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24/06/2025 | FRANCE | N°22NC00979

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 24 juin 2025, 22NC00979


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la collectivité européenne d'Alsace au paiement d'une somme de 67 033 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.



Par un jugement n° 1901639 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 avril, 4 aoû

t et 30 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Pernet, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la collectivité européenne d'Alsace au paiement d'une somme de 67 033 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1901639 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 avril, 4 août et 30 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Pernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner la collectivité européenne d'Alsace à lui verser la somme de 67 033 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle a subis ;

3°) de condamner la collectivité européenne d'Alsace aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité européenne d'Alsace le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- aucune prescription ne peut lui être opposée ;

- en ne procédant pas au versement de l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 423-31 du code de l'action sociale et des familles et les stipulations de l'article 3 du contrat conclu le 10 octobre 1994, la collectivité européenne d'Alsace a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la collectivité européenne d'Alsace a commis une faute au regard des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles ;

- la collectivité européenne d'Alsace s'est abstenue, à compter de mai 2017, de lui verser son salaire et de lui proposer un reclassement alors qu'elle a toujours fait partie des effectifs jusqu'au 1er février 2021, date de sa radiation pour cause de retraite.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juin, 8 septembre et 12 octobre 2022, la collectivité européenne d'Alsace, représentée par Me Pernot, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la demande de Mme A... aurait dû être précédée d'une médiation, que sa demande préalable ne portait que sur une partie des sommes réclamées devant le tribunal et que les moyens soulevés par la requérante sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barlerin,

- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pernot, avocat de la collectivité européenne d'Alsace.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née le 4 avril 1958, exerçait en tant qu'assistante familiale et a été engagée, par contrat en date du 10 octobre 1994, par le département du Bas-Rhin, devenu collectivité européenne d'Alsace, pour exercer les fonctions d'assistante familiale. Elle a été placée en congés de maladie du 21 mai 2016 au 30 juin 2017, puis du 17 novembre 2017 jusqu'au 10 mars 2018. Une visite médicale de reprise du travail a lieu le 11 juillet 2017, faisant état de réserves. Le 16 octobre 2017, la même médecin de prévention a rédigé un " Avis médical " au terme duquel était précisé que l'intéressée ne pouvait exercer son activité. Mme A..., par un courrier du 8 novembre 2018, a demandé à la collectivité de l'indemniser des préjudices financier et moral qui ont découlé du fait qu'on ne lui confie plus d'enfant. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Mme A... relève appel du jugement en date du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la collectivité européenne d'Alsace à l'indemniser de ses préjudices.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article L. 422-1 code de l'action sociale et des familles : " Les articles (...) L. 423-27 à L. 423-33 (...) s'appliquent aux assistants (...) familiaux employés par des personnes morales de droit public. (...) ". Aux termes L. 423-31 du même code : " Lorsque l'employeur n'a plus d'enfants à confier à un assistant familial ayant accueilli des mineurs, celui-ci a droit à une indemnité dont le montant minimal est déterminé par décret en référence au salaire minimum de croissance, sous réserve de l'engagement d'accueillir dans les meilleurs délais les mineurs préalablement présentés par l'employeur, dans la limite d'un nombre maximal convenu avec lui et conformément à son agrément. / Cette disposition n'est applicable qu'aux personnes qui justifient d'une ancienneté de trois mois au moins au service de l'employeur. ". Et aux termes de l'article L. 423-32 de ce code : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier. ". Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 3 du contrat du 10 octobre 1994 conclu entre Mme A... et le département du Bas-Rhin, devenu collectivité européenne d'Alsace : " Une indemnité d'attente est versée à l'assistante maternelle dans le cas où le service employeur n'est pas en mesure provisoirement de lui confier un enfant, sous réserve de l'engagement de celle-ci d'accueillir immédiatement les mineurs proposés par l'employeur, dans la limite d'un nombre maximum convenu avec lui. (...) Le versement de l'indemnité est limité à une période de trois mois. L'assistante maternelle doit justifier d'une ancienneté d'au moins trois mois pour pouvoir y prétendre ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été placée en congés de maladie du 21 mai 2016 au 30 juin 2017 puis du 17 novembre 2017 au 10 mars 2018. A l'issue de sa première période de congés de maladie, Mme A... a été examinée le 11 juillet 2017 par la médecin du travail, celle-ci ayant posé des réserves à la reprise du travail. Dans ces conditions, Mme A..., qui n'a pas contesté cet avis et qui n'établit pas, ni même ne soutient, que la collectivité européenne d'Alsace aurait été dépourvue d'enfants à lui confier, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles, qui n'ont vocation à s'appliquer que dans les seuls cas dans lesquels l'administration n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la collectivité européenne d'Alsace aurait commis une faute, d'une part, en ne lui versant pas l'indemnité prévue par l'article 3 de son contrat de travail et, d'autre part, en n'appliquant pas les dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail : " Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. / Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail (...) ". Aux termes de l'article R. 422-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les assistants maternels et les assistants familiaux des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont soumis aux dispositions du présent chapitre et aux dispositions des articles 16,19,31,37,38 et 41 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. / S'appliquent également aux assistants maternels employés par des personnes morales de droit public les articles suivants du livre VII, titre VII, chapitre III du code du travail : D. 773-5, D. 773-7 à D. 773-11, D. 773-13 à D. 773-16. / S'appliquent également aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public les articles suivants du livre VII, titre VII, chapitre III du code du travail : D. 773-6, D. 773-13 à D. 773-15, D. 773-17 à D. 773-20. "

