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17/06/2025 | FRANCE | N°22NC01383

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 17 juin 2025, 22NC01383


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 avril 2021 par laquelle le maire d'Outrepont a implicitement rejeté leur réclamation présentée par un courrier du 19 février 2021, de condamner la commune d'Outrepont à leur verser la somme de 60 000 euros en réparation des nuisances résultant de la présence d'un ralentisseur implanté sur la route départementale n° 14 au droit de leur propriété, outre

la somme complémentaire de 1 000 euros par mois échu jusqu'à la démolition de ce ralentiss...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 avril 2021 par laquelle le maire d'Outrepont a implicitement rejeté leur réclamation présentée par un courrier du 19 février 2021, de condamner la commune d'Outrepont à leur verser la somme de 60 000 euros en réparation des nuisances résultant de la présence d'un ralentisseur implanté sur la route départementale n° 14 au droit de leur propriété, outre la somme complémentaire de 1 000 euros par mois échu jusqu'à la démolition de ce ralentisseur, d'enjoindre à la commune d'Outrepont de démolir le ralentisseur précité, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, de mettre en cause la communauté de communes Côtes de Champagne et Val de Saulx et de surseoir à statuer et enfin de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101315 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoire enregistrés les 30 mai 2022, 5 mars 2024 et 11 septembre 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Gaulmin demandent à la cour :

1) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 avril 2022 ;

2) d'enjoindre à la commune d'Outrepont de supprimer le ralentisseur situé sur la voie publique RD14, au niveau du 19 Grande Rue, dans un délai n'excédant pas trois mois à compter de la décision à intervenir ;

3) de condamner la commune d'Outrepont au paiement d'une somme de 1 000 euros par mois depuis l'installation du ralentisseur le 1er janvier 2017 en réparation du préjudice subi du fait de cet ouvrage ;

4) à titre subsidiaire, de dire que la procédure doit être communiquée à la communauté de communes Côtes de Champagne et Val de Saulx ;

5) mettre à la charge de la commune d'Outrepont la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leurs demandes sont recevables dès lors, d'une part, qu'ils ont conclu en première instance à l'illégalité du ralentisseur du fait de son implantation et de ses caractéristiques techniques ; ce faisant, ils ont entendu soulever la responsabilité pour faute de la commune et donc nécessairement celle commise par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et, d'autre part, ils sont fondés à invoquer la responsabilité sans faute de la commune qui est responsable du ralentisseur litigieux ; à la suite de leur courrier du 19 février 2021, le conseil départemental de la Marne, dans un courrier du 15 mars 2021, a dénié toute compétence et responsabilité par rapport au ralentisseur litigieux ;

- à titre principal, la responsabilité de la commune doit être engagée sur le fondement de la responsabilité pour faute et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité sans faute :

Sur la responsabilité pour faute :

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'existence d'un préjudice sur le fondement de la responsabilité pour faute ; le maire de la commune d'Outrepont a commis une faute, dans l'exercice de ses pouvoirs de police au titre de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- l'illégalité fautive du ralentisseur entraine la responsabilité de la commune : l'ouvrage public en cause présente les caractéristiques d'un ralentisseur de type trapézoïdal et non celles d'un " plateau surélevé " comme l'ont retenu à tort les premiers juges ; l'implantation du ralentisseur de type trapézoïdal n'est pas conforme aux prescriptions du décret n° 94-447 du 27 mai 1994 et de la norme NF P 98-300 prise en application de ce décret ; sa signalisation n'est par ailleurs pas adéquate ; quand bien même ce ralentisseur ne devrait pas respecter les prescriptions du décret du 27 mai 1994, il est mal conçu ;

Sur la responsabilité sans faute :

- les préjudices qu'ils subissent présentent un caractère anormal et spécial ;

- il doit être enjoint à la commune d'Outrepont de démolir le ralentisseur en cause, et ce, quel que soit le fondement de responsabilité retenu, dès lors que sa présence entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en cause des inconvénients et que sa démolition n'entraînerait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- la communauté de communes Côtes de Champagne et Val de Saulx doit être appelée en la cause : la commune d'Outrepont était tenue en vertu de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, si elle s'estimait incompétente pour répondre à leur demande du 19 février 2021, de transmettre à la communauté de commune Côtes de Champagne et Val de Saulx leur courrier valant réclamation préalable indemnitaire et/ ou de l'appeler en la cause dans la procédure ;

