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19/06/2025 | FRANCE | N°24NC03142

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 19 juin 2025, 24NC03142


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le préfet de la Moselle s'est opposé à la modification du nom de " B... " en " A... de Metz " et d'enjoindre au préfet de la Moselle de se prononcer à nouveau sur la demande de changement de nom.



Par un jugement n° 2107499 du 4 novembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de B....



Procédure dev

ant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 décembre 2024 et le 7 mai 2025, B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le préfet de la Moselle s'est opposé à la modification du nom de " B... " en " A... de Metz " et d'enjoindre au préfet de la Moselle de se prononcer à nouveau sur la demande de changement de nom.

Par un jugement n° 2107499 du 4 novembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 décembre 2024 et le 7 mai 2025, B..., représentée par Me Aderno, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 novembre 2024 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Moselle du 15 septembre 2021 par laquelle il s'est opposé à la modification du nom de la métropole ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de procéder à la modification du nom de la métropole de Metz au sein de ses statuts ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de la demande de changement de nom de la métropole de Metz dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'être suffisamment motivé ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le préfet de la Moselle s'est limité à faire application du pouvoir qu'il détient de l'article L. 5211-20 du code général des collectivités territoriales ;

- le préfet s'est mépris sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation sur le fondement des dispositions de l'article L. 5211-20 du code général des collectivités territoriales ; ce pouvoir n'est pas un pouvoir discrétionnaire sur lequel le juge de l'excès de pouvoir n'exerce qu'un contrôle restreint mais un pouvoir sur lequel il exerce un contrôle normal ; le contrôle des motifs du refus exercé par le juge ne peut être qu'un contrôle normal, le principe étant celui de la liberté de choix de l'établissement public de coopération intercommunale pour choisir son nom ; le préfet de la Moselle a commis une erreur de droit en considérant que la métropole de Metz devait justifier de particularités pour justifier l'appellation A... qu'elle s'est choisie ; le nom A... n'est ni fantaisiste ni incompatible avec la géographie locale ;

- le tribunal a en tout état de cause commis une erreur d'appréciation en jugeant que le préfet de la Moselle n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant le changement de nom de la métropole de Metz ; la métropole de Metz a des compétences en matière de coopération transfrontalière depuis 2018 qu'elle met en œuvre depuis 2020, en participant à des structures de coopération transfrontalière, en assurant un service public local des travailleurs transfrontaliers, en organisant des événements binationaux et en concluant des partenariats avec des collectivités territoriales et des communes européennes ; il n'existe aucun risque de confusion ni aucun risque de contagion associé à ce changement de nom.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2025 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la métropole de Metz n'est fondé.

En application de l'article L. 213-7 du code de justice administrative, une lettre invitant les parties à une médiation leur a été adressée le 24 février 2025, acceptée par la Métropole de Metz le 24 mars 2025 et refusée par le ministre de l'intérieur le 4 avril 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Delescluse avocat de la métropole de Metz.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 mai 2021, le conseil communautaire de B... a approuvé la modification de ses statuts par une délibération dont l'article 2 dispose : " Dénomination : la Métropole prend le nom de " C... ". Par une décision du 15 septembre 2021, le préfet de la Moselle s'est opposé à ce changement de nom. La métropole de Metz relève appel du jugement du 4 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la Métropole de Metz. Par suite, la métropole de Metz n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 5211-20 du code général des collectivités territoriales : " L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les modifications statutaires autres que celles visées par les articles L. 5211-17 à L. 5211-19 et autres que celles relatives à la dissolution de l'établissement. / La décision de modification est prise par arrêté du représentant ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés ". Aux termes de l'article L. 5217-1 du même code: " Toutes les modifications ultérieures relatives au nom de la métropole, à l'adresse du siège, à la désignation du comptable public, au transfert de compétences supplémentaires ou à une extension de périmètre sont prononcées par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés, dans les conditions prévues aux articles L. 5211-17 à L. 5211-20. (...) Lors de sa création, la métropole de Strasbourg, siège des institutions européennes, est dénommée : " eurométropole de Strasbourg ". Lors de sa création, la métropole de Lille est dénommée : " métropole européenne de Lille " ".

