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17/07/2025 | FRANCE | N°23NC00753

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 17 juillet 2025, 23NC00753


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée unipersonnelle (ci-après SASU) Bameco a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par une première requête, de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, à concurrence d'une réduction des bases de 237 729 euros pour l'année 2016 et 161 764 euros pour l'année 2017, ainsi que la réduction, à hauteur d'une somme de

7 225 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (ci-après SASU) Bameco a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par une première requête, de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, à concurrence d'une réduction des bases de 237 729 euros pour l'année 2016 et 161 764 euros pour l'année 2017, ainsi que la réduction, à hauteur d'une somme de 7 225 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 9 septembre 2016 au 30 novembre 2018. Par une réclamation adressée à la direction départementale des finances publiques des Ardennes, soumise d'office au tribunal administratif par application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la SASU Bameco demandait la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs à la formation professionnelle continue et de taxe sur les véhicules des sociétés mis à sa charge au titre des années 2016, 2017 et 2018 ainsi que de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1729 D du code général des impôts auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2018 et de lui accorder le sursis de paiement. Par un jugement n° 2101188 et n° 2200674 du 6 janvier 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mars 2023 et le 2 mars 2025, la SASU Bameco, représentée par Me Harir puis par Me Planchat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 8 septembre 2016 au 30 novembre 2018, de la taxe sur les véhicules des sociétés afférente à la période du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2018, de la taxe d'apprentissage et la participation à la formation professionnelle au titre des années 2016 à 2018, de l'amende fiscale prévue par l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2016 et 2017, de l'amende fiscale prévue par l'article 1788 A du code général des impôts au titre des années 2017 et 2018 et de l'amende fiscale prévue par l'article 1729 D du code général des impôts au titre de l'année 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure d'imposition méconnaît les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales dès lors qu'aucun document récapitulatif des conséquences financières des rehaussements envisagés ne lui a été transmis à la suite des deux propositions de rectification du 12 décembre 2019 et de la lettre du 30 juin 2020 ;

- la proposition de rectification n° 3924 du 12 décembre 2019 est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales pour ce qui concerne la détermination du montant de la taxe sur la valeur ajoutée susceptible d'être mis en recouvrement pour la période du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2018, en particulier les modalités de détermination des droits d'un montant de 89 629 euros et enfin, en ne précisant pas l'origine et la détermination des montants rectifiés de huit factures au titre des exercices 2016 et 2017;

- le rappel de la taxe sur les véhicules de société afférente à la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 concerne une période qui n'était pas mentionnée dans l'avis de vérification du 17 janvier 2019 ;

- la procédure d'imposition diligentée par l'administration n'a pas respecté les exigences procédurales résultant de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme, notamment son arrêt du 7 décembre 2023 n° 26604/16 " Waldner c/France ", dès lors qu'en se bornant à lister dans les annexes 2 à 4 de la proposition de rectification n° 3924 les encaissements bancaires qui n'auraient pas figurés dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, sans pointer ses encaissements, elle a été privée de la possibilité de produire utilement ses observations ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

- les documents et renseignements obtenus par l'administration dans le cadre du droit de communication qu'elle a exercé auprès des sociétés I2CR, Demathieu et Bard, Rabot Dutilleul et BCS Usine Tontarelli ne peuvent pas justifier à eux-seuls le bien-fondé des redressements dès lors qu'ils ne sont pas corroborés par des éléments propres à la société Bameco ;

- pour la période d'avril à décembre 2017, le refus du service de prendre en compte, la déduction de la somme 177.316,33 euros, alors qu'elle a présenté des factures pro-forma, indiqué la nature des dépenses engagées et les noms des fournisseurs, ce qui permettait au service, dans le cadre d'un droit de communication auprès de ces fournisseurs, de vérifier l'existence des flux financiers et du règlement de ces dépenses, méconnaît les principes fondés sur le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment son arrêt du 7 décembre 2023 n° 26604/16 " Waldner c/France " ; au regard des éléments dont le service disposait, la déduction de ces charges devait être admise afin d'éviter qu'elle ne soit taxée sur un revenu fictif, ce qui est contraire à l'article 1er du premier protocole précité ;

- la méthode de reconstitution des charges déductibles au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017 est radicalement viciée dans son principe dès lors que l'administration ne pouvait pas extrapoler, pour cette période, le taux de réintégration de charges de 27 % constaté lors de la période d'avril à décembre 2017 ; en tout état de cause, le taux de réintégration de 27 % retenu par l'administration doit être ramené à 11 % compte tenu du fait qu'elle a admis la déduction de douze factures d'un montant total de 33 400,10 euros hors taxe et que l'existence des prestations est justifiée par les factures pro-forma produites, soit un redressement de 224 978 euros pour l'année 2016 et 13 606 euros pour la période du 1er janvier au 31 mars 2017 ;