- la commune d'Outrepont doit être condamnée à leur verser la somme de 1 000 euros par mois en réparation du préjudice subi à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à la suppression du ralentisseur.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 5 octobre 2022 et 26 septembre 2024, la commune d'Outrepont, représentée par ADAES Avocats, conclut :

1) au rejet de la requête ;

2) à titre subsidiaire, à ce que les conclusions indemnitaires soient ramenées à de plus justes proportions ;

3) à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

A titre principal, certaines des demandes des époux A... sont irrecevables :

- leur demande fondée sur une faute du maire commise dans l'exercice de ses pouvoirs de police, est nouvelle en appel et par suite irrecevable ; ce fondement de responsabilité relève d'une cause juridique distincte de celle fondée sur le défaut d'entretien normal qui a été invoqué en première instance ;

- leur demande fondée sur la prétendue responsabilité sans faute de la commune est irrecevable car elle est mal dirigée : le ralentisseur litigieux est implanté sur la route départementale (RD) n° 14, propriété du département et constitue donc un accessoire de la voie départementale ; aucune convention n'a été signée entre le département de la Marne et la commune sur un éventuel transfert de la qualité de maitre d'ouvrage ; seule la responsabilité du département peut être recherchée du fait des accessoires de son domaine public routier, même si la construction de l'accessoire a été décidée par le maire d'une commune sur le fondement de ses pouvoirs de police ; le moyen selon lequel la commune aurait dû transférer leur demande à l'administration compétente, est sans influence sur ces règles ;

A titre subsidiaire, la requête est mal fondée :

- l'ouvrage public en cause ne constitue pas un ralentisseur de type trapézoïdal, mais un plateau surélevé et, dès lors, il n'est pas soumis aux prescriptions du décret n° 94-447 du 27 mai 1994, ni à la norme NF P 98-300 ; la commune s'est conformée au guide CERTU (centre d'étude sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les construction publiques) pour son plateau surélevé, lequel s'il n'a pas de valeur normative, donne des recommandations pour ce type d'ouvrage ; la commune n'a commis aucune faute en ce qui concerne l'installation de la signalisation ;

- le maire n'a pas commis de faute dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il détient au titre de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales ; l'ouvrage vise légitimement à réduire la vitesse de la circulation dans un souci de sécurité publique dans le cadre de l'aménagement d'une " zone 30 " ;

- s'agissant de la responsabilité sans faute de la commune, elle ne saurait être engagée dès lors que la commune n'est pas maître d'ouvrage du plateau surélevé qui est l'accessoire de la route départementale et aucune convention de transfert de la maîtrise d'ouvrage n'a été passée entre la commune et le département ; en tout état de cause, le caractère anormal et spécial du préjudice n'est pas démontré ; le lien de causalité entre le préjudice allégué et les agissements de la commune n'est également pas démontré ;

- à titre infiniment subsidiaire, sur le montant de l'indemnisation sollicitée : la somme sollicitée, soit 1 000 euros par mois depuis le 1er janvier 2017 jusqu'à la date du mémoire d'appel, soit la somme de 77 000 euros est arbitraire, déraisonnable et injustifiée.

Par une ordonnance du 27 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-447 du 27 mai 1994 ;

- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Santana, représentant la commune d'Outrepont, et celles de M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Les époux A... sont propriétaires d'une maison située au 19, Grande Rue à Outrepont. En 2016, le maire de cette commune a fait réaliser un aménagement sur la route départementale (RD) n° 14 qui traverse l'agglomération communale afin de ralentir la circulation automobile. Par un courrier du 19 février 2021, les époux A... ont demandé au maire d'Outrepont de démolir cet aménagement qui est implanté au droit de leur propriété ainsi que l'indemnisation de leur préjudice. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la commune d'Outrepont. Les époux A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, d'annuler cette décision, d'enjoindre à la commune d'Outrepont de démolir l'ouvrage en cause et de condamner la commune d'Outrepont à leur verser la somme 60 000 euros en réparation des préjudices subis, outre la somme complémentaire de 1 000 euros par mois échu jusqu'à la démolition de l'ouvrage en cause et, à titre subsidiaire, de mettre en cause la communauté de communes Côtes de Champagne et Val de Saulx et de surseoir à statuer. Les époux A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 avril 2022 qui a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à la démolition de l'ouvrage :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonné la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

