Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
D'une part, M. A... D... et Mme C... F... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 19 juin 2023 par lesquels la préfète des Vosges les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits. D'autre part, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.
Par un jugement n°s 2302070, 2302071, 2302072 du 7 septembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023, sous le n° 23NC03490, M. D..., représenté par Me Géhin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il le concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la procédure de première instance et la même somme au titre de la procédure d'appel.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2024, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête de M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
II. Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023, sous le n° 23NC03491, Mme F... épouse D..., représentée par Me Géhin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la procédure de première instance et la même somme au titre de la procédure d'appel.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2024, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête de Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
III. Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023, sous le n° 23NC03494, Mme D..., représentée par Me Géhin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la procédure de première instance et la même somme au titre de la procédure d'appel.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la procédure menée est irrégulière dès lors le rapport du médecin instructeur est incomplet et qu'il n'est pas établi que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a eu connaissance de l'ensemble de ses pathologies ;
- aucun élément n'a été produit permettant d'établir qu'elle pourrait effectivement bénéficier des soins que nécessite son état de santé dans son pays d'origine en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2024, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête de Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- les observations de Me Géhin, avocat de M. et Mmes D....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C... D..., ressortissants géorgiens, nés respectivement les 17 octobre 1978 et 23 avril 1973, déclarent être entrés en France le 22 septembre 2022, accompagnés de leur fille majeure, Mme B... D..., ressortissante géorgienne née le 23 juillet 2001. Ils ont présenté des demandes d'asile, qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 mars 2023. Dans le même temps, Mme B... D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juin 2023, la préfète des Vosges a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduire. Par deux arrêtés du même jour, la préfète des Vosges a également obligé M. et Mmes D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits. M. et Mmes D..., par des requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, relèvent appel du jugement du 7 septembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces trois arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligeant Mme B... D... à quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet. Dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance d'un titre de séjour prévu à l'article R. 431-12 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux anciens articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". L'article 4 du même arrêté dispose que : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur (...) ". Enfin, l'article 6 du même arrêté indique que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui a fait l'objet d'un suivi médical en raison de crises d'épilepsie depuis l'enfance, est affectée de plusieurs pathologies, à la fois physiques et neurologiques. D'une part, si Mme D... soutient que le rapport médical confidentiel rédigé par le Dr E... ne ferait pas état de l'ensemble de ses pathologies, il ressort toutefois de la partie A " pathologie somatique " renseignée par le médecin traitant de Mme D..., que l'ensemble des pathologies et traitements médicaux indiqués est identique à ce qui a été indiqué dans le rapport médical confidentiel du Dr E.... D'autre part, si Mme D... soutient qu'il n'est pas établi que l'ensemble de ses pathologies a été porté à la connaissance du collège de médecins de l'office, elle n'établit pas ni n'allègue être affectée d'une autre pathologie qui n'aurait pas été renseignée par son médecin traitant. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 précité, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France.
6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il peut solliciter la communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 8 juin 2023, le collège de trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, elle pourrait y bénéficier d'un traitement approprié, l'intéressée pouvant, à la date de cet avis, voyager sans risque vers son pays. Mme D... soutient que la spécialité antiépileptique Keppra n'est pas disponible en Géorgie, que la prise en charge est inaccessible financièrement et qu'elle bénéficie d'un suivi médical lourd en France. Toutefois, les documents qu'elle produit ne suffisent pas à considérer qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. A cet égard, la liste des médicaments disponibles en Géorgie ne permet pas d'établir que d'autres molécules ne pourraient être substituées avec le même effet au traitement médicamenteux prescrit en France. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que Mme D... suivait un traitement pour soigner ses crises d'épilepsie avant son arrivée en France. Par ailleurs, la circonstance que la prise en charge nécessitée par son état de santé serait coûteuse ne constitue pas une circonstance de nature à faire légalement obstacle au refus de délivrance d'un titre de séjour de cette nature, dès lors que des possibilités de traitement approprié de l'épilepsie existent en Géorgie, que ces possibilités sont accessibles à la généralité de la population et que la requérante ne justifie pas que des circonstances exceptionnelles tirées de particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement. Dans ces conditions, la préfète des Vosges n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme D..., née le 23 juillet 2001, déclare être entrée en France le 22 septembre 2022. Son séjour est ainsi très récent. Elle ne justifie d'aucun lien particulier dans ce pays antérieur à la date de son entrée. Elle n'établit ni même n'allègue disposer d'autres attaches privées ou familiales sur le territoire français que la présence de ses parents, eux-mêmes en situation irrégulière et faisant l'objet de décisions portant obligation de quitter le territoire français. Elle n'établit aucune circonstance qui, à la date d'intervention de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, serait de nature à faire sérieusement obstacle à son retour en Géorgie en compagnie de ses parents. Dans ces conditions, la décision litigieuse ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Mme D... n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
10. En dernier lieu, Mme D... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions obligeant M. et Mmes D... à quitter le territoire français :
11. En premier lieu, le préfet ne peut légalement obliger un étranger à quitter le territoire français si celui-ci réunit les conditions d'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Ces dispositions ne prévoient pas la délivrance " de plein droit " d'un titre de séjour.
12. M. A... et Mme C... D... étaient présents en France depuis moins d'un an à la date des décisions contestées, leurs demandes d'asile ont été rejetées ainsi que la demande de titre de séjour de leur fille. Ils ne justifient d'aucun lien particulier sur le territoire français. Dans ces conditions, les mesures d'éloignement en litige ne peuvent être regardées comme portant à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Il en résulte que le moyen tiré de ce que ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, la préfète aurait manifestement commis une erreur dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
13. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mmes D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mmes D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... F... épouse D..., à Mme B... D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Géhin.
Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
2
N° 23NC03490, 23NC03491, 23NC03494