- les indemnités de déplacement comptabilisées au compte n° 641400 pour un montant de 54.824 euros pour l'année 2016, de 32.199 euros pour l'année 2017 et pour un montant de 2.570 euros pour l'année 2016 et de 5.266 euros au compte n° 641450 pour l'année 2017 sont déductibles de ses résultats imposables dès lors qu'elles ont été mentionnées sur les bulletins de salaire et que l'administration ne soutient pas que le salaire des bénéficiaires, augmenté de ces indemnités, porte leur rémunération à un montant excessif ;

- elle est fondée à demander que le calcul du montant des amortissements excédentaires sur les voitures particulières soit réalisé sur la base d'un amortissement sur une durée de cinq années, comme cela ressort d'un courrier du 2 décembre 2024 de l'interlocuteur régional ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'était pas en droit d'obtenir la déduction de charges pour un montant supérieur à celui retenu par l'administration, fixé forfaitairement à 73% des charges comptabilisées par la société au titre de la période d'avril à décembre 2017, dès lors qu'elle a produit des factures pour un montant total toutes taxes comprises de 78 016,18 euros auquel il convient d'ajouter un complément de 65 013,48 euros justifié par de nouvelles factures ; elle joint également les bulletins de salaires de l'année 2016 représentant un total de charges de personnel s'élevant à 125 275,12 euros dont 27 %, soit 33 824,28 euros, doit être retenu en charges déductibles ;

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

- malgré l'absence de présentation de factures, l'administration fiscale avait la possibilité, comme elle l'a d'ailleurs fait pour les frais déductibles, de calculer forfaitairement le pourcentage de la taxe sur la valeur ajoutée déductible par rapport à la taxe collectée pour la période du 8 septembre 2016 au 30 novembre 2018 ; ainsi, le refus du service de prendre en compte un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible conforme au principe de réalisme économique doit entraîner la décharge des impositions mises à sa charge à ce titre ;

- la taxe sur la valeur ajoutée devrait être calculée sur la base de 100% du montant figurant sur les factures qu'elle a produites et non être limitée à un taux forfaitaire de 73% ;

- un montant de 13 002,70 euros doit être déduit au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2016 correspondant aux factures qu'elle produit et qui n'ont pas été comptabilisées au titre de cet exercice ;

- un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 143 615 euros doit être imputé sur le montant des rappels de taxe ;

En ce qui concerne les pénalités :

- l'avis de mise en recouvrement du 4 janvier 2021 n'est pas suffisamment motivé au regard des exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales s'agissant d'une part, du montant de l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts, mise à sa charge au titre des années 2017 et 2018 et d'autre part, du montant de l'amende prévue par l'article 1729 H, mise à sa charge au titre de l'année 2018 ;

- compte tenu du délai de prescription, l'administration ne pouvait pas utiliser en 2020 les informations fournies pour taxer les bénéficiaires des revenus distribués au titre de l'année 2016 ;

- l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas suffisamment motivée dès lors que ne sont pas précisées les modalités de détermination de la somme de 43 396 euros, identifiée par le service comme un revenu distribué page 50 de la proposition de rectification n°3924, au paragraphe 7.2.5-1 et à l'annexe 11 de cette pièce de procédure ;

- son application au cas d'espèce méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère disproportionné dès lors qu'elle n'a pas sciemment fait obstacle au pouvoir de contrôle de l'administration et qu'elle n'a pas été complice d'une fraude ;

- s'agissant des revenus distribués : la méthode de reconstitution des charges afférentes à la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017 étant radicalement viciée dans son principe, les revenus distribués à ce titre sont privés de tout fondement et doivent être déchargés ; en tout état de cause, le taux de réintégration de 27 % retenu par l'administration doit être ramené à 11 % du fait qu'elle a admis la déduction de douze factures d'un montant total de 33 400,10 euros hors taxe et que l'existence des prestations est justifiée par les factures pro-forma produites, soit un redressement de 224 978 euros pour l'année 2016 et 13 606 euros pour la période du 1er janvier au 31 mars 2017 ; il en va de même s'agissant des charges afférentes aux mois d'avril à décembre 2017 justifiées par la production de factures pro-forma ; le montant de taxe sur la valeur ajoutée de 43 396 euros ne correspond pas à un revenu distribué au titre de l'année 2017, en application des dispositions du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts dès lors que l'administration n'établit pas qu'elle a effectivement appréhendé cette somme ; les indemnités de déplacements comptabilisées au compte n° 641400 pour un montant de 54.824 euros pour l'année 2016, de 32.199 euros pour l'année 2017 et pour un montant de 2.570 euros pour l'année 2016 et de 5.266 euros au compte n° 641450 pour l'année 2017 sont déductibles des résultats imposables et ne peuvent pas constituer des revenus distribués ;

- les majorations de 100% et de 10 % appliquées aux taxes assises sur les salaires sont manifestement disproportionnées au regard du manquement réprimé et contraires à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 septembre 2023 et le 22 mai 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Bameco ne sont pas fondés.

Par un courrier du 19 mai 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les amendes fiscales infligées à la société requérante sur le fondement des articles 1788 A et 1729 H du code général des impôts, faute d'avoir été contestées dans le cadre d'une réclamation préalable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser rapporteure publique,

- et les observations de Me Planchat, représentant la société Bameco.

