Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 novembre 2001, présentée pour M. Yvon X, demeurant ..., par Me GRAIC, avocat au barreau de Guingamp ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-421 du 29 août 2001 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 355 000 F avec intérêts au taux légal à compter du mois de juin 1994 en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'escroquerie commise à son détriment par un agent du Trésor public ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme, en le subrogeant dans ses droits à l'encontre de cet agent ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
C
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2004 :
- le rapport de M. GEFFRAY, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour escroquerie, M. Y, alors fonctionnaire du Trésor public, a été condamné, d'une part, par arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 17 juillet 1998, à deux ans d'emprisonnement avec sursis et, d'autre part, par jugement du Tribunal correctionnel de Brest du 1er juillet 1997 à rembourser à M. X la somme de 355 000 F que celui-ci lui avait confiée ; que n'ayant pu obtenir le paiement de cette indemnité mise à la charge de M. Y, qui était insolvable, M. X s'est retourné contre l'Etat en demandant le paiement de cette indemnité ; que le trésorier-payeur général du Finistère a conservé le silence ; que les conclusions indemnitaires de M. X ont été rejetées par jugement du Tribunal administratif de Rennes du 29 août 2001 ; que M. X fait appel de ce jugement ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, dans le cas où un agent public qui a été condamné par la juridiction judiciaire à payer une indemnité à une victime n'aurait pu, pour cause d'insolvabilité, payer les dommages et intérêts compris dans la condamnation, la victime puisse se retourner contre la personne publique à laquelle était rattaché cet agent public pour la déclarer responsable du paiement de l'indemnité, sauf à elle à exercer, comme subrogée aux droits de la victime, un recours contre son agent ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de M. X comme irrecevable en se fondant sur la circonstance que, M. Y ayant été condamné à lui verser une somme de 355 000 F à titre de dommages et intérêts, il avait obtenu satisfaction devant le juge judiciaire ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 29 août 2001 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y, en poste dans la trésorerie générale de l'Oise du 12 février 1993 au 30 juin 1994 puis dans celle de la Sarthe à compter du 1er juillet 1994, par l'effet d'une mutation d'office prononcée en raison de malversations commises dans ses précédentes fonctions, a proposé à M. X, qu'il avait connu comme client de la perception de Questembert, le suivi de son portefeuille de valeurs mobilières ; que pour l'achat d'actions, M. X a émis plusieurs chèques à l'ordre de M. Y entre les 15 août 1993 et 6 juillet 1994 pour un montant global de 355 000 F ; que si les fonctions de chef de division dans lesquelles l'administration avait cru pouvoir maintenir M. Y dans sa nouvelle affectation malgré des agisse-ments comparables antérieurs ne comportaient aucune attribution en matière de placements financiers, l'intéressé a pu faire état auprès de M. X de sa qualité de fonctionnaire du Trésor public, celle-là même dans laquelle il était entré en relation avec lui à Questembert ; que, dans ces conditions, alors même que les sommes versées par le requérant n'ont à aucun moment été portées sur des comptes du Trésor public, la faute personnelle commise au détriment de M. X par M. Y n'a pu être rendue possible que par un comportement fautif des supérieurs de l'agent ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne saurait soutenir qu'en raison de la mutation de M. Y de Brest dans l'Oise, les relations entre celui-ci et M. X seraient devenues personnelles et les fautes commises par M. Y seraient dépourvues de tout lien avec le service ; que la responsabilité de l'Etat est, dès lors, engagée à l'égard de M. X ;
Considérant, toutefois, que les versements effectués par M. X l'ont été par des chèques libellés au nom de M. Y, et non à l'ordre du Trésor public ; qu'ils l'ont été, en outre, contre remise de plusieurs chèques de garantie, dont la teneur s'apparentait à celle d'une reconnaissance de dette, pour le versement ultérieur de 355 000 F ; qu'en confiant ainsi des fonds à M. Y dans des conditions qui ne pouvaient que faire douter de la régularité des opérations en cause, M. X a commis une imprudence de nature a atténuer à concurrence de 50 % la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 27 059,70 euros, sous réserve de la subrogation de l'Etat dans ses droits à l'encontre de M. Y ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 27 059,70 euros à compter du 25 août 1998, date de réception de sa réclamation préalable ;
Considérant que M. X a demandé, par un mémoire enregistré le 15 mai 2002, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle, en tout état de cause, à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'Etat la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 29 août 2001 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Yvon X une indemnité de 27 059,70 euros (vingt-sept mille cinquante-neuf euros et soixante-dix centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 25 août 1998, les intérêts échus le 15 mai 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, à charge pour M. Yvon X de le subroger dans tous les droits qu'il possède contre M. Y.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Yvon X est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. Yvon X une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'Etat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yvon X et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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