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21/11/2003 | FRANCE | N°02NT01318

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 novembre 2003, 02NT01318


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 août 2002, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me PETERS, avocat au barreau de Brest ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 99-323 et 00-522 du 5 juin 2002 du Tribunal Administratif de Rennes, en tant qu'il a limité à 7 500 euros la somme qu'il a condamné la ville de Brest à lui verser en réparation de ses préjudices liés à son éviction illégale des services de cette collectivité ; qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la communauté urbaine de Brest ; qu

'il a rejeté sa demande de consignation par la ville de Brest des sommes qu'il e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 août 2002, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me PETERS, avocat au barreau de Brest ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 99-323 et 00-522 du 5 juin 2002 du Tribunal Administratif de Rennes, en tant qu'il a limité à 7 500 euros la somme qu'il a condamné la ville de Brest à lui verser en réparation de ses préjudices liés à son éviction illégale des services de cette collectivité ; qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la communauté urbaine de Brest ; qu'il a rejeté sa demande de consignation par la ville de Brest des sommes qu'il estime lui être dues ;

2°) de porter la condamnation de la ville à la somme de 230 369 euros ; de condamner solidairement la ville et la communauté urbaine de Brest à lui payer la somme de 381 123 euros au titre de ses préjudices moraux et professionnels ; de prononcer la capitalisation des intérêts ; d'annuler la décision du maire refusant la consignation des sommes en litige ; d'enjoindre à la ville de Brest, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à exécution, de consigner lesdites sommes pendant 30 ans ;

C CNIJ n° 36-13-03

3°) de condamner la ville de Brest et la communauté urbaine de Brest à lui payer la somme de 1 600 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

…………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2003 :

- le rapport de M. FAESSEL, premier conseiller,

- les observations de M. X,

- les observations de Me LAURENT substituant Me PAILLER, avocat de la ville de Brest et de la communauté urbaine de Brest,

- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X interjette appel du jugement du 5 juin 2002 du Tribunal administratif de Rennes, en tant qu'il a limité à 7 500 euros la somme qu'il condamnait la ville de Brest à lui verser en réparation de ses préjudices nés de son éviction illégale des services de cette collectivité, qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la communauté urbaine de Brest et qu'il a rejeté sa demande de consignation par la ville de Brest des sommes qu'il estime lui être dues ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité de la procédure suivie devant les premiers juges :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par jugement en date du 23 novembre 1994, devenu définitif, le Tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 30 mars 1992 par lesquelles le maire de la ville de Brest a radié M. X des cadres de la commune et l'a mis à la disposition du centre national de la fonction publique territoriale (C.N.F.P.T.) ; qu'en exécution de ce jugement, M. X a été réintégré dans les services de la ville de Brest par arrêté du maire, du 3 janvier 1995 ; que par un second jugement du 1er avril 1998, devenu définitif, le Tribunal administratif de Rennes a annulé le refus implicite opposé à M. X par le maire de Brest, à sa demande d'affectation dans un emploi correspondant à son grade ;

Sur la responsabilité de la ville de Brest et de la communauté urbaine de Brest :

Considérant que, tant les décisions du maire de Brest de radier M. X des cadres de la commune et de le mettre à la disposition du C.N.F.P.T., que celle de refuser, postérieurement à sa réintégration, de l'affecter sur un emploi relevant de sa compétence, sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de la ville de Brest ; qu'en revanche, la communauté urbaine de Brest, qui n'a pris aucune part aux décisions qui sont à l'origine des préjudices subis par M. X, ne peut voir sa responsabilité engagée en l'espèce ;

Considérant que la ville de Brest n'établit pas qu'à l'époque de la radiation de M. X des cadres de la commune, elle n'était en mesure d'offrir aucun emploi à cet agent et que sa mise à la disposition du C.N.F.P.T. était justifiée, au fond ; qu'elle ne peut dès lors soutenir, pour demander que soit réduite l'indemnité qu'elle a été condamnée à payer à M. X, que celui-ci ne peut prétendre qu'à la réparation des conséquences du seul vice de forme dont étaient affectées les décisions l'évinçant de son emploi ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction qu'en octobre 1996, la ville de Brest a fait connaître à M. X qu'elle envisageait de lui offrir un emploi relevant de son grade, dans le cadre d'une mise à disposition d'une association assurant l'insertion par l'économie de personnes en difficulté ; que les réticences non fondées de M. X et les préalables excessifs qu'il a posés à son acceptation de cette affectation, ont pour une large part déterminé le retrait de son offre par la ville ; que par suite, une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à la ville doit conduire à ne mettre à sa charge que la réparation de la moitié des conséquences dommageables de son refus d'affecter M. X ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le retard d'avancement de grade qu'aurait subi M. X :