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Bameco exerce une activité principale d'étanchéité, de bardage et de travaux de couverture. A la suite d'un avis de vérification du 17 janvier 2019, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2016 et 2017, prolongée au 30 novembre 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs à la formation professionnelle continue et de taxe sur les véhicules des sociétés au titre de l'année 2018. Par une proposition de rectification n° 3924 du 12 décembre 2019, notifiée dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire pour l'ensemble des chefs de redressements, à l'exception de la taxe sur les véhicules de sociétés pour la seule période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016, pour laquelle l'appelante a été taxée d'office selon la procédure de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'administration lui a notamment notifié des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, au titre des années 2016 et 2017, assortis de pénalités pour manquement délibéré. Dans cette pièce de procédure, elle a été informée que le service envisageait de l'assujettir à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs à la formation professionnelle continue et de taxe sur les véhicules des sociétés. Elle était également informée que le service envisageait de lui infliger l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts au titre des années 2016 à 2018 ainsi que l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts pour défaut de présentation d'une comptabilité au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2018. Par une seconde proposition de rectification n° 2120 du même jour, le service a notifié à la société requérante des rehaussements en matière de taxe d'apprentissage, de formation professionnelle continue et de taxe sur les véhicules de société au titre de l'année 2018, assortis de plusieurs pénalités. Après avoir demandé la prorogation du délai de trente jours, la société a présenté ses observations le 24 février 2020, soit après l'expiration du délai de réponse fixé au 12 février 2020. Les redressements ont été maintenus dans la réponse aux observations du contribuable du 30 juin 2020. Par un courrier du 30 juin 2020, l'administration a également mis à la charge de la société Bameco l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts au motif qu'elle n'avait pas désigné les bénéficiaires des sommes réputées distribuées. Ces impositions ont été mises en recouvrement par trois avis du 30 octobre 2020 et du 4 janvier 2021 pour un montant total de 1 897 500 euros. Les trois réclamations déposées par la société Bameco les 30 novembre 2020, 22 février 2021 et 11 mai 2021 ont fait l'objet d'une décision d'admission partielle le 20 mai 2021. La quatrième réclamation de la société requérante, présentée le 2 juin 2021 a fait l'objet d'une décision de rejet du 9 juin 2021. Par une première requête, la société Bameco a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restés à sa charge pour un montant total de 1 828 788 euros, soit 655 076 euros de droits et 1 173 712 euros de pénalités. Par une cinquième réclamation du 31 janvier 2022, transmise d'office au tribunal en application du 3ème alinéa de l'article R. 1991 du livre des procédures fiscales, la société Bameco demandait la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs à la formation professionnelle continue et de taxe sur les véhicules des sociétés mis à sa charge au titre des années 2016, 2017 et 2018 et de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1729 D du code général des impôts auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2018. La société requérante relève appel du jugement n° 2101188 et n° 2200674 du 6 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel tendant à la décharge des amendes prévues aux articles 1788 A et 1729 H du code général des impôts :

2. En l'absence de toute contestation portée par la société requérante, dans ses cinq réclamations préalables visées au point précédent à l'encontre des amendes prévues aux articles 1788 A et 1729 H du code général des impôts qui lui ont été infligées, ses conclusions tendant à leur décharge sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité./ Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ". Aux termes de l'article 310 E de l'annexe II au même code, dans sa version applicable au litige, concernant la taxe sur les véhicules des sociétés : " La taxe est annuelle, la période d'imposition s'étendant du 1er octobre de chaque année au 30 septembre de l'année suivante ". En vertu des dispositions de l'article 406 bis de l'annexe III au même code, dans leur version applicable au litige, la taxe fait l'objet d'une déclaration souscrite dans les deux mois qui suivent l'expiration de chaque période d'imposition et doit être acquittée lors du dépôt de cette déclaration. Pour chaque période annuelle d'imposition, la taxe est liquidée par trimestre, en fonction du nombre et des caractéristiques des véhicules possédés par le redevable au premier jour du trimestre ou utilisés par celui-ci au cours de ce trimestre, le montant de la taxe due pour un trimestre et au titre d'un véhicule étant égal au quart du taux annuel fixé à l'article 1010 du code général des impôts.

4. L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude.

5. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité du 17 janvier 2019 adressé à la société Bameco l'informait que le contrôle dont elle ferait l'objet porterait sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 pour l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées ainsi que les déclarations fiscales de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier au 31 novembre 2018. La société Bameco fait valoir que la période ainsi visée n'incluait pas entièrement celle au titre de laquelle la taxe sur les véhicules de société avait été établie, qui comprenait en sus la période du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2015 et que par conséquent, le rappel de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 était irrégulier au regard des garanties de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en ce que l'avis de vérification de comptabilité visait une période postérieure au début de la première période imposée à la taxe sur les véhicules de société. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale en défense, les véhicules de la société requérante figuraient au bilan d'ouverture du premier exercice vérifié, établi au 1er janvier 2016. Ainsi, le service a pu déduire, sans procéder à la vérification de l'exercice précédent, que la taxe sur les véhicules de société avait été omise au moins sur le dernier trimestre de l'exercice précédant le premier exercice vérifié. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que le service vérificateur aurait procédé à l'examen de documents comptables se rapportant à une période antérieure au 1er janvier 2016. Dans ces conditions, l'imposition en litige procède des seuls éléments obtenus à l'occasion de l'exploitation des documents comptables relatifs à la période mentionnée dans l'avis de vérification précité, et non d'investigations traduisant la mise en œuvre d'une vérification de comptabilité au titre d'un exercice distinct de ceux annoncés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale a méconnu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de rectification contradictoire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...) ".

