Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 décembre 1999, présentée pour la commune de Rouans (Loire-Atlantique), représentée par son maire en exercice, par Me Michel DOUCELIN, avocat au barreau de Poitiers ;
La commune demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 96-1373 du 21 octobre 1999 du Tribunal administratif de Nantes en ce que ce jugement l'a condamnée à verser une somme de 440 000 F à M. X... , une somme de 12 000 F à Mme et une somme de 5 000 F à chacun de leurs trois enfants, en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont M. a été victime le 22 août 1994 dans la salle omnisports de Rouans ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme devant le Tribunal administratif de Nantes ;
C CNIJ n° 17-03-02-05-01-01
n° 67-01-02-01
n° 67-03-03-03
3°) à titre subsidiaire, de procéder à un partage de responsabilité, en laissant la plus grande part de celle-ci à M. ;
4°) à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où le principe de la responsabilité exclusive de la commune serait maintenu, de réduire les indemnités accordées à M. et de rejeter les demandes indemnitaires présentées pour Mme et les trois enfants des époux ;
5°) de lui allouer la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2003 :
- le rapport de M. MARGUERON, président,
- les observations de Me LEMEUNIER des GRAVIERS, substituant Me DOUCELIN, avocat de la commune de Rouans,
- les observations de Me VIC, substituant Me REVEAU, avocat de l'association U.S.R. section tennis,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 22 août 1994, alors qu'il se trouvait dans la salle omnisports de la commune de Rouans en compagnie de son fils cadet, M. a été violemment heurté à la tête par un retour de la manivelle du système de tension du filet de tennis qu'il avait lui-même installé ; que la commune de Rouans fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à réparer intégralement les conséquences domma-geables de cet accident ; que M. et Mme demandent, comme ils l'avaient fait en première instance, la condamnation solidaire de la commune et de l'association U.S.R. section tennis, utilisatrice de la salle omnisports, a réparer ces conséquences dommageables, par le versement d'indemnités supérieures à celles allouées par le Tribunal administratif ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des conclusions de M. et Mme dirigées contre l'association U.S.R. section tennis, personne morale de droit privé, quelque rôle qu'auraient pu jouer un ou des membres de cette association, simple utilisatrice de la salle omnisports de Rouans, dans la survenance de l'accident ; que M. et Mme ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nantes a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de leur demande tendent à la condamnation solidaire avec la commune de Rouans de cette association ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise technique ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, que si l'accident dont a été victime M. a eu pour seul témoin son fils, sa nature comme le temps qui s'est écoulé entre le moment où l'intéressé a eu accès à la salle omnisports et celui où il a été admis au service des urgences du centre hospitalier régional et universitaire de Nantes, après avoir été examiné par un médecin de la commune, conduisent à le regarder comme s'étant produit, non à l'occasion d'un choc survenu en cours de jeu contre le poteau équipé du système de tension du filet comme le soutient la commune de Rouans, mais, comme le soutient de façon circonstanciée M. , lorsque ce dernier accrochait le bas du filet après l'avoir tendu ; que, outre qu'il présentait une certaine usure, le système de tension du filet comportait une manivelle et un cliquet de blocage de celle-ci qui n'étaient pas les pièces d'origine et dont les caractéristiques ne correspondaient pas à celles de ces pièces ; qu'une tension excessive du filet que facilitait la manivelle, dont le bras était d'une longueur notablement supérieure à celle équipant normalement le système, ne pouvait qu'entraîner une défaillance du cliquet et la libération brutale de la manivelle ; qu'alors même qu'aucun incident ne se serait produit auparavant, la commune de Rouans n'apporte pas la preuve, dans ces circonstances, de l'entretien normal de l'ouvrage public, dont les poteaux de support du filet de tennis et le mécanisme de tension de celui-ci constituent un élément ;
Considérant que s'il n'est pas démontré que M. aurait commis une faute en procédant de façon non-conforme au montage du filet, le règlement de la salle omnisports, affiché de façon visible à l'entrée de celle-ci, y réservait la pratique du tennis aux joueurs licenciés, ce qui n'était pas le cas de l'intéressé ; qu'alors même qu'il est établi que celui-ci avait l'intention de jouer le jour de l'accident sur le court extérieur, comme il l'avait fait précédemment, et que ce n'est qu'à défaut de pouvoir trouver la clef de ce court que l'employée du commerce où étaient déposées les clefs des équipements sportifs communaux lui a permis l'accès à la salle omnisports, M. a, en utilisant le matériel de tennis de cette salle et en procédant au montage de ce matériel, qu'il ne connaissait pas, commis une faute qui, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu en particulier des modifications apportées au système de tension du filet, est de nature à exonérer la commune de Rouans, laquelle est fondée, dès lors, à contester le jugement attaqué dans cette mesure, d'un quart des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur les préjudices ;
En ce qui concerne le préjudice de M. :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier de l'expertise médicale ordonnée en référé que l'accident dont M. , alors âgé de quarante ans, a été victime a provoqué des lésions rétiniennes de l'oeil gauche d'une gravité telle qu'elles n'ont pu être traitées et qu'une éviscération de l'oeil, avec mise en place d'une bille intra-oculaire, a dû être pratiquée en mai 1995 ; que M. , qui s'est trouvé en incapacité temporaire totale jusqu'au 1er janvier 1995 demeure atteint, après consolidation de ses blessures au 28 novembre 1995, d'une incapacité permanente partielle évaluée au taux de 27 % ;
