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17/06/2025 | FRANCE | N°24NC01199

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 17 juin 2025, 24NC01199


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2309045-2309046 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure

devant la cour :



Par une requête enregistrée le 14 mai 2024, M. B..., représenté par Me Kling, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2309045-2309046 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2024, M. B..., représenté par Me Kling, demande à la cour :

1) d'annuler le jugement du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Strasbourg, en ce qui le concerne ;

2) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 novembre 2023 de la préfète du Bas-Rhin ;

3) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous une astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant.

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien né le 12 novembre 1977 déclare être entré en France le 2 février 2017 avec son épouse. Ils ont présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 mars 2019, confirmée par une décision du 16 septembre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. Le 25 mai 2020, il a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale et pour motifs exceptionnels. Par un arrêté du 27 août 2020, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant le pays de renvoi. M. B... a présenté le 25 janvier 2022 une nouvelle demande d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale et pour motifs exceptionnels. Par un arrêté du 29 novembre 2023, la préfète du Bas-Rhin, de nouveau, a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination. Le requérant a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette décision. M. B... relève appel du jugement du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. M. B... reprend en appel, dans des termes similaires à sa demande de première instance, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et auxquels le tribunal a répondu de manière suffisante et pertinente. Il y a lieu, dès lors, de les écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Dès lors que la décision de refus de séjour contestée n'a pas pour objet ou pour effet de séparer le requérant de ses enfants, dont l'aîné au demeurant est majeur à la date de la décision litigieuse, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations internationales doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.

Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".

7. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Les circonstances dont se prévaut M. B..., notamment ses efforts d'intégration, la présence de membres de sa famille sur le territoire français, la scolarisation de ses enfants et des risques allégués d'enrôlement dans l'armée, au demeurant non établis, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 précité. Par suite, en refusant de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation personnelle et familiale de M. B..., que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Kling.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : S. BarteauxLa greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 24NC01199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01199
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : KLING

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;24nc01199 ?
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