5. Il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, que la dimension institutionnelle de la communauté urbaine de Strasbourg, où siègent les institutions européennes, et la situation géographique de la communauté urbaine de Lille, dont le territoire partage une large frontière avec la Belgique, ont justifié la mise en valeur du positionnement européen particulier de ces collectivités.

6. En premier lieu, B... soutient que le préfet de la Moselle a commis une erreur de droit en lui opposant, à partir d'une comparaison avec les collectivités que sont A... de Strasbourg, la Collectivité européenne d'Alsace et A... de Lille, des critères d'attribution du préfixe " euro " qui ne seraient prévus par aucune disposition législative ou réglementaire. Il ressort toutefois des termes de la décision contestée que le préfet de la Moselle, en mentionnant les collectivités précitées, s'est limité à tirer les conséquences des dispositions de l'article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que la métropole de Lille, transfrontalière, la métropole de Strasbourg, qui abrite des institutions européennes, et la collectivité territoriale d'Alsace à statut particulier, portent le préfixe " euro " ou comprennent l'adjectif " européen ", sans qu'une telle possibilité ne soit prévue par la loi pour d'autres collectivités territoriales ou leur regroupement. Par suite, B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de la Moselle en lui opposant l'absence de circonstances propres justifiant la dénomination " euro ".

7. En deuxième lieu, si B... soutient que le préfet de la Moselle aurait méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales en substituant, pour des motifs de pure opportunité, son appréciation à celle de la collectivité pour refuser un changement de nom en A... de Metz, le préfet s'est cependant limité à faire application du pouvoir qu'il détient en vertu des dispositions précitées de l'article L. 5211-20 du code général des collectivités territoriales. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient B..., l'article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales donne compétence au préfet pour décider le changement de nom d'un établissement public de coopération intercommunale. Le juge de l'excès de pouvoir n'exerce qu'un contrôle restreint sur les motifs sur lesquels se fonde un préfet pour décider ou refuser un changement de nom proposé par l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale après avis favorable de ses membres. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Strasbourg aurait commis une erreur de droit en se limitant à examiner l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Moselle pour refuser le changement de nom proposé par B... doit être écarté.

9. En quatrième lieu, si B... soutient que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, il ressort de ses termes que, pour s'opposer au changement de nom envisagé, le préfet de la Moselle a estimé que le nom " A... " était de nature à accroître la confusion dans l'esprit des administrés, qu'il comportait un risque de " contagion " injustifiée de changements de nom en " Euro - ", et qu'aucune circonstance locale ne justifie un tel changement. S'il est vrai que le risque de confusion, invoqué par le préfet de la Moselle, est insuffisamment établi dès lors que le nom " C... " ne comporte aucun risque d'homonymie ou de confusion sémantique, et que le risque de contagion, également invoqué, n'est que théorique, il y a toutefois lieu de relever que B... n'est pas frontalière d'autres pays européens, n'accueille aucune institution ou organisme européen, et ne se prévaut pas d'un usage ancien et constant d'un nom en lien avec le vocable " euro " alors que le législateur n'a pas retenu cette collectivité comme une agglomération à vocation européenne ou internationale qui, au regard de ses spécificités, justifie qu'il décide d'arrêter lui-même sa nomination. Les circonstances que Metz se situe sur un axe européen majeur, l'existence de liens particuliers avec le Luxembourg ainsi que la participation de B... et de ses membres à des institutions de coopération transfrontalière ne sauraient être regardées comme des circonstances locales spécifiques telles que le refus de l'autoriser à se dénommer " A... de Metz " serait fondé sur des exigences excessives caractérisant une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Moselle. B... n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de la Moselle en refusant de modifier le nom B... en A... de Metz.

10. Il résulte de tout ce qui précède que B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de la Moselle refusant le changement de nom en " A... de Metz ". Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à ce que les frais de l'instance soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Michel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 24NC03142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NC03142
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24nc03142 ?
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