Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2202284 du 17 août 2023, le tribunal administratif de Nancy, après avoir regardé la demande comme dirigée contre la décision du 16 septembre 2022 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a explicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a rejetée.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Cissé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 août 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 16 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros TTC à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision implicite est insuffisamment motivée ;
- la décision du 16 septembre 2022 méconnaît les articles 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kohler a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, est entrée sur le territoire français le 2 février 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Après le rejet de précédentes demandes de titres de séjour et deux premières mesures d'éloignement prononcées à son encontre en 2015 et 2020, qu'elle n'a pas exécutées, elle a sollicité, le 22 septembre 2021, la délivrance d'un certificat de résidence en invoquant sa vie privée et familiale. Le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par une décision du 16 septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a explicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme B... fait appel du jugement du 17 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté que la décision expresse de refus de titre de séjour du 16 septembre 2022 s'était entièrement substituée à la décision implicite née du silence initialement gardé sur sa demande, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, si le silence gardé par l'administration sur une demande fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.
3. En l'espèce, comme l'a relevé le tribunal, les conclusions présentées par Mme B... dirigées contre la décision implicite refusant de lui délivrer un titre de séjour doivent être regardées comme étant dirigées contre la décision explicite du 16 septembre 2022 qui s'y est substituée. Mme B... ne peut donc utilement soutenir qu'elle a demandé communication des motifs de la décision implicite de refus de titre de séjour et que cette décision implicite est insuffisamment motivée.
4. Si le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige devait être regardé comme dirigé contre la décision explicite du 16 septembre 2022, il ressort des mentions de cette décision qu'elle comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme B... se prévaut de la durée de son séjour en France, de la présence de son fils et de son petit-fils de nationalité française et de l'assistance qu'elle apporte à sa tante chez qui elle est hébergée. S'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée était présente sur le territoire depuis plus de huit ans à la date de la décision en litige, la seule production des documents d'identité de son fils et de son petit-fils ne permet pas d'établir qu'elle entretient avec son fils, qui a créé sa propre cellule familiale, des liens particuliers. Par ailleurs, si la requérante fait valoir qu'elle est hébergée par sa tante depuis 2019 et se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec cette dernière pour lui apporter une assistance quotidienne, Mme B... n'apporte aucun élément de nature à établir que l'état de santé de sa tante nécessite la présence d'un aidant dans la vie quotidienne ni qu'elle serait la seule personne en mesure de lui apporter le soutien nécessaire alors, au demeurant, qu'elle ne dispose d'aucune autorisation de travail. Enfin, Mme B... ne démontre pas, malgré la durée de sa présence en France, y avoir d'autres liens d'une ancienneté ou intensité particulières. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour en litige ne peut être regardée comme portant au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2022. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Cissé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- Mme Kohler, présidente assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
Signé : J. Kohler
Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 23NC03403