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30/06/2025 | FRANCE | N°22NC02299

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 juin 2025, 22NC02299


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Roellinger a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le maire de la commune de Dietwiller a interdit la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes, sauf véhicules agricoles, sur le chemin rural dit A..., devenu rue du Bois Doré, situé à l'est de la RD201, à compter du 22 février 2021.



Par un jugement n° 2102314 du 19 juillet 2022, le tribunal admin

istratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Roellinger a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le maire de la commune de Dietwiller a interdit la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes, sauf véhicules agricoles, sur le chemin rural dit A..., devenu rue du Bois Doré, situé à l'est de la RD201, à compter du 22 février 2021.

Par un jugement n° 2102314 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 septembre 2022, le 28 août 2024 et le 2 janvier 2025, la SAS Roellinger, représentée par Me André de la SCP Monheit, Andre Mai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Dietwiller la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté n'est pas exécutoire en l'absence de transmission au préfet ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreurs de fait ;

- il est entaché de détournement de pouvoir ;

- il est disproportionné eu égard aux faits et aux objectifs qu'il entend poursuivre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mars 2023, 1er octobre 2024 et 4 février 2025, la commune de Dietwiller, représentée par Me Cereja, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Roellinger la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2025 à 12 heures.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la cour a adressé le 2 juin 2025 à la commune de Dietwiller une demande de pièces pour compléter l'instruction. En réponse, la commune a transmis un courrier accompagné de pièces, qui ont été réceptionnés le 10 juin 2025 et qui n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux ;

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me André pour la SAS Roellinger et de Me Cereja pour la commune de Dietwiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 février 2021, le maire de la commune de Dietwiller a interdit la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes, sauf véhicules agricoles, sur le chemin rural dit A..., devenu rue du Bois Doré, à l'est de la RD201, à compter du 22 février 2021. La SAS Roellinger fait appel du jugement du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur (...) l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-2 du même code, dans sa version alors applicable à la date de la décision en litige : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures ou de manière permanente, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules (...) ". Aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article D. 161-10 du même code : " Dans le cadre des pouvoirs de police prévus à l'article L. 161-5, le maire peut, d'une manière temporaire ou permanente, interdire l'usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de véhicules et de matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces chemins, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ".

3. II ressort des motifs de l'arrêté en litige que pour interdire la circulation dans la rue du Bois Doré des véhicules de plus de 3,5 tonnes, à l'exception des véhicules agricoles, le maire s'est fondé sur l'accroissement de la circulation des véhicules, dont des poids-lourds, dû à l'activité de la société Roellinger, l'existence d'incidents dus aux camions, le risque de dégradations de la voie par les poids-lourds, les difficultés de croisement des véhicules en raison de l'étroitesse de la bande de roulement et enfin les dangers liés à l'insertion des poids-lourds sur la route départementale.

4. Tout d'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des seuls relevés d'un radar, établissant une moyenne de 345 véhicules par jour en 2020, que cette voie aurait connu un accroissement significatif du nombre de véhicules l'empruntant quotidiennement, dont une majorité de poids-lourds se rendant dans les locaux de la société Roellinger, en l'absence de tout relevé antérieur permettant de constater une évolution. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la commune, l'accroissement du trafic routier ne saurait davantage se déduire de la seule progression du chiffre d'affaires de la société Roellinger entre 2016 et 2020.

5. Ensuite, s'il ressort de ces mêmes pièces, notamment de photographies et témoignages, que la barrière du centre équestre bordant la rue du Bois Doré ainsi qu'un pylône implanté en bordure de cette rue ont été dégradés, il n'est pas établi, notamment par la plainte déposée par la propriétaire du centre équestre, que ces dégradations auraient nécessairement été causées par des poids-lourds de plus de 3,5 tonnes, en particulier à destination de la société Roellinger, dès lors que ce chemin rural est également emprunté par d'autres véhicules, dont des engins agricoles et qu'aucun accident n'a jamais été répertorié dans cette rue.

6. Enfin, il n'est pas davantage démontré que la circulation des poids-lourds entrainerait de manière certaine une dégradation anormale de la voie alors que le rapport d'expertise, rendu à la suite d'une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 5 mai 2023, le conteste et que des engins agricoles l'utilisent. Ce rapport d'expertise met également en doute les difficultés d'accès des camions en provenance de la rue du Bois Doré vers la route départementale, qui ne sont établies que par les allégations de la commune et la production de photographies biaisées par l'angle de prise de vue.

7. En revanche, il ressort des pièces du dossier, notamment de photographies produites par la commune et corroborées par le rapport d'expertise ordonné en référé, que la largeur de la voie, qui oscille entre 5,5 et 6 mètres, accotements compris, est juste suffisante sur une portion d'environ deux cents mètres pour permettre le croisement en toute sécurité des véhicules, et notamment des poids-lourds, dont le gabarit est d'environ 2,5 mètres de large. Toutefois, si ces faits sont, à eux seuls, de nature à justifier la nécessité de l'arrêté en litige, il ressort du rapport d'expertise que la mise en place d'une circulation alternée, matérialisée par des aménagements sommaires, sur la portion la plus étroite de ce chemin, serait de nature à supprimer les difficultés de croisement entre poids-lourds et ainsi à assurer dans des conditions satisfaisantes la sécurité des biens et des usagers. L'interdiction absolue et générale d'emprunter ce chemin rural faite aux seuls poids-lourds de plus de 3,5 tonnes, alors que les engins agricoles peuvent y circuler, est, dès lors, excessive, quand bien même ils ont la possibilité d'accéder au dépôt de la société Roellinger par un autre itinéraire. Par suite, la société Roellinger est fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté en litige, le maire de la commune de Dietwiller a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Roellinger est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2021 du maire de la commune de Dietwiller.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Roellinger, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Dietwiller demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Dietwiller le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Roellinger et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102314 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 juillet 2022 et l'arrêté du maire de Dietwiller du 18 février 2021 sont annulés.

Article 2 : La commune de Dietwiller versera à la société Roellinger une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Roellinger et les conclusions présentées par la commune de Dietwiller sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Roellinger et à la commune de Dietwiller.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : S. Barteaux L'assesseur le plus ancien,

Signé : A. Lusset

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

22NC02299 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02299
Date de la décision : 30/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : CEREJA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-30;22nc02299 ?
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