La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2025 | FRANCE | N°24NC01598

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 juin 2025, 24NC01598


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... E... et Mme B... A..., épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 9 octobre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement nos 2400569, 2400570 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Strasb

ourg, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.





Procédures devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme B... A..., épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 9 octobre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2400569, 2400570 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 juin 2024, sous le n° 24NC01598, Mme E..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 avril 2024 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 octobre 2023 pris à son encontre ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, et, à défaut, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, au bénéfice de son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la décision refusant le titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car la décision litigieuse emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

II. Par une requête enregistrée le 17 juin 2024, sous le n° 24NC01599, M. E..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 avril 2024 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 octobre 2023 pris à son encontre ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, et, à défaut, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, au bénéfice de son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient les mêmes moyens que son épouse dans la requête enregistrée sous le n° 24NC01598.

Les deux requêtes ont été communiquées au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par deux ordonnances du 9 juillet 2024, la clôture d'instruction de ces deux requêtes a été fixée au 12 août 2024 à midi.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 16 mai 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme A..., épouse E..., ressortissants algériens nés en 1979 et 1987, sont entrés en France le 7 juillet 2016, sous couvert d'un visa de court séjour afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leur demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 juillet 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 novembre 2017. Par deux arrêtés du 15 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le recours formé contre ces décisions a été rejeté par le tribunal administratif de Strasbourg le 18 septembre 2018, puis par la cour administrative d'appel de Nancy le 25 février 2019. Par deux arrêtés du 29 avril 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé d'admettre les requérants au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le recours formé contre ces décisions a été rejeté par le tribunal administratif le 27 juillet 2021, puis par la cour administrative d'appel de Nancy le 15 avril 2022. Par la suite, les époux ont de nouveau sollicité leur admission au séjour en se prévalant de leur vie privée et familiale et de la scolarisation de leurs enfants. Par deux arrêtés du 9 octobre 2023, la préfète du Bas-Rhin a de nouveau refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir joint leurs deux demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 9 octobre 2023, les a rejetées. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 24NC01598 et 24NC01599, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 10 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

3. M. et Mme E... font valoir qu'ils résident en France depuis novembre 2017, qu'ils ont trois enfants, dont deux nés en France en 2016 et 2018 et qu'ils sont scolarisés. Pour démontrer leur bonne intégration en France, ils produisent des attestations de suivi de cours de français et d'activités bénévoles. Enfin, M. E... produit une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée en qualité de peintre en date du 9 juin 2022. Ces éléments, s'ils démontrent des efforts pour s'intégrer au sein de la société française, sont toutefois insuffisants pour regarder le refus de titre de séjour comme portant une atteinte à leur vie privée et familiale. Par ailleurs, s'ils font également valoir la présence en France de la mère et de la demi-sœur de la requérante, toutes deux de nationalité française, ainsi que de son frère et de sa sœur, titulaires d'un certificat de résidence algérien en cours de validité, la présence sur le territoire français de plusieurs membres de leur famille ne suffit pas à caractériser une vie privée et familiale d'une particulière intensité en France. En outre, ils ne démontrent ni même n'allèguent être dépourvus d'attaches en Algérie où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 36 ans et 29 ans et où demeurent le père et les quatre frères du requérant ainsi que le père de la requérante. Dans ces conditions, et en dépit de la durée de leur présence en France, les moyens tirés de ce que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises et méconnaîtraient par suite les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est également pas fondé.

4. En deuxième lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, le fait que les enfants des requérants soient scolarisés en France ne suffit pas à établir qu'un retour dans leur pays d'origine porterait atteinte à leur intérêt supérieur. Par ailleurs, les requérants ne démontrent pas que leurs trois filles seraient privées de la possibilité de poursuivre leur scolarité en Algérie, ni qu'elles seraient empêchées de rendre visite à leur grand-mère et tante maternelles en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, les décisions de refus de séjour n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité de ces décisions, doit être écarté.

7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle des requérants et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux point 3 et 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, relatives à l'aide juridique, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme B... A..., épouse E..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Berry.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

Nos 24NC01598, 24NC01599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01598
Date de la décision : 30/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-30;24nc01598 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award