En ce qui concerne le cadre juridique applicable aux ralentisseurs :

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal :

" Les ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal sont conformes aux normes en vigueur. / Les modalités techniques d'implantation et de signalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal doivent être conformes aux règles édictées en annexe du présent décret. ". En prescrivant la conformité des ralentisseurs de vitesse aux normes en vigueur qu'il ne définit pas lui-même, le décret du 27 mai 1994, dont le contenu n'est relatif qu'aux conditions d'implantation et de signalisation de ces ouvrages, renvoie implicitement mais nécessairement à la norme AFNOR NFP98-300 du 16 mai 1994 relative aux ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal, qui en détermine les caractéristiques géométriques et les conditions de réalisation.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 12 du décret du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation, en vigueur à la date du décret du 27 mai 1994 : " Si des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes (...) ou des exigences impératives tenant à (...) la défense du consommateur rendent une telle mesure nécessaire, l'application d'une norme homologuée, ou d'une norme reconnue équivalente applicable en France en vertu d'accords internationaux peut être rendue obligatoire par arrêté du ministre chargé de l'industrie et, le cas échéant, des autres ministres intéressés ". Et aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation (...) ".

5. Il résulte des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que la décision de rendre une norme technique d'application obligatoire relève de la seule appréciation des ministres compétents et que cette décision ne peut produire cet effet que si, dans le respect de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité de la règle de droit, cette norme est gratuitement accessible sur le site Internet de l'AFNOR. Si, conformément au premier alinéa de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, une telle norme, bien que son application n'ait pas été rendue obligatoire en l'absence d'arrêté ministériel, peut être volontairement appliquée par une personne publique pour la réalisation d'un ralentisseur, le respect de cette norme volontairement appliquée ne lui est opposable que si celle-ci a fait l'objet de mesures de publicité suffisantes, au nombre desquelles figure la consultation gratuite sur le site Internet de l'AFNOR.

6. Or, d'une part, il résulte de l'instruction que la norme AFNOR NF P 98-300, au respect de laquelle renvoie implicitement mais nécessairement le décret du 27 mai 1994 précité, mais qui n'a pas été rendue d'application obligatoire par un arrêté du ministre chargé de l'industrie ou tout autre ministre intéressé, n'est pas consultable gratuitement sur le site Internet de l'AFNOR.

7. D'autre part, les dispositions du décret du 27 mai 1994 et ses annexes, qui n'excluent pas de leur champ d'application les ralentisseurs routiers de type coussins berlinois et plateaux traversants, fixent des règles d'implantation et de signalisation qui s'appliquent à l'ensemble des ralentisseurs de vitesse de type dos d'âne ou de type trapézoïdal.

8. Il suit de là qu'en l'état actuel des dispositions réglementaires en vigueur, tous les ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal sont soumis aux règles d'implantation et de signalisation fixées par le décret du 27 mai 1994 et son annexe, et que ces règles sont les seules dispositions d'application obligatoire à l'égard des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics qui réalisent ou aménagent ces ouvrages.

9. En outre, les recommandations du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU), mises à jour par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), sont dépourvues de tout caractère règlementaire et ne sauraient, dès lors, être regardées comme étant par elles-mêmes dotées d'une force obligatoire.

