Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Par un jugement n° 2403567 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2024, M. C..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; à défaut d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les quinze jours suivant le jugement à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- la préfète n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation et n'a pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation familiale ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est fondée sur une décision portant refus de séjour elle-même illégale ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe né en 1975, déclare être entré en France le 29 juillet 2019. Sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 octobre 2019, puis la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 septembre 2020. La demande de réexamen de sa demande d'asile a été placée en procédure accélérée et rejetée par l'OFPRA le 13 mars 2023 dont la décision a été confirmée par la CNDA le 30 août 2023. Par arrêté du 18 avril 2024, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 18 juillet 2024, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêté contesté que la préfète du Bas-Rhin, après avoir rappelé le rejet de la demande d'asile présentée par M. C... par l'OFPRA et la CNDA ainsi que les conditions relatives à l'état de santé de l'intéressé, a examiné l'ensemble de sa situation personnelle et familiale et a vérifié, au vu des éléments dont elle avait connaissance, que le refus d'admission au séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. En vertu des dispositions précitées, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9 du code précité, doit émettre son avis, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'OFII, dont il peut solliciter la communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 précité, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
7. Pour refuser de délivrer à M. C... la carte de séjour temporaire prévue par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin a pris en considération l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 31 janvier 2024 selon lequel l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.
8. M. C... soutient qu'il souffre de varices des membres inférieurs, de diabète de type II, de dyslipidémie, de surpoids et d'une hernie discale. Il ressort des certificats médicaux produits par l'intéressé que la hernie discale dont il est affecté a donné lieu à une opération le 20 mars 2020 et que les varices ont donné lieu à une intervention le 16 juin 2022. Si M. C... soutient que sa hernie lombaire doit donner lieu à une nouvelle intervention, le certificat médical qu'il produit ne comporte aucune date certaine ni aucune précision sur la réalité d'une telle intervention. Par ailleurs, la seule production d'une ordonnance datée du 23 novembre 2023 ne permet pas d'établir que M. C... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine. Par suite, il n'apparait pas que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur dans l'appréciation de la situation de M. C..., et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En troisième lieu, à supposer qu'il soit soulevé, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. M. C... se prévaut de la durée de sa présence en France avec ses enfants. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, le requérant déclare être entré en France en 2019 à l'âge de 44 ans. Il s'est maintenu sur le territoire français durant le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile puis de sa demande de réexamen, sans jamais être titulaire d'un titre de séjour. Les certificats de scolarité de ses enfants et les attestations de participation à des activités associatives ne permettent pas, à eux seuls, d'établir la réalité de son intégration dans la société française ou l'intensité de ses attaches en France, qui se limitent à ses enfants, qui ont la même nationalité. Sa fille mineure, A..., née en 2007 en Russie, peut accompagner son père dans leur pays d'origine, où M. C... a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans et où la cellule familiale pourra se reconstituer. Si son fils, B..., né en 2004, a obtenu le statut de réfugié, il doit être regardé, eu égard à son âge et malgré sa scolarité, comme ayant constitué sa propre cellule familiale. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour en France du requérant, la préfète du Bas-Rhin n'a pas, en prenant la décision attaquée, porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
12. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision fixant le pays de renvoi doivent être annulées en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Airiau.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC02195