7. La société Bameco soutient que la procédure d'imposition est irrégulière au motif que l'administration fiscale ne lui a pas communiqué un document récapitulant l'intégralité des conséquences financières résultant des rectifications notifiées par les deux propositions de rectification du 12 décembre 2019 et le courrier du 30 juin 2020 mettant à sa charge l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, ces pièces de procédure indiquant séparément les conséquences financières des rectifications qu'elles envisageaient. Toutefois, comme l'ont retenu les premiers juges, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'une telle obligation procédurale incombe à l'administration. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

9. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 19 décembre 2012 comporte la désignation des impôts concernés, des années d'imposition et des bases d'imposition. S'agissant plus particulièrement de la motivation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, il est mentionné dans cette proposition de rectification le contexte des opérations de contrôle à la suite du redressement judiciaire de la société Bameco ainsi que les périodes au titre desquelles elle n'avait déclaré aucune opération relative à la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il s'agisse de taxe collectée ou de taxe déductible, alors que la société exerce une activité de façon ininterrompue. Sont exposés les articles du code général des impôts dont il est fait application et les insuffisances de taxe collectée et de taxe déductible, détaillées en annexes, sont récapitulées dans des tableaux mensuels. Comme l'indique la société requérante elle-même, la proposition de rectification présente également un tableau récapitulatif des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des deux années 2016 et 2017 ainsi que pour la période du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2018 et son annexe 1 expose la situation créditrice de la déclaration de mars 2018 pour un montant de 219.785 euros. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la détermination du montant de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2018 est insuffisamment motivée pour la raison, selon elle, que les modalités de détermination des droits mis en recouvrement d'un montant de 89 629 euros ne sont pas explicitées dans les conséquences financières figurant dans la proposition de rectification du 12 décembre 2019. A cet égard, il ressort du tableau des conséquences financière de la proposition de rectification en litige que ce montant de 89 629 euros correspond au rappel reporté antérieur, indiqué dans le tableau des conséquences financières au titre de 2017 qui correspond lui-même au crédit intermittent déclaré en fin d'exercice 2017 sur les déclarations de TVA de la société. Enfin, la société requérante soutient que cette proposition de rectification est insuffisamment motivée au motif qu'elle ne précise pas " l'origine et la détermination " des montants rectifiés de huit factures, comptabilisés hors taxe, au titre des exercices 2016 et 2017. Toutefois, à la page 30 de cette pièce de procédure, sont évoquées les modalités d'établissement des factures par la société Bameco ainsi que ses erreurs de comptabilisation relatives au montant des produits à enregistrer, constatées en particulier pour les huit factures en litige. En outre, un tableau retrace les modalités de calculs des montants rectifiés de ces factures et il est également indiqué qu'un droit de communication a été exercé auprès des clients concernés. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 12 décembre 2019 doit être écarté comme manquant en fait dans toutes ses branches.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réception de la proposition de rectification du 12 décembre 2019, la société Bameco a demandé, comme le lui permettait les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la prorogation du délai de trente jours pour produire ses observations. La société requérante soutient qu'en se bornant à lister dans les annexes 2 à 4 de la proposition de rectification n° 3924 les encaissements bancaires qui n'auraient pas figurés dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, sans " pointer " ses encaissements, l'administration fiscale l'a privée de la possibilité de produire utilement ses observations. Il résulte toutefois de l'instruction que dans ses observations, présentées le 24 février 2020, soit postérieurement au nouveau délai qui lui avait été accordé et qui expirait le 12 février 2020, la société requérante n'a communiqué au service aucune précision quant aux encaissements litigieux relatifs à une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée, se bornant à indiquer que " les encaissements peuvent concerner des opérations relevant de taux différents de TVA et, même, relever de l'autoliquidation ". Or, il ne ressort pas de ce courrier que la société requérante ait rencontré des difficultés pour identifier les encaissements en litige, nonobstant la circonstance, invoquée en appel, que dans les annexes 2 à 4, l'administration n'ait pas " pointé " la totalité de ses encaissements, ce qu'elle n'était pas dans l'obligation de faire. Dans ces conditions, l'appelante ne saurait soutenir qu'en se bornant à lister dans ces annexes les encaissements bancaires qui n'auraient pas figurés dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, sans lister la totalité de ses encaissements, elle a été privée de la possibilité de produire utilement ses observations sur les rehaussements envisagés en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu le principe du contradictoire tel que prévu à l'article L. 57 du livre des procédure fiscale précité et rappelé, dans son volet procédural, par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

