Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301336 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Hakkar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 5 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3-1 de convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... ressortissant nigérian né le 23 novembre 1982, est entré en France le 29 juillet 2017, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 septembre 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 février 2020, l'intéressé a sollicité son admission au séjour en se prévalant de sa situation familiale. En août 2022, il a de nouveau demandé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 5 mai 2023, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. C... fait appel du jugement du 17 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. C... fait valoir que présent en France depuis six ans, il a une communauté de vie avec une compatriote, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'en septembre 2025, avec laquelle il a eu deux enfants, nés en 2019 et 2021, dont il s'occupe et que le centre de ses intérêts est en France. Toutefois, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. Si l'intéressé justifie participer à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, B... et A..., qu'il a reconnus, et de l'existence d'une communauté de vie avec leur mère depuis 2021, il est constant qu'il a développé ces liens familiaux alors qu'il se trouvait en situation irrégulière. En outre, eu égard à la nationalité de sa compagne, aucun élément ne s'oppose à la reconstitution de leur cellule familiale au Nigéria. Il n'est pas établi, que ses enfants, compte tenu de leur très jeune âge, ne pourraient pas s'adapter à un changement de leurs conditions de vie et pour l'aîné, en classe de maternelle, y poursuivre une scolarité normale. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé, qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, est également père de deux autres enfants, mineurs, qui y vivent encore et qu'il n'y est ainsi pas dépourvu d'attaches familiales. Enfin, excepté sa cellule familiale, M. C... ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, et nonobstant sa communauté de vie avec une compatriote avec laquelle il a eu deux enfants, le préfet du Doubs, en adoptant l'arrêté en litige, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Si M. C... se prévaut du risque de séparation d'avec ses enfants présents en France, il ne justifie d'aucune circonstance qui s'opposerait à une reconstitution de l'ensemble de la cellule familiale au Nigéria, quand bien même sa compagne réside régulièrement en France, et où résident encore deux autres enfants également mineurs. Par suite, et eu égard à ce qui a été exposé précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être rejeté.
6. Il résulte de ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Hakkar.
Copie de l'arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : S. Barteaux
L'assesseur le plus ancien,
Signé : A. Lusset
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 23NC03288 2