Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 20 septembre 2024 portant " notification de cessation des conditions matérielles d'accueil " dont elle bénéficiait.
Par un jugement n° 2407425 du 24 octobre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admise à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2024, Mme A..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement du 24 octobre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 2024 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
2) d'annuler la décision du 20 septembre 2024 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait ;
3) d'enjoindre à l'OFII de lui attribuer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil avec effet rétroactif à compter de la date de la cessation de celles-ci, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle au regard de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : la décision du 20 septembre 2024 vise l'article L. 551-16 du code précité alors que celui-ci ne permet pas de mettre fin aux conditions matérielles d'accueil en raison d'une non présentation dans le lieu d'hébergement ;
- le premier juge a commis une erreur en procédant à une substitution de base légale : l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, poursuit un objectif différent de l'article L. 551-16 et ne présente pas les mêmes garanties procédurales : l'article L. 551-15 vise le refus initial des conditions matérielles d'accueil tandis que l'article L. 551-16 régit la cessation de celles-ci et impose une procédure contradictoire prévue par l'article D. 551-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
. sa situation relevait de la cessation des conditions matérielles d'accueil régie par l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
. la substitution de base légale contredit les motifs de la décision litigieuse qui précise que le motif justifie la cessation du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
. la substitution de base légale a pour incidence de changer la situation comptable de l'administré, ce qui est en inadéquation avec la jurisprudence du conseil d'Etat ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 551-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : aucune pièce du dossier ne démontre qu'elle a été informée dans une langue qu'elle comprend, des conséquences de la non-présentation dans le centre d'hébergement proposé par l'Office ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation ;
. son état de santé l'a empêchée de rejoindre le lieu d'hébergement, ce qui constitue un motif légitime d'empêchement ;
. sa vulnérabilité n'a pas été prise en compte : l'OFII a méconnu les principes fondamentaux du droit d'asile et des normes relatives à la protection des personnes vulnérables, et ce en contradiction avec l'objectif de protection des demandeurs d'asile prévu par la directive 2013/33/UE.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2025 à midi.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux,
- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 23 novembre 1986 à Datta (Nigéria), a déclaré être entrée en France irrégulièrement le 7 août 2024. Sa demande d'asile a été enregistrée le 9 août 2024 en procédure normale. Par une décision du même jour, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a accordé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. L'OFII lui a proposé une place au sein d'un hébergement à Eckbolsheim qu'elle a acceptée le 9 août 2024. L'OFII a informé la requérante qu'elle disposait d'un délai de cinq jours pour se présenter à l'hébergement pour demandeur d'asile qui lui était proposé. La requérante ne s'y est pas présentée. Par une lettre du 28 août 2024, l'OFII a informé l'intéressée de son intention de mettre fin aux conditions matérielles d'accueil. Par une décision du 20 septembre 2024, l'OFII a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait. Mme A... relève appel du jugement du 24 octobre 2024 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de l'OFII du 20 septembre 2024.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 septembre 2024 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : / (...) / 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 ; / (...) / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. / Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ".
3. Aux termes de l'article L. 551-16 du même code : " Il est mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : / 1° Il quitte la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; / 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; / 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ; / (...) / La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret ". Aux termes de l'article R. 552-8 de ce code : " Si le demandeur d'asile accepte l'offre d'hébergement, l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'informe du lieu qu'il doit rejoindre. / (...) / Le demandeur d'asile qui ne s'est pas présenté au gestionnaire du lieu d'hébergement dans les cinq jours suivant la décision de l'office est considéré comme ayant refusé l'offre d'hébergement ". Aux termes de l'article D. 551-18 du même code : " La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application de l'article L. 551-16 est écrite, motivée et prise après que le demandeur a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans un délai de quinze jours. Elle prend en compte la situation particulière et la vulnérabilité de la personne concernée. Dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 551-16, elle ne peut être prise que dans des cas exceptionnels. Cette décision prend effet à compter de sa signature. (...) ".
4. D'une part, dans le cas où les conditions matérielles d'accueil initialement proposées au demandeur d'asile ne comportent pas encore la désignation d'un lieu d'hébergement, dont l'attribution résulte d'une procédure et d'une décision particulières, le refus par le demandeur d'asile de la proposition d'hébergement qui lui est faite ultérieurement doit être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d'accueil entrant dans le champ d'application de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non comme un motif justifiant qu'il soit mis fin à ces conditions relevant de l'article L. 551-16 du même code. Il en va ainsi alors même que le demandeur avait initialement accepté, dans leur principe, les conditions matérielles d'accueil qui lui avaient été proposées.