12. Comme indiqué au point 10 du présent arrêt, il est constant que, suite à la réception de la proposition de rectification n° 3924 du 12 décembre 2019, la société Bameco a demandé la prorogation du délai de trente jours pour produire ses observations qu'elle a finalement présentées, le 24 février 2020, soit au-delà du délai de soixante jours dont elle disposait en application des dispositions précitées des articles L. 11 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Dès lors, elle doit être regardée comme ayant tacitement accepté les rehaussements. Par ailleurs, la société requérante a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de taxe d'apprentissage, formation professionnelle continue et taxe sur les véhicules de société au titre de l'année 2018, dont les conséquences financières ont été notifiées dans une proposition de rectification n° 2120 du 12 décembre 2019 à laquelle elle s'est abstenue de répondre. Elle est donc réputée avoir tacitement accepté les rehaussements notifiés. Par conséquent, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions concernées pèse sur la société, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

13. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre (...) ".

S'agissant des produits non comptabilisés :

14. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que les documents et renseignements obtenus par l'administration fiscale dans le cadre du droit de communication qu'elle a exercé auprès des sociétés I2CR, Demathieu et Bard, Rabot Dutilleul et BCS Usine Tontarelli lui auraient été opposés sans être corroborés par des constatations propres à son entreprise. Au contraire, il est clairement indiqué dans la proposition de rectification du 12 décembre 2019 que les rehaussements en litige résultent de l'examen de sa comptabilité et des factures qu'elle avait émises ainsi que des erreurs de comptabilisation, constatées par le service, relatives au montant des produits à enregistrer concernant les factures n°307, 314, 324, 333 et 336 au titre de l'exercice 2016 et n°348, 414 et 421 au titre de l'exercice 2017 émises par l'appelante auprès des clients précités. Par suite, ce moyen doit être écarté.

S'agissant de la déduction des charges :

15. Il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle, l'administration fiscale a relevé que la comptabilité de la société Bameco comportait de graves irrégularités et l'a, en conséquence, écartée comme étant non sincère et non probante. En outre, le service a constaté que pour l'année 2016 et au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 mars 2017, la société requérante avait comptabilisé des charges, s'élevant, respectivement, à 2 045 259 euros et 123 694 euros, pour lesquelles elle n'avait produit aucun justificatif. Toutefois, dans un souci de réalisme économique, l'administration a admis en déduction 73 % des charges comptabilisées par la société pour cette période. Ce ratio a été déterminé par le service vérificateur sur la base des charges comptabilisées et présentées par la société requérante au titre de la période postérieure, d'avril à décembre 2017, corrigées des factures non présentées et des doublons de facturation ainsi que du montant des charges finalement admises en déduction, après rectifications, au titre de cette même période. En effet, le service a constaté que, pour la période d'avril à décembre 2017, des charges avaient été déduites par l'appelante en l'absence de facture, pour un montant de 216 749 euros hors taxe, et que des doublons de facturation avaient été comptabilisés pour un montant de 136 636 euros hors taxe. La déduction de ces charges, d'un montant total de 353 384,93 euros hors taxe, a donc été remise en cause dans la proposition de rectification du 12 décembre 2019. Les charges ayant fait l'objet de ces rehaussements ont été identifiées dans un tableau joint en annexe 11 de cette pièce de procédure. Toutefois, par une décision du 20 mai 2021, l'administration a admis en déduction les montants résultant de factures présentées par la société Bameco qui pouvaient être rapprochées des rectifications réalisées, soit un montant total de 33 400,10 euros hors taxe et 6 680,02 euros de taxe sur la valeur ajoutée.

Quant au ratio d'admission des charges retenu par l'administration pour la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017 :

16. La société requérante soutient que la méthode de reconstitution des charges déductibles au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017 est radicalement viciée dans son principe au motif que l'administration ne pouvait pas extrapoler pour cette période le taux de réintégration de charges de 27 % constaté lors de la période d'avril à décembre 2017. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le taux de réintégration de 27 % retenu par l'administration doit être ramené à 11 % compte tenu du fait qu'elle a admis la déduction de douze factures d'un montant total de 33 400,10 euros hors taxe et que l'existence des prestations est justifiée par les factures pro-forma produites, soit un redressement de 224 978 euros pour l'année 2016 et 13 606 euros pour la période du 1er janvier au 31 mars 2017.

