Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Bénin comme pays de destination, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2300938 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 24NC00376 le 19 février 2024, Mme B... A..., représentée par Me Moudni-Adam, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Bénin comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'un renouvellement de son titre de séjour étudiant prévues par l'article 9 de la convention franco béninoise ;
- l'arrêté est entaché de vice de procédure en raison de la violation du principe du contradictoire ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2024, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- a convention relative à la circulation et au séjour des personnes, conclue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Bénin, signée à Cotonou le 21 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente assesseure,
- et les observation de Me Moudni-Adam, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante béninoise née le 3 novembre 1997, est entrée en France le 16 septembre 2020, sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour valable du 8 septembre 2020 au 8 septembre 2021. A l'échéance de son visa long séjour, elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable du 9 novembre 2021 au 8 novembre 2022 dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 16 janvier 2023, dont la requérante demande l'annulation, le préfet de Meurthe et Moselle a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Bénin comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. Mme A... relève appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux rappelle les conditions d'entrée sur le territoire français ainsi que le parcours universitaire et la situation personnelle et familiale de Mme A.... Par suite, l'arrêté qui n'avait pas à décrire de manière exhaustive la situation de l'intéressée, comporte les considérations de fait sur lesquelles il se fonde et le moyen peut être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-béninoise du 21 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ". L'article 14 de la même convention stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / (...) ". Ces dispositions subordonnent le renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " notamment à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il déclare suivre.
4. Il résulte des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-béninoise que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants béninois désireux de poursuivre des études supérieures en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, la décision attaquée ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-béninoise du 21 décembre 1992 qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les stipulations de cet article 9 et les dispositions de l'article L. 422-1 sont équivalentes, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie.
6. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de la convention franco-béninoise du 21 décembre 1992, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiante, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études effectivement poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est inscrite pour l'année universitaire 2020/2021 en deuxième année de licence " sciences de la vie " à la faculté des sciences et technologies de l'Université de Lorraine qu'elle n'a pas validée ni aux termes de cette année, ni aux termes de l'année universitaire 2021/2022. Elle s'est ensuite réorientée, pour l'année universitaire 2022/2023, en deuxième année de bachelor universitaire de technologie génie biologique parcours " sciences de l'aliment et biotechnologie ". Ainsi, entre son arrivée en France en 2020 et la date de la décision attaquée, Mme A... n'a validé aucune année d'études. Par ailleurs, si Mme A... fait valoir la crise sanitaire liée au Covid-19 et l'interruption volontaire de grossesse qu'elle a subie en 2020 pour justifier l'absence de réussite à ses examens, ces circonstances, qu'elle n'a pas portées à la connaissance du préfet à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour, ne sont pas de nature à expliquer l'absence de progression dans ses études depuis 2020. Il s'ensuit que c'est sans commettre une erreur de fait que le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé que Mme A... ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études pour refuser de lui renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiante. Pour ces mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard de la situation de la requérante durant la dernière année de sa scolarité doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
9. Il appartient à l'autorité préfectorale comme à toute administration de faire application du droit de l'Union européenne et d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Parmi ces principes, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique seulement, qu'informé de ce qu'une décision est susceptible d'être prise à son encontre, l'intéressé soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.
10. Toutefois, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et sur le délai de départ qui sont pris concomitamment et en conséquence du refus d'admission au séjour.
11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", a pu, à l'occasion de cette demande, préciser à l'administration les motifs pour lesquels elle demandait le renouvellement de ce titre et produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'elle jugeait utiles. Il lui était également loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Dès lors, Mme A..., qui été en mesure d'exposer à l'administration sa situation, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnait le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendue avant l'adoption d'une mesure défavorable.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., dont la présence en France est récente, serait dépourvue d'attaches familiales au Bénin où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Elle est célibataire et sans enfant. Elle ne justifie pas de liens personnels et familiaux d'une intensité, stabilité et ancienneté particulières en France. Elle n'établit pas non plus être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine, le Bénin, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de la requérante et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais d'instance doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Moudni Adam et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
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N°24NC00376