Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 août 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ainsi que l'arrêté du même jour par lequel ce préfet l'a assignée à résidence dans le département de la Marne pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2301904, 2301905 du 29 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 août 2023 du préfet de la Marne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination et l'assignant à résidence, et, d'autre part, a renvoyé en formation collégiale sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.
Par un jugement n° 2301904 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2023 du préfet de la Marne refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2023, sous le n° 23NC03767, Mme C..., représentée par Me Gabon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 août 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 août 2023 par lesquelles le préfet de la Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions du 21 août 2023 prises à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 1, 3, 5 et 7 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu au titre des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de délivrance des informations relatives à l'exécution d'office de la décision et de l'assistance d'un interprète, en méconnaissance des articles L. 613-3 et L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle peut bénéficier d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 1, 3, 5 et 7 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne mentionne pas explicitement le pays concerné ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination en l'absence de décision en ce sens prise à son encontre par le préfet de la Marne dans l'arrêté en litige du 21 août 2023.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
II. Par une requête enregistrée le 22 avril 2024, sous le n° 24NC01027, Mme C..., représentée par Me Gabon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 novembre 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 août 2023 pris à son encontre par le préfet de la Marne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 1, 3, 5 et 7 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu au titre des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de délivrance des informations relatives à l'exécution d'office de la décision et de l'assistance d'un interprète, en méconnaissance des articles L. 613-3 et L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle peut bénéficier d'un titre de séjour pour vie privée et familiale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 1, 3, 5 et 7 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne mentionne pas explicitement le pays concerné ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller.
- et les observations de Me Gabon avocate de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 15 juillet 1965, est entrée en France le 6 février 2016 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle " vie privée et familiale " en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, valable jusqu'en juin 2019. Le 9 novembre 2020, en raison de la rupture de la vie commune avec son mari, elle a fait l'objet d'un arrêté portant refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le recours formé par Mme C... contre cette décision a été rejeté par un jugement du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. La requérante s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français avant de présenter une demande de régularisation de sa situation administrative le 17 mai 2022. Par un arrêté du 21 août 2023, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Marne l'a assignée à résidence dans le département de la Marne.
2. Dans l'instance n° 23NC03767, Mme C... relève appel du jugement du 29 août 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 août 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination. Dans l'instance n° 24NC01027, Mme C... doit être regardée comme relevant appel du jugement du 16 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2023 portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision en litige comporte les éléments de droit et de fait propres à la situation personnelle de Mme C... sur lesquels le préfet de la Marne s'est fondé pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour et est ainsi suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme C... préalablement à l'édiction de la décision de refus de titre de séjour contestée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains résidant en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans ".
6. La requérante, à supposer qu'elle ait entendu invoquer ce moyen, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 1er de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 dès lors qu'elle n'allègue ni ne justifie avoir été titulaire, à la date d'entrée en vigueur de cet accord, d'un titre de séjour d'une durée de trois ans ou plus.
7. En quatrième lieu, selon l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans ".
8. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'une des stipulations d'une convention, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions ou de stipulations expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou d'une autre stipulation d'une convention, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du formulaire de demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme C... et du courrier l'accompagnant, que celle-ci aurait sollicité une carte de résident sur le fondement des stipulations citées au point 7 ci-dessus, dont la délivrance n'est pas de plein droit. Le préfet de la Marne, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné ses droits au regard de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987. Par suite, et à supposer que l'intéressée ait entendu soulever un tel moyen, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article doit être écarté.
10. En cinquième lieu, la requérante ne peut utilement invoquer les stipulations des articles 5 et 7 de l'accord franco-marocain qui concernent le regroupement familial.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ".
12. Si la requérante soutient que la rupture de la vie commune est consécutive à des violences de la part de son conjoint, il ressort des pièces du dossier que sa plainte a été classée sans suite, cette dernière reposant sur des déclarations mensongères. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
13. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. La requérante soutient qu'elle réside en France depuis 2015, soit près de huit ans à la date de la décision en litige, dont cinq années en situation régulière, et se prévaut de la présence de membres de sa famille, de son insertion professionnelle et des violences conjugales subies à l'origine de la rupture de la vie commune. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 12 ci-dessus, la requérante n'établit pas que la rupture de la vie commune a eu pour cause des violences conjugales. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches personnelles et familiales au Maroc où elle a vécu jusque l'âge de cinquante ans et où résident sa mère et deux membres de sa fratrie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors que la requérante ne peut utilement se prévaloir de risques de traitements inhumains et dégradants à l'appui de la contestation de la décision de refus de titre de séjour en litige, cette décision n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
16. L'article L. 435-1 précité est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
17. La requérante invoque les mêmes arguments que ceux énoncés au point 14 ci-dessus. Ces seuls éléments ne peuvent être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels permettant la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Marne a commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
18. En neuvième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 14 et 17 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le préfet de la Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de Mme C... doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
20. Il résulte de ces dispositions qu'une obligation de quitter le territoire français qui trouve son fondement légal dans le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit pas faire l'objet d'une motivation distincte du refus de titre de séjour, lequel était en l'espèce suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.
21. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Les requérants ne sauraient ainsi utilement soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire méconnaîtraient ces dispositions.
22. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de titre de séjour.
23. Il ressort des pièces des dossiers que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à la suite d'une demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme C.... Alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, elle pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, Mme C... ne démontre pas qu'elle disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à cette décision. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu.
24. En troisième lieu aux termes de l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est informé, par cette notification écrite, des conditions, prévues aux articles L. 722-3 et L. 722-7, dans lesquelles cette décision peut être exécutée d'office (...) ". Aux termes de l'article L. 613-4 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ".
25. Si la requérante se prévaut de ce qu'elle n'a pas été informée des éléments prévus par les articles précités et qu'elle n'aurait pas été assistée d'un interprète, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ces articles qui sont relatives aux conditions de notification d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sont sans incidence sur la légalité de cette décision.
26. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme C... préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée.
27. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 14 et 17, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée quant à la situation personnelle de la requérante doivent être écartées.
28. En sixième lieu, la requérante ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations des articles 1, 3, 5 et 7 de l'accord franco-marocain et de celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
29. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
30. La décision en litige comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.
Sur la décision fixant le pays de destination :
31. Il ressort des termes de l'arrêté en litige du 21 août 2023 que le préfet de la Marne n'a pas édicté à l'encontre de Mme C... une décision fixant le pays de destination. Par suite, les conclusions de première instance tendant à l'annulation d'une telle décision étaient irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées. Mme C... n'est ainsi pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
32. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée se plaindre de ce que, par les jugements attaqués des 29 août 2023 et 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I DE :
Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A..., à Me Gabon et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 10 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
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N° 23NC03767, 24NC01027