17. Toutefois, comme le fait valoir l'administration en défense, le service vérificateur n'a pas procédé à une reconstitution de chiffres d'affaires de la société requérante. En l'absence de comptabilité probante et de tout justificatif produit par la société Bameco, l'administration fiscale a seulement admis en déduction, dans un souci de réalisme économique, des charges pour un montant forfaitaire afférentes aux comptes 60 à 63 selon le ratio de 73 % déterminé selon la méthode exposée au point 15 du présent arrêt. Or, la requérante ne démontre pas que l'évaluation par référence à la période d'avril à décembre 2017 des charges de la société afférents aux comptes 60 à 63 pour la période antérieure, serait par principe radicalement viciée, alors qu'au demeurant les montants additionnés des charges pour lesquelles des factures justificatives ont été présentées après le contrôle, sont inférieurs à ceux retenus par l'administration par l'application d'un taux forfaitaire, lequel était de 872 421,56 euros pour 2016. A cet égard, et comme l'indique l'administration en défense, seule la production de justificatifs pour un montant supérieur à celui admis forfaitairement par l'administration serait susceptible de majorer le montant des charges déductibles. Or, en produisant de nouvelles factures portant sur un montant total de 65 013,48 euros toutes taxes comprises ainsi que les bulletins de salaires de l'année 2016 représentant un total de charges de personnel s'élevant à 125 275,12 euros, la société requérante ne démontre pas que le montant retenu par le service des charges déductibles doit être majoré. En outre, la circonstance, invoquée à titre subsidiaire par la société requérante, que le service dans sa décision du 20 mai 2021 a admis la déduction de douze factures d'un montant total de 33 400,10 euros hors taxe ne saurait justifier que le taux de réintégration de 27 % retenu par l'administration soit ramené à 11 %. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la majoration du montant de charges forfaitairement admis par le service.

Quant aux charges justifiées par des factures pro-forma :

18. La société soutient que l'administration devait admettre, pour la période d'avril à décembre 2017, la déductibilité des charges justifiées par des factures pro-forma à hauteur de 177 316,33 euros, après s'être assurée de leur règlement, dans le cadre de l'exercice d'un droit de communication auprès de ses fournisseurs. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration, en présence de tels documents provisoires, de s'assurer de l'existence de factures définitives et de leurs paiements auprès des fournisseurs en exerçant un droit de communication. A cet égard, si la société requérante affirme qu'elle a été dans l'impossibilité de présenter les factures au titre de cette période au motif qu'elles auraient été brûlées en 2018 dans un incendie, elle n'en justifie par aucun commencement de preuve. Pour les mêmes raisons, la société Bameco ne saurait soutenir qu'elle a été imposée sur un revenu fictif dès lors que les factures pro-forma qu'elle a comptabilisées ne sont pas des documents comptables mais des documents provisoires qui ne permettent pas d'évaluer avec certitude des montants qui seront facturés au client sous la seule réserve que ce dernier accepte les conditions d'achat. Par suite, c'est légalement et, en tout état de cause, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques ainsi que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des charges justifiées par des factures pro-forma à hauteur de 177 316,33 euros.

Quant aux indemnités de déplacement :

19. La société Bameco soutient que les indemnités de déplacement comptabilisées au compte n° 641400 pour des montants de 54.824 euros pour l'année 2016 et 32.199 euros pour l'année 2017 et au compte n° 641450 pour des montants de 2.570 euros pour l'année 2016 et de 5.266 euros pour l'année 2017 sont déductibles de ses résultats imposables au motif qu'elles ont été mentionnées sur les bulletins de salaire et que l'administration ne soutient pas que le salaire des bénéficiaires, augmenté de ces indemnités, porte leur rémunération à un montant excessif. Toutefois, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir l'administration, ces sommes n'ont pas pu être identifiées sur les fiches de salaires produites. En tout état de cause, à supposer même que ces sommes aient été mentionnées sur lesdits bulletins de salaire, cette circonstance ne saurait justifier leur caractère déductible dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles sont rattachées aux fonctions exercées dans l'entreprise alors que les rehaussements étaient fondés sur l'absence de toute information, tant sur la qualification exacte des indemnités et avantages que sur leur mode de détermination. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a considéré que des dépenses de même nature avaient été remboursées deux fois et qu'elle a remis en cause la déduction des remboursements des indemnités et avantages. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Quant aux amortissements excédentaires sur voitures particulières :

20. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la seule circonstance que, dans le cadre d'un contrôle, portant sur les exercices 2020 et 2021, par un courrier du 2 décembre 2024, l'interlocuteur régional a accepté, dans une volonté de conciliation, de retenir une durée d'amortissement excédentaires sur les voitures particulières sur cinq ans ne saurait justifier qu'une telle durée soit applicable aux exercices en litige faute pour la société d'apporter en ce sens des éléments propres à sa situation de nature à justifier cette durée d'amortissement. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

21. Aux termes des dispositions de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels (...) ".

22. Il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la proposition de rectification n°3924 du 12 décembre 2019, que pour la période du 9 septembre 2016 au 31 mars 2017, la société Bameco n'a pas indiqué sur ses déclarations CA3 d'opérations donnant lieu à une taxe sur la valeur ajoutée déductible et n'a pas présenté de factures justificatives. En outre, compte tenu des très nombreuses erreurs constatées pour les mois d'avril 2017 à novembre 2018, à savoir la comptabilisation de doublons et la comptabilisation d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible en l'absence de factures, la taxe sur la valeur ajoutée comptabilisée dans les comptes de taxe sur la valeur ajoutée de la société requérante n'a pas été admise en déduction. Néanmoins, pour la période allant de septembre 2016 à mars 2017, l'administration a admis en déduction une taxe sur la valeur ajoutée déductible, calculée à partir du ratio des charges admises en déduction, soit un ratio de 73%.