Considérant qu'il est constant qu'à la date de l'accident, M. avait, depuis un peu plus d'un an, quitté l'emploi qu'il occupait auprès de la société Carline, et ce, afin de préparer la création d'une société de conseil en gestion d'entreprise dont il devait être le gérant majoritaire ; que ce projet est demeuré sans suite et que l'intéressé a été recruté à partir du 2 janvier 1995 en qualité de directeur général d'une clinique en région lyonnaise ; que cette absence de revenus salariaux de M. en 1994 fait obstacle, quelle qu'en ait été la justification, à ce qu'il puisse prétendre, comme il le demande, par référence à la rémunération qu'il percevait alors qu'il exerçait au sein de la société Carline, à une indemnité à raison de sa période d'incapacité permanente partielle précitée ; que, par ailleurs, si M. demande également à être indemnisé de la perte de chance d'obtenir les revenus que lui aurait procuré l'activité de la société qu'il avait en projet, à raison de la différence entre ces revenus escomptés et la rémunération qu'il perçoit depuis janvier 1995, le préjudice ainsi invoqué repose sur de simples prévisions concernant l'activité et les résultats de la nouvelle société et, ainsi, présente un caractère éventuel, non susceptible d'ouvrir droit à réparation ;
Considérant que M. ne saurait non plus obtenir réparation au titre de préjudices résultant de l'accident dont il a été victime des sommes correspondant, d'une part, aux dépens constitués par les frais des deux expertises, et qui ont d'ailleurs été mis à la charge de la commune de Rouans par le jugement attaqué et, d'autre part, aux honoraires de son conseil et aux frais de déplacement exposés par ce dernier et lui-même à l'occasion des opérations d'expertises, qui ont le caractère de frais de procédure dont il lui appartenait de demander le remboursement par voie de conclusions distinctes ;
Considérant que les conséquences de l'accident ont été génératrices pour M. de troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris des troubles particuliers engendrés par l'intervention de mai 1995 et l'installation de M. et de sa famille en région lyonnaise, et de frais divers, dont l'achat de lunettes noires à l'occasion de l'éviscération de l'oeil ; qu'il existe, en outre, un préjudice d'agrément tenant à l'impossibilité dans laquelle l'intéressé se trouve de pratiquer ses différentes activités de loisirs antérieures ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces différents chefs de préjudice en les évaluant à la somme globale de 50 000 euros, dont la moitié répare l'atteinte à l'intégrité physique ; que, par ailleurs, l'évaluation des souffrances physiques estimées à 3/7 et du préjudice esthétique estimé à 2/7 peut être fixée à, respectivement, 6 000 et 4 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire, tels qu'ils ressortent de son mémoire de première instance, soit la somme totale de 44 838,67 F (6 835,61 euros), le préjudice total subi par M. doit être arrêté à la somme de 66 835,61 euros, dont 25 000 euros correspondant à l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ; qu'eu égard au partage de respon-sabilité opéré par le présent arrêt, la part de ce préjudice dont l'indemnisation incombe à la commune de Rouans s'élève à 50 126,71 euros, dont 18 750 euros au titre de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ; qu'il suit de là, en tenant compte de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire, qui n'a pas fait appel du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions, que la commune de Rouans est seulement fondée à demander que l'indemnité de 440 000 F (67 077,57 euros) qu'elle a été condamnée à verser à M. par le Tribunal administratif de Nantes soit ramenée à 43 291,10 euros et à ce que le jugement attaqué soit réformé dans cette mesure ; que les conclusions de M. tendant au relèvement de cette indemnité doivent être rejetées ;
En ce qui concerne le préjudice de Mme et des enfants de M. :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Tribunal administratif de Nantes aurait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en allouant à Mme la somme de 12 000 F (1 829,39 euros) et à chacun des enfants de M. la somme de 5 000 F (762,25 euros) en réparation des troubles qu'ils ont subis dans leurs conditions d'existence respectives en conséquence de l'accident dont a été victime l'intéressé ; que les conclusions tant de la commune de Rouans que de M. et Mme dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Nantes sur ce point doivent, par suite, être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner M. et Mme à verser à la commune de Rouans la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner M. et Mme à verser à l'association U.S.R. section tennis la somme de 914,69 euros qu'elle réclame au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 440 000 F (quatre cent quarante mille francs) que la commune de Rouans a été condamnée à verser à M. X... par le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 21 octobre 1999 est ramenée à 43 291,10 euros (quarante-trois mille deux cent quatre-vingt-onze euros et dix centimes).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 21 octobre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Rouans, ensemble les conclusions de M. et Mme sont rejetés.
Article 4 : M. et Mme verseront à l'association U.S.R. section tennis la somme de 914,69 euros (neuf cent quatorze euros et soixante-neuf centimes) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rouans, à M. et Mme , à l'association U.S.R. section tennis et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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