5. Sauf disposition expresse contraire ou principe général du droit applicable même sans texte, les dispositions du code du travail ne sont pas applicables aux agents de droit public. Mme A... ne peut dès lors utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail qu'aucun texte ou principe général du droit ne rend applicable aux assistantes et assistants maternels ou familiaux employés par des collectivités territoriales.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 422-11 du code de l'action sociale et des familles prévoient : " L'assistante ou l'assistant maternel temporairement inapte pour raison de santé à reprendre son activité à l'issue d'un congé de maladie, de maternité ou d'adoption est placé en congé sans rémunération pour une durée maximale d'un an, qui peut être prolongée de six mois s'il résulte d'un avis médical que l'agent sera apte à reprendre ses activités à l'issue de cette période complémentaire dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l'article R. 422-10. / L'assistante ou l'assistant maternel définitivement inapte pour raison de santé à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie, de maternité ou d'adoption est licencié (...) ". Aux termes de l'article R. 422-18 du même code : " L'assistante ou l'assistant maternel bénéficiant d'un congé de maladie, de maternité ou d'adoption, ou d'un congé parental dont la durée est égale ou supérieure à un an, doit présenter sa demande de réemploi un mois avant l'expiration du congé. Si la durée du congé est inférieure à un an, mais égale ou supérieure à quatre mois, la demande doit être présentée huit jours au moins avant l'expiration du congé. (...) / A défaut d'une demande présentée dans les délais indiqués ci-dessus, le contrat de travail de l'intéressé peut être rompu ". Enfin, il résulte du principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. Ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme A... doit être regardée, en vertu des dispositions de l'article R. 422-11 sus-rappelées, comme ayant été placée en congé sans rémunération au cours de l'année 2016, au plus tôt le 21 mai 2016, date du début de son arrêt maladie. Ce congé a été implicitement prolongé pour une durée de six mois eu égard à l'avis du médecin de prévention en date du 11 juillet 2017 l'ayant déclarée inapte temporairement à la reprise de ses fonctions. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la collectivité européenne d'Alsace aurait commis une faute en ne lui versant pas sa rémunération jusqu'au 21 novembre 2017 ni, en tout état de cause, en s'abstenant d'envisager son reclassement.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A..., à compter de mars 2018, ne s'est plus manifestée auprès de son employeur, notamment afin de solliciter une demande de réemploi ou pour faire valoir la persistance de l'inaptitude antérieurement constatée, voire son caractère définitif, et éventuellement de demander un reclassement, se contentant, en novembre 2018, de demander à la collectivité de l'indemniser des préjudices financier et moral qui ont découlé de la circonstance que ne lui ont plus été confiés d'enfants. Ce faisant, en s'abstenant de tout contact avec la collectivité européenne d'Alsace et en ne se conformant pas aux dispositions de l'article R. 422-18 précité, nonobstant la circonstance qu'à l'issue de son dernier arrêt de travail, soit le 10 mars 2018, la collectivité européenne d'Alsace s'est abstenue de prendre une initiative, Mme A... n'a pas mis cette dernière à même d'envisager une reprise d'activité en tant qu'assistante familiale ou de faire constater une inaptitude devenue définitive et, le cas échéant, de procéder à un éventuel reclassement ou à son licenciement. Dès lors, dans ces circonstances particulières, elle n'établit pas qu'elle aurait été privée, par la faute de son employeur, du droit énoncé au point 7 du présent arrêt. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que la collectivité européenne d'Alsace aurait commis une faute de nature à entraîner sa responsabilité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la collectivité européenne d'Alsace, Mme A... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la collectivité européenne d'Alsace, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de la somme que demande Mme A... à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la collectivité européenne d'Alsace au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la collectivité européenne d'Alsace au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la collectivité européenne d'Alsace.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. BarlerinLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 22NC00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00979
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Axel BARLERIN
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : PERNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;22nc00979 ?
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