Considérant que M. X soutient que la mise à disposition du C.N.F.P.T. dont il fait l'objet, entre 1992 et 1994, a empêché qu'il soit promu au grade d'administrateur territorial hors classe ; qu'il évalue le préjudice qu'il a subi, à 7 013 euros ; que toutefois il résulte de l'instruction que M. X, qui n'avait pas satisfait à l'obligation statutaire de mobilité ne pouvait, en tout état de cause, pas prétendre à un tel avancement ; que par suite ses conclusions ne pouvaient qu'être rejetées ;

En ce qui concerne le retard d'avancement d'échelon qu'aurait subi M. X :

Considérant que M. X soutient que la ville de Brest accorde systématiquement à ses agents l'avancement d'échelon à l'ancienneté minimum requise et que par suite, sa mise à disposition du C.N.F.P.T., qui ne lui a permis de bénéficier d'un avancement d'échelon qu'à l'ancienneté moyenne, lui a causé un préjudice qu'il évalue à 915 euros ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la ville de Brest applique la règle de faveur qu'invoque le requérant ; que dès lors le préjudice allégué n'est, en tout état de cause, pas établi ;

En ce qui concerne le préjudice résultant de la privation de l'indemnité d'administrateur :

Considérant que M. X soutient que, tant sa mise à disposition du C.N.F.P.T., que la circonstance qu'il n'a pas été affecté, après son retour au sein des services de la ville de Brest, ont interdit que lui soit versée l'indemnité d'administrateur instituée par le conseil municipal au profit des agents concernés de la commune ; que toutefois il résulte de l'instruction que le versement de ladite indemnité est lié à l'exercice effectif des fonctions, ne présente aucun caractère fixe et permanent et ne donne pas lieu à retenue pour pension ; que, par suite, cette indemnité ne présente pas le caractère d'un supplément de traitement ; que M. X n'est dès lors pas fondé à demander réparation du préjudice résultant pour lui de ce qu'il en a été privé ;

En ce qui concerne la perte de chance de retrouver un emploi en rapport avec son grade et sa qualification :

Considérant que M. X soutient que l'attitude discriminatoire de la ville de Brest à son égard, qui l'avait mise à disposition du C.N.F.P.T. et a refusé par la suite de lui attribuer un emploi, a rendu vaines ses tentatives de trouver un reclassement professionnel en dehors des services de la ville de Brest ; que toutefois il ne résulte pas de l'instruction que les tentatives que M. X aurait faites en la matière auraient échoué pour les motifs qu'il invoque ;

En ce qui concerne le préjudice né de l'atteinte à la situation personnelle du requérant :

Considérant que M. X soutient que l'attitude de la ville de Brest à son égard, l'a diminué aux yeux de ses collègues et de ses proches, a porté atteinte à sa réputation et à son crédit, et lui a infligé diverses souffrances ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en condamnant la ville à payer à M. X une somme de 7 500 euros au titre de la période pendant laquelle l'intéressé avait été mis à la disposition du C.N.F.P.T. ; qu'en revanche, en ce qui concerne la période postérieure à la réintégration de l'intéressé dans les services de la ville de Brest, ladite collectivité ne peut, ainsi qu'il a été dit, être regardée comme responsable que pour moitié des préjudices subis par le requérant ; que par suite la réparation due à celui-ci, à ce second titre, devra être limitée à la somme de 9 375 euros ; que pour l'ensemble de ces préjudices, la ville de Brest doit par conséquent être condamnée à payer la somme de 16 875 euros à M. X ;

En ce qui concerne la perte de chance d'être intégré aux services de la communauté urbaine de Brest :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la mise à disposition du C.N.F.P.T. de M. X, a fait perdre à celui-ci une chance d'être intégré aux services de la communauté urbaine de Brest ; que le préjudice allégué à cet égard par le requérant n'est, par suite, pas établi ;

En ce qui concerne la demande de remboursement des frais de documentation de M. X :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. X a exposé des frais distincts de ceux dont il peut demander le remboursement au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Sur la demande de consignation par la ville de Brest des sommes en litige :

Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour d'enjoindre à la ville de Brest de constituer des garanties pour les sommes qu'elle pourrait être amenée à payer ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. X n'a pas demandé le versement d'intérêts ; que par suite il n'est pas fondé à en demander la capitalisation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a limité à 7 500 euros le montant de la réparation que devait lui verser la ville de Brest ; que cette réparation doit être fixée à la somme totale de 16 875 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la ville de Brest la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la ville de Brest à verser à M. X une somme de 800 euros en remboursement des frais de même nature qu'il a supportés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant de la réparation que la ville de Brest est condamnée à verser à M. X est porté à 16 875 euros (seize mille huit cent soixante quinze euros).

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

Article 3 : Le jugement susvisé du 5 juin 2002 du Tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : La ville de Brest versera à M. X une somme de 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la ville de Brest tendant à la condamnation de M. X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la ville de Brest, à la communauté urbaine de Brest et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 02NT01318
Date de la décision : 21/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. Xavier FAESSEL
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : PETERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-11-21;02nt01318 ?
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