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31/07/2025 | FRANCE | N°25NC00064

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 31 juillet 2025, 25NC00064


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B..., épouse E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 23 août 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 17 juin 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant A... et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leur enfant A...,

dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., épouse E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 23 août 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 17 juin 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant A... et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leur enfant A..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2401693 du 12 novembre 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2025, Mme C... B..., épouse E... et M. D... E..., représentés par Me Zoubeidi-Defert demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 23 août 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 17 juin 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant A... ;

3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leur enfant A..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dès lors que la commission a retenu deux critères qui ne sont pas ceux prévus par les textes, en imposant d'une part la démonstration d'une spécificité propre à l'enfant et en constatant d'autre part que les ressources proposées sont identiques à ce que peut proposer l'école, alors qu'elle devait se borner à apprécier les capacités de la personne en charge de l'instruction, à ce que le projet comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant et à ce que la demande expose de façon suffisamment étayée la situation propre de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'enfant présente une situation propre et qu'il existe un projet pédagogique adapté à ses spécificités.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2025, la rectrice de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel ;

- l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances collégiales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Zoubeidi-Defert avocat de M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., épouse E... et M. D... E... ont demandé, au titre de l'année scolaire 2024-2025, une dérogation permettant l'instruction en famille de leur enfant A..., né le 21 août 2020, en raison de l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Par une décision du 17 juin 2024, le directeur académique des services de l'éducation nationale a rejeté leur demande, puis par une décision du 23 août 2024, la commission académique a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire. M. et Mme E... font appel du jugement du 12 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2024.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'éducation : " L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans (...) ", de l'article L. 131-2 de ce code, " L'instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l'un d'entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l'article L. 131-5. (...) " et de l'article L. 131-5 du même code : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. (...) / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : (...) 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 131-11-5 du code de l'éducation, " Lorsque la demande d'autorisation est motivée par l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, elle comprend : / 1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, à savoir notamment : / a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; / b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ; / c) L'organisation du temps de l'enfant (rythme et durée des activités) ; / d) Le cas échéant, l'identité de tout organisme d'enseignement à distance participant aux apprentissages de l'enfant et une description de la teneur de sa contribution ; / 2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant ; / 3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d'instruire l'enfant. Le directeur académique des services de l'éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d'un titre ou diplôme étranger à assurer l'instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ; / 4° Une déclaration sur l'honneur de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ". Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement d'enseignement public ou privé, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

3. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de l'article L. 131 5 du code de l'éducation prévoyant la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.

4. En premier lieu, pour refuser la demande des époux E..., la commission académique s'est fondée sur le motif tiré de ce que les éléments constitutifs de la demande d'autorisation d'instruction en famille n'établissaient pas une situation propre à l'enfant. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'il appartenait à la commission académique de vérifier l'existence d'une situation propre à l'enfant de nature à justifier un projet éducatif spécifiquement adapté à cette situation, sans pour autant justifier sa décision au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel n'entre en considération que si l'existence de la situation propre est avérée. Par ailleurs un projet pédagogique ne constitue pas en lui-même une situation propre au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation doit être écarté dans toutes ses branches.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... ont entendu justifier la situation propre à leur enfant par ses besoins pédagogiques spécifiques qui nécessitent un rythme d'apprentissage adapté ainsi que par son énergie débordante qui implique qu'il soit souvent en plein air et se dépense. De plus, les parents estiment que leur enfant de par son comportement et ses facultés intellectuelles, serait haut potentiel intellectuel.

6. Toutefois, ces besoins sont fréquents chez les enfants de son âge et ne sont pas incompatibles avec une scolarisation qui peut en outre s'adapter à ceux-ci. La circonstance, à la supposer établie, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier en dehors de toute évaluation, que A... soit haut potentiel intellectuel ne fait en tout état de cause pas obstacle à une scolarisation dès lors qu'il est possible de définir un projet d'accueil personnalisé. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que lors de sa scolarisation à l'école maternelle de Faucogney, il a rencontré des difficultés particulières à ce titre. Par ailleurs, le projet pédagogique, qui au demeurant ne constitue pas un élément d'appréciation de la situation propre à l'enfant au sens des textes susvisés mais n'en est que la conséquence, s'appuie principalement sur le cours Griffon qui présente une approche pédagogique qui ne diffère pas sensiblement de celle que l'école propose. Dans ces conditions, la commission académique n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme C... E..., et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Besançon.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2025.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 25NC00064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 25NC00064
Date de la décision : 31/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-31;25nc00064 ?
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