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05/06/2025 | FRANCE | N°24NC02006

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 juin 2025, 24NC02006


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 26 mars 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a, d'une part, fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans et a, d'autre part, prononcé son assignation à résidence.



Par

un jugement n° 2402229 du 16 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 26 mars 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a, d'une part, fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans et a, d'autre part, prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2402229 du 16 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024 sous le n° 24NC02006, M. C..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 avril 2024 ;

2°) d'annuler les arrêtés susvisés du 26 mars 2024 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer sans délai un récépissé l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer, sans délai, un récépissé l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) à défaut, de renvoyer le dossier devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros hors taxes à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le premier juge a omis de répondre au moyen relatif à la proportionnalité de la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans ;

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il ne justifiait pas de la poursuite de son activité professionnelle postérieurement à 2022 alors qu'il avait produit l'intégralité de ses fiches de paie du 1er février au 31 décembre 2023 ;

- c'est à tort que le premier juge a pris en compte l'irrégularité de son séjour et l'édiction d'une précédente mesure d'éloignement ; ce faisant il a ajouté une condition à celle de l'effectivité de la résidence habituelle qui n'est pas prévue par la loi ;

- la préfète du Bas-Rhin et le tribunal administratif ne pouvaient pas prendre en compte la menace à l'ordre public pour édicter une interdiction de retour sur le territoire français, conformément aux dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ce faisant, ils ont méconnu le champ d'application de la loi ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ou à tout le moins d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;

- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il ne pouvait pas se prévaloir du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il justifie de motifs exceptionnels permettant son admission au séjour ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 611-1 et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que sa présence en France ne représente pas une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- compte tenu de sa durée, elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

Sur l'assignation à résidence :

- la décision portant assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 juin 2024.

II.) Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024 sous le n° 24NC02012, M. C..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 16 avril 2024.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens d'illégalité ci-dessus soulevés présentent un caractère sérieux.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Stenger, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né en 1987, a déclaré être entré en France en 2014, muni d'un visa. Il est marié depuis le 30 juin 2013 avec une ressortissante marocaine, et le couple a deux enfants nés en France en 2015 et 2017. M. C... a sollicité son admission au séjour le 17 août 2020. Par un arrêté du 18 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. M. et Mme C... ont sollicité leur admission au séjour le 10 juin 2022. Toutefois, par une nouvelle décision du 19 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, ainsi que son épouse. Convoqué par les services de police le 26 mars 2024 dans le cadre d'une procédure en lien avec des violences conjugales, M. C... a fait l'objet, le même jour, d'un arrêté par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. Par un second arrêté du 26 mars 2024, la préfète du Bas-Rhin a assigné M. C... à résidence dans le département du Bas-Rhin. Par les deux requêtes visées ci-dessus, M. C... relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 13 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 26 mars 2024.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le premier juge a visé le moyen tiré de ce que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée mais qu'il n'y a pas répondu. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que le défaut de réponse à ce moyen, qui n'était pas inopérant, entache le jugement d'irrégularité dans cette mesure et à demander l'annulation en tant qu'il a statué sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mars 2024 en tant qu'il prononce à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. Il y a lieu, en revanche, d'examiner les conclusions dirigées contre les autres décisions contenues dans cet arrêté dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la légalité des arrêtés du 26 mars 2024, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de justice administrative : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. "

5. Comme l'a relevé le premier juge, la décision portant obligation de quitter le territoire français évoque la situation administrative et familiale de M. C..., et fait état notamment de sa date d'entrée en France ainsi que de sa situation professionnelle. Elle précise également les textes dont elle fait application, notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent son fondement. A cet égard, la circonstance que l'arrêté contesté ne vise pas l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui, au demeurant, ne constitue pas le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas de nature à entacher la décision contestée d'une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré du vice de forme doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté, que la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen sérieux et circonstancié de la situation du requérant. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/ 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;/ 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;/ (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;(...) ".

8. Il ressort des termes de la décision attaquée que l'obligation de quitter le territoire français en litige est fondée sur les dispositions des 1°, 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, ni devant les premiers juges ni en appel, M. C... n'apporte la preuve qu'il est entré régulièrement sur le territoire français. Il entre donc dans le champ d'application des dispositions des 1° et 2° de cet article dès lors qu'il est constant qu'il s'est maintenu en France sans être titulaire d'un titre de séjour. Comme l'a relevé le premier juge, si la préfète du Bas-Rhin n'apporte pas les éléments justifiant que son comportement constitue une menace pour l'ordre public de nature à justifier une mesure d'éloignement sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte toutefois de l'instruction que l'autorité préfectorale aurait pris la même mesure d'éloignement si elle ne s'était fondée que sur les autres motifs retenus par elle dans la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 7 ci-dessus doit être écarté.