23. En premier lieu, la société Bameco soutient qu'elle est en droit d'obtenir une déduction complémentaire de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant égal à 27% du montant des factures qu'elle a produites à l'appui de ses réclamations préalables. Toutefois, il ressort des termes de la proposition de rectification du 12 décembre 2019 que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée admise en déduction par l'administration pour la période du 1er septembre 2016 au 31 mars 2017 a été déterminé par l'application d'un taux forfaitaire de 73%, calculé selon les principes rappelés au point 15 du présent arrêt, au montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant dans la comptabilité de la société. Or, en se bornant à produire les fichiers des écritures comptables au titre des deux années 2016 et 2017, dans lesquels la société requérante a identifié des écritures qui correspondraient, selon elle, aux factures produites ainsi qu'un tableau dressé par ses soins de ces mêmes factures pour l'année 2016, la société Bameco, qui ne verse toujours pas en appel les factures dont elle se prévaut, n'est pas en mesure de justifier d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible supérieur à celui déterminé forfaitairement par l'administration.

24. En deuxième lieu, la société requérante soutient qu'un montant de 13 002,70 euros doit être déduit de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'exercice 2016, correspondant aux factures qu'elle produit pour la première fois en appel et qui n'ont pas été comptabilisées au titre de cet exercice. Toutefois, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir l'administration en défense, la taxe sur la valeur ajoutée admise forfaitairement en déduction par le service s'est élevée à un montant de 19 980 euros pour la période allant de septembre à décembre 2016. Aussi, en produisant de nouvelles factures portant sur un montant total de 65 013,48 euros toutes taxes comprises, soit 13 002,70 euros de taxe sur la valeur ajoutée, la société requérante ne démontre-t-elle pas que le montant de taxe sur la valeur ajoutée retenu par le service doit être majoré. Par suite, ce moyen doit être écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". En se bornant à affirmer qu'en dépit de l'absence de présentation de factures, l'administration fiscale avait la possibilité, en vertu du " principe de réalisme économique " de calculer forfaitairement le pourcentage de la taxe sur la valeur ajoutée déductible par rapport à la taxe collectée pour la période du 8 septembre 2016 au 30 novembre 2018, la société requérante, qui ne produit aucun élément justifiant d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible supérieur à celui déterminé forfaitairement par l'administration, ne saurait soutenir que l'administration a méconnu le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. En outre, elle ne peut utilement se prévaloir de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Waldner c/ France (n° 26604/16, 7 décembre 2023), par lequel la Cour a jugé contraire à l'article 1er du Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme la majoration d'assiette de 25 % prévue au 1°du 7 de l'article 158 du code général des impôts, applicable aux contribuables relevant des catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles, en l'absence d'adhésion à un organisme de gestion agréé. Cette décision, rendue dans le cas d'une majoration d'assiette automatique et forfaitaire fondée sur une présomption de revenus et susceptible d'entraîner une surcharge financière disproportionnée à l'égard du contribuable, n'est pas transposable à la présente affaire, qui concerne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en application des articles 271 et suivants du code général des impôts en l'absence de pièces justificatives et notamment de factures produites par la société. Les deux dispositifs poursuivent des finalités différentes, relèvent de cadres juridiques distincts, et ne sont pas comparables au regard des garanties procédurales et substantielles applicables. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne ne peut qu'être écarté.

26. En dernier lieu, si la société requérante soutient qu'un crédit de taxe de 143 615 euros doit être imputé sur le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au motif que cette somme aurait été constatée par le service dans la proposition de rectification du 12 décembre 2019, il ressort de cette pièce de procédure que ce crédit de taxe a été pris en compte dans les conséquences financières pour la détermination des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

27. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 117 de ce code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable./ Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations.".

28. En premier lieu, il résulte de l'instruction que dans la proposition de rectification du 12 décembre 2019, page 52, le président de la société Bameco a été invité à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes les indications relatives à la désignation des bénéficiaires des revenus distribués dont l'identification n'avait pas pu être réalisée, en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts. Les sommes visées par la désignation des bénéficiaires concernaient, d'une part, les distributions au sens des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts relatives aux charges non déductibles en raison de l'absence de présentation des factures pour les montants de 552 220 euros en 2016 et 293 543 euros en 2017 et pour lesquelles un procès-verbal de défaut de présentation des justificatifs de charges a été dressé par le service et a été signé par le représentant légal de la société Bameco. D'autre part, la proposition de rectification en litige visait les distributions au sens du c) de l'article 111 du même code concernant les indemnités et avantages divers non justifiés et non individualisés pour les montants de 57 394 euros en 2016 et 37 464 euros en 2017. Il est expressément indiqué dans cette pièce de procédure qu'à défaut d'une telle désignation, serait infligée à la société Bameco l'amende fiscale prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, dont les montants étaient de 609 614 euros au titre de l'année 2016 et de 331 007 euros au titre de l'année 2017. A cet égard, la société requérante ne saurait soutenir que les modalités de détermination de la somme de 43 396 euros, identifiée par le service comme un revenu distribué page 50 de la proposition de rectification du 12 décembre 2019, au paragraphe 7.2.5-1 n'ont pas été précisées dès lors que ce montant correspond à la taxe sur la valeur ajoutée relative aux charges non déductibles non justifiées pour un montant de 216 749,42 euros et ne faisant pas l'objet de doublon, lesquelles sont listées à l'annexe 11 de la proposition de rectification du 12 décembre 2019. Dans ces conditions, la proposition de rectification adressée à la société Bameco indique, de manière suffisamment précise les motifs de droit en vertu desquels la pénalité de l'article 1759 du code général des impôts peut être liquidée, le taux de cette pénalité et son montant au cas d'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette pénalité doit être écarté.

