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17/06/2025 | FRANCE | N°24NC00535

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 17 juin 2025, 24NC00535


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2309343 du 5 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a reje

té sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2309343 du 5 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mars 2024 et le 30 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du 5 février 2024 ;

2) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et, en cas de rejet de celle-ci, de lui verser cette même somme.

Il soutient que :

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

- l'arrêté du 19 décembre 2024 repose sur un fondement différent de l'arrêté en litige ; l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas abrogée par ce second arrêté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux dès lors que la préfète n'a pas tenu compte de sa situation personnelle et familiale, ni de sa demande de titre de séjour réceptionnée par les services préfectoraux le 22 novembre 2023 ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2023 sont dépourvues d'effet utile en raison de la confirmation de la légalité de l'arrêté du 19 décembre 2023 portant refus de titre de séjour et assorti d'une obligation de quitter le territoire français.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant russe, né en 1991, est entré régulièrement en France, muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, en 2022, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 janvier 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 27 mars 2023. La demande de réexamen déposée par l'intéressé a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA respectivement les 27 mars 2023 et 29 septembre 2013. Par un arrêté du 8 décembre 2023, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... a, par ailleurs, sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 22 novembre 2023. Par un arrêté du 19 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 5 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2023.

Sur l'étendue du litige :

2. Si la légalité de l'arrêté du 19 décembre 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour qu'il avait sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg, cette circonstance n'a pas pour effet de priver d'objet la requête de l'intéressé dirigée contre l'arrêté en litige, dès lors qu'il n'a pas été rapporté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'arrêté en litige, après avoir rappelé la demande d'asile de M. A..., mentionne que les liens personnels et familiaux de l'intéressé en France ne sont pas anciens, intenses et stables, au regard des vingt-cinq années où il a vécu dans son pays d'origine et qu'ainsi la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle ainsi qu'à sa vie familiale et que dans ces conditions il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Russie. Toutefois, si la préfète du Bas-Rhin ne peut être regardée comme ayant eu connaissance du compte rendu de l'entretien de vulnérabilité établi dans le cadre de la demande d'asile déposé par le requérant, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2023, que M. A... a présenté une demande de titre de séjour, réceptionnée par les services de la préfecture du Bas-Rhin le 22 novembre 2023, soit antérieurement à la décision en litige, dans laquelle il a mentionné la présence régulière en France, d'une part, de sa mère, qui l'héberge depuis 2017, et de l'une de ses sœurs, toutes les deux titulaires d'une carte de résident, et, d'autre part, de sa seconde sœur, ayant la nationalité française. L'intéressé justifie en outre de la situation des membres de sa famille. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen complet de sa situation familiale et que la décision portant obligation de quitter le territoire français du 8 décembre 2023 doit, pour ce motif, être annulée. Il y a lieu également, d'annuler, par voie de conséquence, les décisions du même jour fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 8 décembre 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet du Bas-Rhin réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2309343 du 5 février 2024 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 décembre 2023 de la préfète du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de cette même date.

Article 4 : L'Etat versera à Me Airiau une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Airiau.

Copie de l'arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : S. BarteauxL'assesseur le plus ancien,

Signé : A. Lusset

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 24NC00535 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00535
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;24nc00535 ?
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