9. En quatrième lieu, en application du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en avril 2015 pour y rejoindre son épouse, ressortissante marocaine. Le couple est parent de deux enfants nés en France en 2015 et 2017, tous deux scolarisés. La famille est hébergée par les services sociaux depuis 2017, parfois séparément, l'épouse de M. C... ayant été prise en charge seule avec ses enfants de 2017 à 2019, parfois en dispositif d'hébergement d'urgence, notamment de novembre 2021 à mai 2022. Il n'est par ailleurs pas contesté que M. C... exerce depuis le 1er février 2019 une activité professionnelle de préparateur carrosserie dans un garage. Toutefois, il est constant que le requérant, qui n'a jamais bénéficié de certificat de résidence en France, a fait l'objet, le 18 mars 2021, d'une première mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, et que lui-même et son épouse se sont vu refuser la délivrance de titres de séjour par des décisions de la préfète du Bas-Rhin en date du 19 juillet 2022. Il ressort en outre des pièces du dossier, particulièrement du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1705603 du 23 janvier 2018, produit par la préfète du Bas-Rhin en première instance, relatif à l'obligation faite à l'épouse de M. C... de quitter le territoire français le 17 août 2017, que le requérant a fait l'objet d'un rappel à la loi à la suite des violences commises sur sa conjointe le 19 juillet 2016. Par ailleurs, la préfète a produit devant le tribunal administratif un procès-verbal d'audition de M. C... en date du 26 mars 2024 pour des faits de violence conjugale de même nature. Enfin, alors que la durée du séjour en France de l'intéressé est liée en grande partie à l'instruction de ses demandes de titres de séjour et au fait qu'il n'a pas respecté une précédente mesure d'éloignement, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans en Algérie, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. M. C... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait dû bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 10 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle emporterait, pour le requérant, des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent par suite être écartés.

13. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

14. M. C... soutient que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants nés en 2015 et 2017 dès lors que son épouse étant d'une nationalité différente de la sienne, la cellule familiale ne pourra pas se reconstituer dans l'un ou l'autre pays d'origine des parents. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. C..., bien qu'ayant la nationalité marocaine, est née en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident ses parents, son frère et sa sœur. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., épouse de M. C..., ne pourrait pas retourner s'établir dans ce pays, et que la cellule familiale ne pourrait pas s'y reconstruire. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu que les enfants du requérant ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans ce même pays. Dans ces conditions, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant refus de délai de départ volontaire et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :/ (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :/ (....) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;/ (....) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (....).

17. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. C..., la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur la circonstance qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il ne peut justifier être entré régulièrement en France, qu'il s'y maintient irrégulièrement et qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes en l'absence de justificatif de domicile et de document d'identité. Contrairement à ce qu'il allègue, M. C... ne justifie pas d'une pièce d'identité en cours de validité dès lors que son passeport est échu depuis le 18 juin 2018. Par ailleurs, la circonstance que l'arrêté attaqué fasse mention qu'il est titulaire d'une carte d'identité nationale algérienne est sans emport dès lors qu'elle n'est pas produite aux débats et que le requérant ne précise pas si elle est ou non en cours de validité. En outre, s'il a indiqué lors de son audition qu'il résidait à une adresse précise à Strasbourg, il ne conteste pas qu'il n'a pas été en mesure de justifier que cette adresse constituait sa résidence effective et permanente au sens des dispositions précitées. A cet égard, est inopérante la circonstance qu'il a été assigné à résidence à l'adresse précitée. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché d'erreur d'appréciation la décision de refus d'un délai de départ volontaire en litige, ni n'a commis d'erreur de fait.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

19. En second lieu, la décision attaquée qui précise que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte, de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

20. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant assignation à résidence et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, dans le cadre de l'évocation :

21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). "

22. Pour prononcer à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales applicables, a rappelé que l'intéressé est entré irrégulièrement en France, qu'il y s'est maintenu sans avoir cherché à régulariser sa situation au regard de son droit au séjour, ce qui est erroné, que son comportement constitue un trouble à l'ordre public, qu'il ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France et qu'il ne justifie pas de circonstances humanitaires. A la suite de ces constats, la préfète indique expressément que " par suite, il y a lieu de prononcer à son encontre une IRTF d'un an ; que compte tenu de ces circonstances propres au cas d'espèce, la durée de l'interdiction de retour d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale ". Or, il ressort de la lecture du dispositif de la décision attaquée que c'est une interdiction de retour d'une durée de cinq ans qui a été prononcée à l'encontre de M. C.... Dans ces conditions, en fixant à cinq ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, alors qu'elle avait au contraire dans les motifs de sa décision estimé que seule une interdiction de retour d'une durée d'un an était justifiée, la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision, il y a lieu de prononcer son annulation.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en tant seulement qu'elle est dirigée contre la décision portant interdiction de retour en France pendant cinq ans.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

24. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel formé par M. C... contre le jugement n° 2402229 du 16 avril 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement, présentées dans la requête n° 24NC02012, sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu non plus d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que demande M. C..., qui est la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance, au titre des frais d'instance qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2402229 du 16 avril 2024 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé uniquement en tant qu'il a rejeté les conclusions formées par M. C... à l'encontre de la décision du 26 mars 2024 de la préfète du Bas-Rhin portant interdiction de retour en France pendant cinq ans.

Article 2 : La décision de la préfète du Bas-Rhin du 26 mars 2024 portant interdiction de retour en France pendant cinq ans est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24NC02006 de M. C... est rejeté.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C... ci-dessus visée sous le numéro 24NC02012.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Elsaesser et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Martinez, président,

- M. Agnel, président-assesseur,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

Nos 24NC02006-24NC02012 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC02006
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24nc02006 ?
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