29. En deuxième lieu, la société requérante, qui entend se prévaloir du délai de prescription, ne saurait utilement soutenir que les informations utilisées par l'administration fiscale pour taxer les bénéficiaires des revenus distribués au titre de l'année 2016 ne pouvaient pas être invoquées en 2020 dès lors que l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts sanctionne le refus de la société Bameco de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus, comme elle était invitée à le faire dans la proposition de rectification du 12 décembre 2019. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

30. En troisième lieu, en déterminant le montant de l'amende mentionnée au point 27 en fonction de celui des sommes versées ou distribuées par la société à des personnes dont l'identité n'a pas été révélée, les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ont retenu une assiette en rapport avec l'infraction commise, tenant au refus de révéler l'identité des personnes à qui ces sommes ont été versées ou distribuées. En appliquant à ce montant un taux de 100 % à la société distributrice en raison de son manquement à ses obligations résultant de l'article 117 précité, les dispositions contestées, qui ont pour objet d'instituer une sanction destinée à lutter contre la fraude fiscale en incitant les personnes morales qu'elles visent à respecter leurs obligations déclaratives, ont retenu un montant d'amende proportionné à la gravité du manquement qu'elles répriment et, eu égard notamment au préjudice pécuniaire qui peut en résulter pour le Trésor, ne portent pas une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par conséquent, la société Bameco n'est pas fondée à soutenir qu'en l'espèce, l'amende qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère disproportionné au motif qu'elle n'a pas sciemment fait obstacle au pouvoir de contrôle de l'administration et qu'elle n'a pas été complice d'une fraude. Par suite, l'administration a pu à bon droit assujettir la société requérante à l'amende, prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, au titre des deux exercices litigieux.

31. En dernier lieu, si la société Bameco soutient que l'existence des distributions sur lesquelles est assise l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 n'est pas établie, les rehaussements de ses résultats imposables opérés par l'administration fiscale sont réputés constituer des revenus distribués, par application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et la société requérante ne démontre pas que ces rehaussements seraient infondés, ainsi qu'il vient d'être dit. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les majorations appliquées aux taxes assises sur les salaires :

32. Aux termes de l'article 235 ter KA du code général des impôts alors applicable : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-2 du code du travail, les employeurs de moins de onze salariés consacrent au financement des actions de formation professionnelle continue un pourcentage au moins égal à 0,55 % du montant des rémunérations versées ". Aux termes de l'article 235 ter KC dudit code, alors applicable : " Conformément et dans les conditions prévues à l'article L. 6331-6 du code du travail, le versement prévu à l'article 235 ter KA est majoré du montant de l'insuffisance constatée. ". Aux termes de l'article 1599 ter I du même code alors applicable : " A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant de la taxe d'apprentissage aux organismes collecteurs habilités en application des articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la taxe, acquitté selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, est majoré de l'insuffisance constatée. ". Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".

33. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de versements libératoires, les droits de la taxe d'apprentissage et ceux relatifs à la formation professionnelle continue ont fait l'objet des majorations de 100 % prévues aux dispositions précitées des articles 1599 ter I et 235 ter KC du code général des impôts, auxquels s'est ajoutée la pénalité de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts en cas de défaut de production d'une déclaration dans les délais prescrits. Si la société Bameco soutient que le niveau de ces sanctions est manifestement disproportionné au regard des manquements réprimés, ce qui méconnaitrait les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, les articles 1599 ter I, 235 ter KC et 1728 du code général des impôts poursuivent l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude en matière fiscale. Le montant des majorations prévu aux deux premiers articles, égal aux insuffisances constatées, correspond à la part inexécutée de l'obligation fiscale qui s'impose aux employeurs compte tenu des rémunérations qu'ils versent. Par ailleurs, les dispositions de l'article 1728 proportionnent les pénalités qu'elles prévoient à l'importance des impositions éludées et à l'importance du manquement déclaratif commis par le contribuable. Aussi, compte tenu de l'objectif et de la portée des articles 1599 ter I, 235 ter KC et 1728 du code général des impôts, qui prévoient que les pénalités infligées sont proportionnelles aux droits éludés, la société Bameco n'est-elle pas fondée à soutenir que ces articles institueraient des sanctions disproportionnées au regard des exigences de l'intérêt général poursuivi et méconnaîtrait pour ce motif le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

34. Il résulte de ce qui précède que la SASU Bameco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SASU Bameco est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Bameco et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC00753 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00753
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SELARL AHMED HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;23nc00753 ?
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