5. D'autre part, il résulte de l'économie générale des articles L. 121-1, L. 522-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être regardé comme une autorité chargée de l'asile. Il en va notamment ainsi pour l'application des dispositions du 3° de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le fait pour un demandeur d'asile de ne pas se présenter à des convocations de l'OFII est susceptible de constituer un des " cas exceptionnels ", au sens du point 1 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, auquel renvoie l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article D. 551-18 de ce code, pouvant justifier que l'Office mette fin aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie ce demandeur. La décision de mettre fin aux conditions matérielles d'accueil est toutefois subordonnée à un examen préalable de la situation particulière de l'intéressé au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que des circonstances ayant conduit à son défaut de présentation, et doit être proportionnée ainsi que le prévoit l'article 20 de cette directive.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de la requérante a été enregistrée le 9 août 2024 et que le même jour, l'OFII lui a accordé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, qu'elle a acceptées. L'OFII lui a également notifié le même jour le lieu d'hébergement vers lequel elle était orientée, en lui précisant qu'elle disposait d'un délai de cinq jours pour s'y présenter et que le non-respect de ce délai entrainerait la cessation du bénéfice des conditions matérielles d'accueil. L'intéressée a accepté, en apposant sa signature sur le formulaire d'information, l'ensemble de ces conditions. En raison du non-respect de ce délai, l'OFII a pris le 20 septembre 2024, une décision portant cessation du bénéfice des conditions matérielles d'accueil sur le fondement de l'article L. 551-6 du code précité.
7. Dès lors que Mme A... a accepté les conditions matérielles d'accueil, et en particulier le lieu précis d'hébergement qui lui avait été désigné, la non-présentation de l'intéressée dans ce lieu d'hébergement dans le délai imparti ne peut être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d'accueil entrant dans le champ d'application de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a substitué aux dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celles de l'article L. 551-15 du même code pour écarter le moyen tiré du défaut de base légale.
8. Il est toutefois constant que la requérante ne s'est pas présentée dans le lieu d'hébergement qui lui a été désigné dans le délai imparti par l'OFII. S'il est exact que l'intéressée s'est présentée à la structure de premier accueil des demandeurs d'asile le 14 août 2024, soit le jour de l'expiration du délai qui lui avait été initialement accordé pour rejoindre son lieu d'hébergement, en expliquant qu'elle n'avait pas pu le trouver, il ressort des échanges de courriers électroniques produits par l'OFII qu'un plan d'accès lui a été remis, avec des explications, et qu'un délai supplémentaire lui a été accordé jusqu'au 22 août 2024 au soir. Si, pour justifier l'absence d'installation dans ce lieu d'hébergement dans les délais impartis, Mme A... se prévaut de son état de santé, en produisant un certificat médical du 30 septembre 2024 préconisant un repos à domicile entre le 12 août et le 19 septembre 2024, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'était pas dans l'impossibilité d'effectuer tout déplacement, dès lors notamment qu'elle a été en mesure de se rendre à la structure de premier accueil des demandeurs d'asile le 14 août 2024. Elle ne s'est, en outre, pas manifestée auprès de l'administration avant ou après la date butoir qui lui avait été fixée. Par suite, la requérante doit être regardée comme n'ayant pas respecté les consignes de l'OFII, autorité en charge de l'asile, au sens du 3° de l'article L. 551-16 précité. Dans ces conditions, Mme A... n'est fondée à soutenir ni que l'OFII aurait commis une erreur de droit, ni qu'il aurait commis une erreur d'appréciation en mettant fin à ses conditions matérielles d'accueil sur le fondement du 3° de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 551-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut lui être refusé ou qu'il peut y être mis fin dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 551-15 et L. 551-16 ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a certifié le 9 août 2024 avoir bénéficié, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile, d'un entretien dans une langue qu'elle comprend et qu'elle a été informée des conditions et modalités de refus et de cessation des conditions matérielles d'accueil. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 551-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En dernier lieu, la requérante a bénéficié d'un entretien de vulnérabilité le 9 août 2024 et n'a pas, à cette occasion, sollicité la remise d'un certificat médical vierge pour avis MEDZO. Par ailleurs, elle ne démontre pas que sa douleur au bras et sa poussée d'herpès, à les supposer même établies, caractériseraient une situation de vulnérabilité particulière à la date de la décision contestée. Ainsi, elle ne peut être regardée comme justifiant d'une vulnérabilité que l'OFII n'aurait pas prise en considération. Par suite, en mettant fin aux conditions matérielles d'accueil, l'OFII n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de sa situation de vulnérabilité, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
13. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Airiau.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC02858