Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 8 juillet 2024 par lesquelles la commission académique de Besançon a rejeté leurs recours administratifs préalables obligatoires formés contre les décisions du 27 mai 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant B... et de leur enfant C... et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leurs enfants B... et C..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2401704 du 12 novembre 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 17 janvier 2025, Mme F... A... et M. D... E..., représentés par Me Zoubeidi-Defert demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 27 mai 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant B... ;
3°) d'annuler la décision du 8 juillet 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 27 mai 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant C... ;
4°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leurs enfants B... et C... ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit dès lors que la commission a fondé ses refus sur des motifs étrangers à ceux prévus par l'article L. 131-5 du code de l'éducation, en ne justifiant pas dans quelle mesure l'intérêt supérieur des enfants serait de poursuivre leur scolarité dans un établissement d'enseignement ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors que la situation B... et de C... leur est propre et qu'il est dans leur intérêt supérieur de poursuivre leur instruction en famille.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2025, la rectrice de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Zoubeidi-Defert avocat de M. E... et de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... A... et M. D... E... ont demandé, au titre de l'année scolaire 2024-2025, deux dérogations permettant l'instruction en famille de leurs enfants, B..., née le 8 septembre 2016 et C... née le 6 mars 2019, en raison de l'existence d'une situation propre à chaque enfant motivant un projet éducatif spécifique. Par deux décisions du 27 mai 2024, le directeur académique des services de l'éducation nationale a rejeté leurs demandes, puis par deux décisions du 8 juillet 2024, la commission académique a rejeté leur recours administratifs préalables obligatoires. Mme F... A... et M. D... E... font appel du jugement du 12 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux décisions du 8 juillet 2024.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'éducation : " L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans (...) ", de l'article L. 131-2 de ce code, " L'instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l'un d'entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l'article L. 131-5. (...) " et de l'article L. 131-5 du même code : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. (...) / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : (...) 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 131-11-5 du code de l'éducation, " Lorsque la demande d'autorisation est motivée par l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, elle comprend : / 1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, à savoir notamment : / a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; / b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ; / c) L'organisation du temps de l'enfant (rythme et durée des activités) ; / d) Le cas échéant, l'identité de tout organisme d'enseignement à distance participant aux apprentissages de l'enfant et une description de la teneur de sa contribution ; / 2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant ; / 3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d'instruire l'enfant. Le directeur académique des services de l'éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d'un titre ou diplôme étranger à assurer l'instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ; / 4° Une déclaration sur l'honneur de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ". Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.
3. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de l'article L. 131 5 du code de l'éducation prévoyant la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.
4. En premier lieu, pour refuser les demandes de Mme A... et de M. E... s'agissant de leurs deux filles, la commission académique s'est fondée sur le motif tiré de ce que les éléments constitutifs de chaque demande d'autorisation d'instruction en famille n'établissaient pas une situation propre à chaque enfant. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'il appartenait en effet à la commission académique de vérifier l'existence d'une situation propre à chaque enfant de nature à justifier un projet éducatif spécifiquement adapté à leur situation, et non que celle-ci soit simplement exposée, sans pour autant qu'il soit nécessaire de justifier sa décision au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel n'entre en considération que si l'existence de la situation propre est avérée. Par ailleurs, un projet pédagogique ne constitue pas en lui-même une situation propre au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation doit être écarté dans toutes ses branches.
5. En second lieu, concernant leur fille B..., il ressort des pièces du dossier que Mme A... et M. E... ont entendu justifier la situation propre à leur enfant par la nécessité d'une continuité pédagogique dès lors qu'elle bénéficie d'une instruction en famille depuis 2019 validée par les contrôles pédagogiques et les rapports annuels favorables. De plus, ils soutiennent que sa pratique de nombreuses activités sportives ne seraient pas compatibles avec l'emploi du temps d'un établissement scolaire.
6. Toutefois, dès lors que le principe de la scolarisation dans un établissement d'enseignement public ou privé pour les enfants âgés de trois à seize ans a été jugé conforme par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 qui a considéré que l'instruction en famille ne constitue pas une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d'enseignement mais une simple modalité de mise en œuvre de l'instruction obligatoire prévue par les dispositions de l'article L. 131-1 du code de l'éducation, les requérants ne sauraient valablement caractériser une situation propre à l'enfant de nature à justifier un projet pédagogique d'instruction en famille par la seule continuité pédagogique d'une instruction en famille même si celle-ci se déroule dans de bonnes conditions. De plus, les activités sportives pratiquées peuvent justifier une instruction en famille sous réserve qu'une demande soit formulée sur le fondement du 1° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation et en remplisse les conditions.
7. Concernant leur fille C... qui bénéficie d'une instruction en famille depuis 2022, les motifs exposés par ses parents au soutien de leur demande ne différent que peu de ceux évoqués au soutien de la demande de leur fille ainée démontrant ainsi que chaque enfant ne justifie pas d'une situation qui lui est propre. De plus, les éléments tirés des besoins affectifs et du rythme de vie sont fréquents chez les enfants de cet âge et ne justifient pas non plus de la spécificité de la situation de C....
8. Dans ces conditions, la commission académique n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation ni commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux situations des deux filles.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... et de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., à M. D... E... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Besançon.
Délibéré après l'audience du 10 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2025.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
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N° 25NC00139