En ce qui concerne les irrégularités des ralentisseurs alléguées par les requérants et de leurs conséquences :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le ralentisseur litigieux méconnaitrait les règles de la norme AFNOR NF P 98-300 sont inopérants.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'annexe du décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal: " L'implantation des ralentisseurs est interdite sur des voies où le trafic est supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle. Elle est également interdite en agglomération au sens du code de la route :-sur les voies à grande circulation, sur les voies supportant un trafic poids lourds supérieur à 300 véhicules en moyenne journalière annuelle, sur les voies de desserte de transport public de personnes ainsi que sur celles desservant des centres de secours, sauf accord préalable des services concernés ;-à moins d'une distance de 200 mètres des limites d'une agglomération ou d'une section de route à 70 km/ h ;-sur les voies dont la déclivité est supérieure à 4 p. 100 ;-dans les virages de rayon inférieur à 200 mètres et en sortie de ces derniers à une distance de moins de 40 mètres de ceux-ci ;-sur ou dans un ouvrage d'art et à moins de 25 mètres de part et d'autre. " . Aux termes de l'article 6 de cette même annexe : " La signalisation de ces aménagements doit être conforme aux dispositions de l'arrêté du 24 novembre 1967 modifié relatif à la signalisation des routes et des autoroutes et de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière ".

12. D'une part, si l'article 3 de cette annexe interdit l'implantation de ralentisseurs pour certaines voies en agglomération répondant à certaines caractéristiques de déclivité, de visibilité, de vitesse ou encore de fréquentation par les véhicules poids lourds, il ne résulte pas de l'instruction que le trafic sur la RD 14 serait de plus de 300 véhicules poids lourds par jour ou de 3 000 véhicules, toute catégorie confondue, par jour. Par ailleurs, la commune produit une attestation du président du syndicat de transports de Vitry du 23 septembre 2024 selon laquelle les bus scolaires ne franchissent pas le ralentisseur compte tenu de leurs circuits. Par suite, les requérants n'établissent pas que le ralentisseur aurait été implanté en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de l'annexe du décret du 27 mai 1994.

13. D'autre part, quand bien même la signalisation de ce ralentisseur serait insuffisante, cette irrégularité est par elle-même sans lien avec ses règles d'implantation.

14. Il s'ensuit qu'en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ralentisseur en litige aurait été irrégulièrement implanté sur la RD 14, devant leur propriété, et devrait, pour ce motif, être démoli.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le fondement de la responsabilité pour faute :

15. Les requérants se prévalent, pour la première fois en appel, de la faute que le maire de la commune d'Outrepont aurait commise dans l'exercice de ses pouvoirs de police au titre de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le maire d'Outrepont aurait commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en décidant, pour des motifs de sécurité, d'implanter un ralentisseur sur la RD 14, lequel, ainsi qu'il a été exposé précédemment, n'est pas irrégulier. Par suite, et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de la commune d'Outrepont est engagée sur ce fondement.

En ce qui concerne le fondement de la responsabilité sans faute :

16. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

17. Aux termes des dispositions de l'article L. 131-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier départemental sont dénommées routes départementales. (...) ". Le second alinéa de l'article L. 131-2 du même code dispose que : " Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département. ". Par application des dispositions de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...) ". L'article L. 3221-4 du même code dispose que : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues au maire (...) ".

18. Les requérants recherchent la responsabilité de la commune d'Outrepont au titre d'un régime de responsabilité dont est seul débiteur le maître de l'ouvrage public dont la présence est à l'origine des préjudices allégués. Or, le plateau en cause est implanté sur une route départementale, dont il constitue un accessoire, et dont le département de la Marne est propriétaire. Par ailleurs, et comme l'a relevé le tribunal, sans que les requérants ne le contestent, aucune convention n'a été conclue entre la commune d'Outrepont et le département de la Marne en vue de transférer à celle-là la gestion de la voirie départementale.

19. Par suite, les conclusions présentées par les requérants, qui sont tiers à cet ouvrage public, sur le fondement de la responsabilité sans faute, en tant qu'elles tendent à la condamnation de la commune sont mal dirigées.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la mise en cause de la communauté de communes Côtes de Champagne et Val de Saulx :

20. Alors que l'ouvrage litigieux est implanté sur une route départementale, dont il constitue un accessoire, et qu'aucune conclusion n'est expressément dirigée à l'encontre de la communauté de communes Côtes de Champagne et Val de Saulx, il n'y a pas lieu de faire droit à de telles conclusions.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande à fin d'injonction et d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Outrepont, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les époux A..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux A... la somme demandée par la commune d'Outrepont, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Outrepont présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... A... et à la commune d'Outrepont.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux Le président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC01383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01383
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : GAULMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;22nc01383 ?
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