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10/07/2025 | FRANCE | N°23NC01156

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 10 juillet 2025, 23NC01156


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2202064 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet a

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 14 avril 2025, le pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2202064 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2025, le préfet du Doubs demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Besançon.

Il soutient que, eu égard à la menace pour l'ordre public que représente le comportement de M. A... et à l'absence de contribution à l'éducation et l'entretien de son fils, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros HT à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Doubs ne sont pas fondés.

Par une lettre du 22 février 2024, la cour a invité le préfet du Doubs, en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, à confirmer expressément le maintien de ses conclusions.

Par un mémoire enregistré le 21 mars 2024, le préfet du Doubs a expressément confirmé le maintien des conclusions de sa requête.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kohler a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 17 mai 2017. Le 4 juillet 2017, il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné jusqu'à sa majorité. Le 15 septembre 2020, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11, désormais codifié à l'article L. 423-7, et de l'article L. 313-15, désormais codifié à l'article L. 435-3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 octobre 2021, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 4 août 2022, cet arrêté a été annulé et il a été enjoint au préfet du Doubs de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois. Par un arrêté du 29 septembre 2022, le préfet du Doubs a de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Doubs fait appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de M. A..., annulé l'arrêté du 29 septembre 2022.

2. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'un enfant de nationalité française né le 15 mai 2019. S'il n'est pas contesté que M. A... ne vivait plus avec sa compagne et leur fils à la date de l'arrêté attaqué en raison des violences conjugales dont il s'est rendu coupable, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie n'avait cessé que depuis le 22 août 2022, soit depuis un peu moins de six semaines à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort également des pièces produites, en particulier de l'attestation établie le 31 octobre 2022 par le directeur du service des affaires scolaires de la Ville de Montbéliard et de l'attestation établie le 1er juin 2023 par la directrice de l'école primaire, que M. A... a procédé lui-même à l'inscription de son enfant pour l'année scolaire 2022/2023 et qu'il entretient des contacts réguliers avec le corps enseignant. En outre, il est constant que l'intéressé exerçait l'autorité parentale conjointe sur son fils. Cet élément est confirmé par l'avis favorable de la commission du titre de séjour du 4 janvier 2024, postérieur à l'arrêté en litige mais qui révèle des éléments qui lui sont antérieurs, selon lequel M. A... participe à l'entretien et l'éducation de son enfant en ce qu'il en a la charge les week-ends. Par ailleurs, il ressort des termes de l'attestation du 4 novembre 2022 établie par le médiateur familial, qui est également postérieure à l'arrêté en litige, que l'enfant de M. A... " se lance sans retenue dans les bras de son papa " lors des visites organisées les 11 octobre et 4 novembre 2022 et que " les retrouvailles sont joyeuses et pleines de complicité ". Il ressort également de l'attestation établie le 2 février 2023 par le service ayant accompagné M. A... pendant la période de son contrôle judiciaire que M. A..., après la fin de la vie commune avec sa compagne, a entrepris des démarches en vue de maintenir le lien avec son fils et d'être soutenu dans son rôle de père. Dans ces circonstances particulières, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français en litige prononcées le 29 septembre 2022, qui priverait le fils mineur de M. A... des rapports avec son père, ont été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant et méconnaissent ainsi les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Par suite, le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a, pour ce motif, annulé les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prononcées à l'encontre de M. A... et, par voie de conséquence, annulé la décision fixant le pays de destination.

Sur les frais de l'instance :

4. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Dravigny, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny de la somme de 1 000 euros TTC.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros TTC à Me Dravigny, avocate de M. A..., sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Dravigny et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- Mme Kohler, présidente assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

Signé : J. Kohler

Le président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 23NC01156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01156
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;23nc01156 ?
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