1 000 euros au même titre ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans ces mêmes circonstances, de condamner les consorts X à verser une somme au centre hospitalier général de Saint-Nazaire ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2, 3, 4, 6 et 7 du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2002 sont annulés.

Article 2 : La demande des consorts X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire sont rejetées.

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge des consorts X.

Article 4 : Le centre hospitalier général de Saint-Nazaire et la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire verseront, chacun, une somme de 1 000 euros (mille euros) à l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions des consorts X tendant à la condamnation de l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ensemble les conclusions du centre hospitalier général de Saint-Nazaire au même titre sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de médecine d'urgence de l'estuaire de la Loire, au centre hospitalier général de Saint-Nazaire, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire, à Mme Myriam X, à M. Damien X, à M. Jordan X, à Mlle Amanda X, à M. Roger X, à Mme Mélanie X, à Mme Elyane Y, à Mme Mireille X, à M. Francis X, à Mme Sylviane Z, à Mme Fabienne X, à M. Fabrice X, à Mme Christiane A et au ministre de la santé et de la protection sociale.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02NT01100
Date de la décision : 27/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Yves MARGUERON
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : SALAÜN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-05-27;02nt01100 ?
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