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19/06/2025 | FRANCE | N°21NC01418

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 19 juin 2025, 21NC01418


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 août 2017 autorisant l'exploitation de la carrière à ciel ouvert de roches massives sur la commune d'Epeugney, au profit de la société des Carrières de l'Est.



Par un jugement n° 1702250 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt

e et des mémoires enregistrés le 17 mai 2021, le 26 septembre 2023 et le 16 février 2024 M. et Mme B..., représentés par Me De...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 août 2017 autorisant l'exploitation de la carrière à ciel ouvert de roches massives sur la commune d'Epeugney, au profit de la société des Carrières de l'Est.

Par un jugement n° 1702250 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 mai 2021, le 26 septembre 2023 et le 16 février 2024 M. et Mme B..., représentés par Me Devevey, demandent à la cour :

1°) d'annuler à titre principal le jugement du tribunal administratif de Besançon du 16 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2017 par lequel le préfet du Doubs a délivré à la société des Carrières de l'Est, devenue la société Carrières et matériaux Nord-Est, une autorisation unique portant sur l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de roches massives sur le territoire de la commune d'Épeugney au lieudit " Aux Grands Prés " ;

3°) de modifier ou compléter à titre subsidiaire l'arrêté préfectoral du 18 août 2017, autorisant l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de roches massives sur la commune d'Epeugney, en y rajoutant ou modifiant les prescriptions suivantes :

- rajouter un article 10 bis relatif aux mesures de dépollution du site, préalables à la mise en service ; préalablement à la mise en service prévue à l'article 10 du présent arrêté préfectoral, l'exploitant est tenu de vérifier que le site n'est l'objet d'aucune pollution ; il se doit en outre de vérifier la nature et les caractéristiques des déchets inertes stockés antérieurement de manière illicite par l'ancien exploitant et dont l'exploitant actuel a accepté la responsabilité. Il devra procéder aux mesures de dépollution nécessaires dans l'hypothèse de la découverte de déchets illicites du fait du stockage sauvage antérieur.

- article 18 relatif aux méthodes d'exploitation, matériels et engins : l'emploi de brise-roche ou de tout autre matériel ou installation susceptible de générer des nuisances incompatibles avec la proximité du voisinage est strictement interdit.

- article 27 relatif aux circulations : il est précisé que le nombre de rotations des camions inclut ceux apportant des déchets inertes afin de stockage et repartant à vide. (Date et heure de métropole).

- article 30 relatif à la limitation de l'émission et de l'envol des poussières : l'exploitant, devant raccorder la carrière au réseau d'alimentation en eau potable le plus proche, doit rigoureusement asperger les installations nécessaires à l'exploitation de la carrière et arroser les pistes d'accès pour les poids lourds jusqu'à la sortie de la carrière, le long de la route départementale n° 9.

- article 32 relatif aux vibrations, que les tirs pratiqués ne devront pas dépasser des vitesses particulaires de 2mm/s ; et sous le paragraphe 32.1.2 relatif au recul des tirs, il doit être précisé que le recul des tirs doit obligatoirement respecter une distance minimale d'au moins 300 mètres par rapport aux habitations et constructions existantes. Tout tir en-deçà de cette distance vis-à-vis des habitations et constructions est strictement interdit.

- article 37 relatif au remblayage par des matériaux inertes extérieurs au site, sous le paragraphe " obligation de l'exploitant " ; il doit être précisé que l'exploitant qui accepte les déchets inertes du producteur en devient propriétaire et est automatiquement responsable de leurs natures, caractéristiques ou autres qualités. Le propriétaire de déchets non conformes ou interdits s'expose aux poursuites pénales prévues par le Code de l'Environnement au titre des dépôts illicites de déchets en milieu naturel, outre les sanctions prévues par l'article du présent arrêté préfectoral ;

4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet du Doubs d'apporter les compléments ou modifications susvisés à l'arrêté préfectoral du 18 août 2017 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de constater la caducité de l'arrêté du préfet du Doubs du 18 août 2017 ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'avis de l'Autorité environnementale du 11 avril 2016 a été rendu par un service ne disposant pas d'une autonomie distincte et fonctionnelle suffisante vis-à-vis du service instructeur de l'autorisation environnementale ;

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact est insuffisante ;

