Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306081 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 15 mars 2023 et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 janvier et 24 mai 2024, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter les demandes de Mme A....
Elle soutient que :
- plusieurs des médicaments dont Mme A... a bénéficié dans le cadre de son traitement contre les rhumatismes inflammatoires chroniques contiennent le même principe actif et sont disponibles dans son pays d'origine ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 27 mars et 10 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Berry, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que les moyens de la requête de ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante géorgienne née en 1976, déclare être entrée en France le 13 octobre 2018. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protections des réfugiés et apatrides le 28 février 2019 dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 juillet 2019. Mme A... a alors sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 18 décembre 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 15 mars 2023 et lui a fait obligation de délivrer à l'intéressée un titre de séjour dans un délai de deux mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 précité, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France.
5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il peut solliciter la communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
6. En l'espèce, par un avis du 2 janvier 2023, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, elle pourrait y bénéficier d'un traitement approprié, l'intéressée pouvant, à la date de cet avis, voyager sans risque vers son pays.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est affectée de rhumatismes inflammatoires chroniques. Avant son arrivée en France, Mme A... a fait l'objet de traitements médicamenteux en Géorgie qui n'ont pas permis de stabiliser l'évolution de la maladie et ont entrainé une arthropathie des genoux nécessitant la pose de prothèses totales aux deux genoux en 2020 et 2021. L'évolution de la maladie a justifié un traitement par perfusion d'infliximab toutes les six semaines. Un certificat médical établi par un rhumatologue des hôpitaux universitaires de Strasbourg le 2 mai 2023 précise toutefois que la patiente a été traitée pendant de nombreuses années par Remicade et Inflectra et que, ce traitement s'étant révélé inefficace, il a été remplacé par Remsima. Le certificat indique que l'état de santé de Mme A... présente une amélioration depuis l'instauration de ce traitement par Remsima dont l'arrêt pourrait être associé à une rechute de la maladie. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment d'un courrier du ministère géorgien de la santé en date du 16 juin 2023, que le médicament dénommé " REMSIMA 100 mg " n'est pas disponible dans ce pays. La préfète du Bas-Rhin soutient que le principe actif du Remsima, l'infliximab, est disponible en Géorgie sous d'autres formes commerciales et que les études médicales démontrent que toutes les formes de ce principe actif ont la même efficacité. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 2 mai 2023, que seul l'infliximab administré sous la forme d'injection de Remsima permet une amélioration de l'état de santé de Mme A.... Par suite, il n'existe pas de traitement approprié à l'état de santé de Mme C... en Géorgie, sans qu'ait d'incidence la circonstance que des traitements équivalents sont disponibles dans cet Etat.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 15 mars 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique en mettant à ce titre la charge de l'Etat le versement à Me Berry de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.
Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à Me Berry, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Berry renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Mme B... et à Me Berry.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC00061