Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 28 février 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2202225 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Mengus, demande à la cour :
1) d'annuler le jugement du 15 octobre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2) d'annuler la décision du 28 février 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer, d'une part, un titre de séjour, dans un délai de quinze jours suivant notification de la décision à venir, sous astreinte de
100 euros par jour de retard et, d'autre part, dans l'attente de la délivrance de son titre de séjour, un récépissé l'autorisant à travailler, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;
4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros TTC en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision du 28 février 2022 est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
. alors que cette décision fait référence à un arrêté du 24 juin 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, il ne l'a jamais reçue :
. il a été privé d'un droit au recours effectif car il n'a pas pu contester cette décision du 24 juin 2021 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation : la préfète n'a pas examiné les risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 6 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2025 à midi.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian né en 1991, est entré irrégulièrement en France le 26 mars 2018, selon ses déclarations. Il a présenté le 4 février 2020, une demande d'asile qui a été rejetée le 31 juillet 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 29 décembre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du
24 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 1er octobre 2021, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 28 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à cette demande. L'intéressé a alors demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette décision. M. A... relève appel du jugement du 15 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 février 2022 :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...).2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., arrivé en France en 2018, vit avec une compatriote en situation régulière qu'il a épousée le 20 juillet 2020 et avec laquelle il a eu trois enfants, nés en 2019, 2020 et 2024. Le cadet de ses enfants souffre de problèmes de santé qui nécessitent un suivi particulier. Par ailleurs, la directrice de l'école où sont scolarisés ses enfants atteste que l'intéressé vient les chercher à la sortie des cours, démontrant qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, avec l'aide de son épouse. La circonstance que le requérant pourrait solliciter le regroupement familial ne saurait être prise en considération pour apprécier l'atteinte à sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées, étant au demeurant observé que son épouse, sans emploi, ne satisfait pas aux conditions de ressources prévues à cet effet. Dans ces conditions, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision en litige a porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2022 de la préfète du Bas-Rhin portant refus de titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer ce titre à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, avec autorisation de travail.
Sur les frais de l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mengus, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mengus de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202225 du 15 octobre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La décision du 28 février 2022 prise à l'encontre de M. A... et portant refus de titre de séjour est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
Article 4 : L'Etat versera à Me Mengus, avocate de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Mengus.
Copie en sera adressé au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : S. Roussaux
Le président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC02960