- le contenu de l'étude de dangers est insuffisant et ne définit pas les mesures propres à réduire la probabilité et les effets d'un accident environnemental en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation ;

- la société CMNE ne disposait pas, à la date de délivrance de la décision attaquée, d'un titre l'habilitant à exploiter la carrière d'Epeugney ;

- le projet d'exploitation de la carrière est incompatible avec le schéma départemental des carrières ;

- l'arrêté préfectoral méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté préfectoral méconnait les articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement en ce que l'arrêté :

- a fixé des limites maximales trop importantes pour les vitesses particulaires, générant des nuisances pour les requérants ;

- ne prend pas en compte les nuisances sonores éprouvées par les requérants ;

- ne prend pas en compte les nuisances occasionnées par les émissions importantes de poussières liées à l'exploitation de la carrière ;

- l'exploitation de la carrière a été interrompue durant plus de deux années depuis le mois de septembre 2021, rendant l'arrêté du 18 aout 2017 caduc.

Par des mémoires enregistrés le 6 décembre 2022 et le 26 octobre 2023, la Société Carrières et matériaux Nord-Est (CMNE) représentée par Me Manuel Pennaforte et Me Solal Galimidi, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, M. et Mme B... ne démontrant aucun intérêt à agir contre l'arrêté d'autorisation ;

- l'ensemble des moyens des requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'ensemble des moyens ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont produit un mémoire enregistré le 9 mai 2023 qui n'a pas été communiqué.

Par un arrêt n° 21NC01418 du 21 mars 2024 la cour administrative d'appel de Nancy a sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du vice de procédure entachant l'arrêté du 18 août 2017 autorisant l'exploitation de la carrière à ciel ouvert de roches massives sur le territoire de la commune d'Epeugney, au profit de la société des Carrières de l'Est.

Par un mémoire enregistré le 10 février 2025, la société Carrières et matériaux Nord-Est (CMNE) a produit un arrêté du préfet du préfet du Doubs du 5 août 2024 de régularisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Oliveira substituant Me Devevey avocat de M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 novembre 2015, la société des Carrières de l'Est a déposé une demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'une carrière de roches massives et d'une installation de traitement de matériaux sur le territoire de la commune d'Épeugney. Par un arrêté du 18 août 2017, le préfet du Doubs a délivré à la société des Carrières de l'Est l'autorisation sollicitée. La carrière est désormais exploitée par la société Carrières et matériaux Nord-Est (CMNE). M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2017. Par un arrêt n° 21NC01418 du 21 mars 2024 la cour administrative d'appel de Nancy a sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du vice de procédure entachant l'arrêté du 18 août 2017 autorisant l'exploitation de la carrière à ciel ouvert de roches massives sur la commune d'Epeugney, au profit de la société des Carrières de l'Est et a écarté les autres moyens de la requête.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ". Sous réserve des dispositions de son article 15, l'article 16 de la même ordonnance a abrogé les dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014.

3. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit par conséquent être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017.

S'agissant de l'avis de l'autorité environnementale :

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'arrêt du 21 mars 2024 par laquelle la cour a sursis à statuer dans l'attente de la régularisation du vice de procédure entachant l'arrêté du 18 août 2017, la mission régionale d'autorité environnementale a été saisie le 18 avril 2024 par le préfet du Doubs en vue d'émettre un avis sur la demande d'autorisation unique déposée le 16 novembre 2015 par la société des Carrières de l'Est pour l'exploitation d'une carrière de roches massives et d'une installation de traitement de matériaux sur le territoire de la commune d'Épeugney. Du silence gardé sur cette demande est né un avis réputé favorable le 18 juin 2024, régularisant le vice de procédure entachant l'avis du 11 avril 2016 émis dans des conditions ne répondant pas aux exigences de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011. Cet avis du 18 avril 2024 ne différant pas de l'avis antérieur, aucune enquête publique ni aucune étude d'impact complémentaire n'était ainsi requise préalablement à l'arrêté de régularisation du préfet du Doubs du 5 août 2024.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt rejetant les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 18 août 2018, il n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les frais d'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Carrières et matériaux Nord-Est (CMNE) présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B..., à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société Carrières matériaux Nord-Est.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Michel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : L. Guidi

Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

N° 21NC01418 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01418
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP BOIVIN & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;21nc01418 ?
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